Nous nous mariâmes le 7 janvier 1863, ce fut Mr Aujard qui nous maria, comme pour mon premier mariage. Jean François Ferré mon mari apportait un petit pécule, il avait 27 ans et moi 25 et nos deux écots rassemblés ne formaient pas une bien grosse fortune. L’essentiel était ailleurs, il m’apportait sa protection, sa force de travail et une respectabilité de femme mariée. Je n’avais plus seize ans et j’étais moins nunuche, sans ma mère j’avais appris à tenir une maison et pour la bagatelle j’avais appris à tenir un homme.
Dans la maison cela faisait un homme de plus, il fallut rajouter une paillasse pour mes enfants car mon nouveau mari n’en voulait pas dans sa couche.
Très fertile je devins grosse rapidement, mais j’avais mis la charrue avant les bœufs. Rapidement énorme il fallut que j’en passe par une position que ma sensibilité chrétienne récusait, mais bon quel délice.
Avec mon mari nous avions tout de fois décidés de nous expatrier sur le hameau de la Boule, Eugène mon frère nous suivit et c’est la bas que le 3 octobre de la même année je mis au monde un petit Louis,, ma mère avait disparu mais ma grand mère vint encore m’assister, ma belle mère Victoire était là aussi. Le chemin était fait la sage femme n’eut pas le temps d’arriver.
C’est aussi à cette période que mon frère nous annonça qu’il avait rencontré une jeune fille, mon père donna son accord et s’entendit avec le père de la jeune fille. Elle était domestique, n’avait qu’une maigre dot mais comme nous n’étions point riches entre gens de rien on s’entendait toujours
C’est avec plaisir que nous préparâmes cette fête, ma grand mère malgré son âge avancé m’aida à préparer le repas. Mes tantes vinrent également et c’est dans une joie et un babillage tout féminin que la noce du Eugène se prépara.
Le mariage eut lieu le 21 juin 1864 c’était tard dans la saison car les travaux agricoles estivaux étaient déjà commencés.
Je ne suis pas méchante de nature mais dieu que ma belle sœur était sotte, bête à manger du foin,heureusement son cul et sa poitrine avantageuse sauront retenir mon andouille de frère et puis qui suis je pour juger….
Puis ce fut le retour à la Crépaudière, mon père, mon oncle Jean, mon couple et mes trois enfants ainsi que le couple d’Eugène. Malgré l’intimité toute relative car nous étions encaqués comme des sardines je devins grosse à nouveau, comme disait crûment mon père dès que tu vois l’engin de ton bonhomme tu tombes enceinte.
Je profitais de ma grossesse pour me décharger de certaines tâches ingrates sur ma belle sœur, après tout j’étais l’aînée. Bon nous rigolions bien quand même et nous partagions nos petites misères de femme.
Mon auguste arriva le 27 octobre 1864, j’allais encore me retrouver avec deux bébés à la mamelle, vous parlez d’une sinécure, l’aîné avait déjà quelques dents et était vorace comme un brochet. A ce rythme et bien que nous paysannes le soutien de nos poitrines nous préoccupait guère, j’allais me retrouver à trente ans avec des seins largement pendant.
Il faut croire que mon frère trouva son chemin car son épouse se trouva grosse, décidément la Crépaudière rendait fertile ses occupantes.
En cette année mon Barthémy âgé de 11 ans tenait déjà sa place à la ferme et conduisait fort bien les vaches à la pâture, ma petite Marie, jeune souillon de 9 ans effectuait les corvées d’eau et de bois, elle s’occupait de nourrir le poulailler et le cochon dans sa soue.
En Mars 1865 mon oncle Jean se remaria avec une sœur de mon premier mari, elle était veuve également et à 40 ans pouvait encore trouver un veuf à consoler. Rose Victoire venait souvent à la Crépaudière, toujours avenante et disposée à aider tout le monde elle était devenue comme ma propre sœur.
Encore une fois tout le monde fut réuni et se fut avec plaisir que je revis les frères de mon défunt mari. Bon d’accord la belle mère de mon père était encore de ce monde et bien présente à la noce de son fils, quelle vieille peau, mauvaises herbes ne crèvent jamais.
Cette fois, c’était la crise du logement d’autant plus que ma nouvelle tante amenait une petite drôlesse de 9 ans fruit de son premier lit.
Les hommes en discutèrent entre eux, pendant qu’avec les femmes nous filions de la laine. Ce fut Jean qui de nouveau posa ses maigres bagages au Moulin des Landes. On voit bien que nous autres les Barreau nous n’allions jamais bien loin.
La vie est un long fleuve tranquille, travail, travail et le dimanche la messe, j’aimais ce moment, tout le monde se retrouvait au pied de l’église, certains venaient de loin, le canton de La Chapelle Achard comptait beaucoup d’habitats dispersés. Ce temps était unique, nous prenions des nouvelles des uns et des autres , les hommes discutaient encore et encore de leurs animaux et de leurs récoltes, les jeunes entamaient des jeux de séduction et bien sur Monsieur le curé prêchait et faisait sa messe. On ne peut dire que j’écoutais religieusement l’ensemble de l’office mon esprit partait souvent ailleurs, je me reposait en quelque sorte. Jean mon mari faisait souvent messe buissonnière et je le retrouvais souvent bien chaud . Il avait l’alcool un peu gai alors je lui pardonnais. Ce que j’aimais le moins dans cet univers religieux était la confession. Je ne savais quoi lui dire à ce bon père, vous parlez qu’une paysanne comme moi faisait beaucoup de péchés, il était hors de question que je lui raconte mes galipettes. Mais parfois il nous tirait les vers du nez et nous passait une soufflante à travers les grilles. Le dimanche était donc sacré, pas de travail en théorie, mais il y avait quand même les bêtes à s’occuper et la traite était de bonne heure .
Eugène a également fait un enfant à sa bécasse, encore des cris à la Crépaudière.
En début d’année 1866 devinez quoi , plus de menstrues, j’avais pourtant dit à Jean de faire attention et de sauter en marche mais pensez donc, pressé comme il est. Je lui en voulait un peu mais nous ne pouvions lutter contre la nature et comme cela je restais en phase avec monsieur le curé qui préconisait une sexualité reproductive. Encore fallait il les nourrir nos petiots . A ce propos nos anciennes disaient que pour ne pas avoir de marmots il fallait allaiter longtemps, vous parlez d’une ânerie ç’a n’a jamais marché sur moi. En prévision de la nouvelle arrivée, j’interrompais l’allaitement de mon Auguste et je le passais au lait de vache. Bon d’accord il fut bien un peu malade, mais il passa le cap, j’avais la chance de n’avoir perdu aucun petit, je touchais pour m’en prévenir le bois de mon lit.
Je me traînais comme jamais, heureusement ma belle sœur suppléait à mes faiblesses, le 13 novembre 1866 j’accouchais d’un autre garçon, décidément la relève paysanne était assurée. On le nomma François Aimé et encore une fois ce fut mon père qui servit de témoin pour la déclaration.
Peu de temps après mon accouchement toute la famille se déplaça pour voir un étrange spectacle, en effet des ouvriers travaillaient dans les champs à poser de grand morceau de fer, Jean me dit qu’on les appelait des rails, mais pourquoi faire diantre ?
Je le sus bien vite car dans un vacarme assourdissant passa une locomotive qui à toute vapeur nous épouvantant pauvres paysans ignorants que nous étions. Ce moyen de locomotion révolutionna nos vies, et désenclava la Vendée, comme il le fit d’ailleurs pour les autres régions. Cette ligne reliait Napoléon Vendée avec les Sables. Mais imaginez l’intrusion de cette invention dans notre univers. Il fallut bien sur couper des parcelles et en aménager d’autres, ce fut des discutions sans fin au conseil municipal car les gros propriétaires ne se laissèrent pas spolier sans compensation. Le chemin de fer à vapeur eut des répercussions commerciales importantes et bon nombre de communes du voisinage créèrent des foires
Moi pour ma part jamais je ne monterais dans cette abomination.
LE JOURNAL D’UNE VENDÉENNE, ÉPISODE 1, mon enfance
LE JOURNAL D’UNE VENDÉENNE, ÉPISODE 2, mon adolescence
LE JOURNAL D’UNE VENDÉENNE, ÉPISODE 3 , mon premier mariage et ma première maternité
et nous entrons dans la nouvelle ère! encore de forts moments…à nouveau merci!
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