En cette année 1734 le moulin entre en émoi lorsque Pierre le fils, au retour de la messe des anges de la princesse de Talmont, émet le désir de convoler avec une fille du village.
Le père à l’annonce du nom manque bien s’étrangler de rage, lui qui a en espérance une fille de farinier bien dotée est consterné d’apprendre que l’heureuse élue de son fils n’est que la fille d’André Pelisson, un journalier miséreux. Il entre en folie en disant qu’elle n’apporte en dot que son cul et que ce n’est point suffisant. L’opposition entre les deux Pierre se fait vive, le jeune n’est pas sûr de l’emporter tant la volonté paternelle est ferme.
Le fils doit avoir le consentement de son père, il ne peut en être autrement.
Pour forcer la décision Pierre force un peu la fille. Qu’importe si elle n’est plus pucelle lors de la nuit de noces, leur liaison charnelle oblige un peu les parties prenantes à un mariage.
Le 7 février 1735 le fils aîné du moulin se marie, Marie sa mère en toute fierté malgré cette mésalliance s’est parée de ses plus beaux atours et Pierre le farinier a tout de même convié tous ceux qui comptent dans le comté.
La noce se fait au moulin , la chair est succulente et les musicien font tournoyer les noceurs pendant deux jours. C’est en fait une répétition de son propre mariage, d’ailleurs tout est répétition en cette campagne.
Jean le deuxième fils âgé de dix neuf ans envie son frère d’avoir une femme, il fait une cour effrontée et effrénée à son ex tante Anne qui en temps que cousine se trouve invitée. Malgré le fait qu’un enfant soit à sa mamelle Jean ne la quitte pas des yeux, fasciné par la beauté laiteuse de la poitrine d’Anne. Marie qui a l’œil à tout, fait cesser d’une calotte la contemplation interdite de son fils.
Qu’il aille jeter sa gourme sur la toison d’une bergère ou sur le cul sale d’une charbonnière mais qu’il ne trouble pas la paix d’un ménage.
Marie Pelisson épouse Fleurisson passe de la férule de son père à celle de son mari et de ses beaux parents. Si Pierre le père se fout bien de sa belle fille, il n’est pas de même de la belle mère qui devient une vraie tyran. Elle a besoin d’une bonniche et elle la trouve. La petite en devient malheureuse, mais il faut qu’elle fasse son nid dans celui déjà fait de son aînée. Toutes les femmes passent part là et elle espère que la vieille crèvera rapidement. C’est sans compter sur la vigueur de Marie qui n’a que quarante six ans. Heureusement que le soir elle retrouve les bras vigoureux de Pierre le jeune, même si au fond d’elle même , elle lui en veut de ne pas la défendre face au despotisme de l’ancienne. Mais le statut fort envié de meunière lui fait finalement avaler toutes les couleuvres. Puis peut être que lorsqu’elle enfantera, son statut de servante changera et qu’elle deviendra un peu patronne.
La rivalité entre les deux fariniers ne faiblit pas, chaque charrette de grains qui arrive sous les ailes du moulin neuf, brise le cœur de Fleurisson, Moisnet de son coté maudit tout ce qui va à la Roulière. C’est idiot car le travail ne manque pour aucun des deux, pas plus d’ailleurs qu’il ne manque au moulin des Jard n’y d’ailleurs à aucun des autres moulins qui tournent à la Roulière .
Les deux font une trêve de rivalité quand Moisnet propose que Nicolas le troisième fils de Pierre ne devienne le parrain de sa fille Marie. C’est un joli pas et les deux hommes se serrent la main de belle façon. L’idéal serait qu’un jour les deux familles s’unissent afin que toutes les ailes de Benon tournent pour le même bas de laine. Nous n’en sommes pas là car aucun des bâtiments n’appartient en propre aux deux familles.
La petite Marie malgré la ponctualité amoureuse de son homme n’a aucun espoir. Tous les jours à la cuisine les mêmes réflexions tombent. Fais- tu ce qu’il faut ma fille, tu as le ventre sec comme une planche de cercueil, tu lui as noué l’aiguillette.
Un jour sa belle mère l’entraîne à la fontaine miraculeuse de l’abbaye. Décidément ce lieu comme un soleil qui tous les matins se lève, intervient dans la vie des membres de la Roulière. C’est une humiliation et aucun résultat n’arrive . Marie la jeune se désole de n’être point mère, Marie la vieille se désole ne point être grand mère. Les deux femmes qui vivent dans une intimité permanente se détestent totalement.
D’autant qu’il y a aussi Marie la fille aînée, non mariée, Elisabeth un peu infirme et Jeanne un peu plus jeune mais cruelle et qui se fait fort de mettre de l’huile sur le feu en permanence.
Chaque matin au lever elle fait la même remarque à sa belle sœur, »alors cette fois ci c’est la bonne. »
Vivement que la vieille crève, que la plus jeune se marie et que l’infirme soit remisée dans la soue .
Mais ce n’est pas l’une des femmes qui disparait en premier c’est le maître.
Pierre un soir ne se sent pas très bien, le lendemain il ne se lève pas. L’inquiétude ne prévaut pas, le bougre est solide et l’on fait ce que l’on fait tous les jours, les grains arrivent, la farine repart.
Les clients un peu inquiets d’avoir à faire aux fils demandent des nouvelles, la réponse est qu’il va bien. Le lendemain 16 décembre 1738, le farinier de la Roulière, l’émigré des marais s’éteint au milieu des siens.
Les fils vont-ils faire perdurer le fructueux fermage, à n’en point douter, la veuve Marie Brillouet y veillera.
Mais Marie au ventre plat un matin sans prendre de précaution oratoire lui dit tout de go qu’elle n’est plus la patronne mais simplement la mère du chef.
Désormais elle donnera des ordres, la vieille sera reléguée au rang d’ancienne et plus en temps que femme.