FIN DE LA GUERRE A FERNAND.

FERNAND

Voila la guerre à Fernand est terminée.

Son dernier combat il l’a livré le  11 novembre 1969 à 11 heure du matin à l’hôtel Dieu de Provins ( Ancien hôpital  de la ville ).

Son dernier exploit qui vaut bien une dernière citation, il l’a accompli 2 jours auparavant lorsque l’ambulance est venue le chercher et que les infirmiers ont voulu le descendre de sa chambre située à l’étage.

Il s’était levé seul et s’apprêtait à descendre lorsque mon père l’a retenu en haut des escaliers.

Il ne s’était plus levé depuis plusieurs jours et était mourant. Je le revois du haut de mes  8 ans fier et faible en haut de cet escalier livrant son dernier combat.

Je pense qu’il aurait aimé mourir dans son lit, dans sa maison  en lieu et place du froid hôpital, cela ne se fît pas, cela ne se faisait déjà plus.

Hourra, hourra les chacals ne sont plus là.

Mon grand père a été décoré de la médaille militaire le 10 juin 1923 et de la légion d’honneur le 15 octobre 1958, ces reconnaissance tardives ne valaient certes pas pour lui sa fameuse croix.

Il devint jusqu’à sa mort un fidèle porte drapeau et ne manqua jamais un défilé du  11 novembre  puis du  8 mai.

Je laisse maintenant sa mémoire au repos, j’espère l’avoir fait revivre un instant.

Une personne dont on se souvient est une personne qui ne meurt jamais.

Pour ceux qui veulent relire l’ensemble des articles, ils sont regroupés dans la catégorie la  » guerre à Fernand. »

 

LES DERNIERS COMBATS, 1918, la guerre à Fernand épisode 10

fernand 1919 2Fernand 1919 arborant fièrement sa croix de guerre avec ses  4 étoiles

 

Notre collectionneur de blessures rejoint donc son régiment au bout de seulement 1 mois. Riche d’une nouvelle citation il est pourtant, lui le dur à cuire durement touché psychologiquement.

Pas une celle fois depuis le Cornillet qu’il ne se réveille en sursaut et en sueur avec l’impression d’avoir de la terre dans la bouche. Plus que sa blessure à la jambe, le fait pour cet homme de la terre d’être enseveli vivant restera un traumatisme bien vivace le restant de ses jours.

Fernand rejoint son bataillon dans le secteur de Maison de Champagne, les Zouaves ont maintenant droit au port de la fourragère.

Le train train succède au train train et c’est avec satisfaction que le régiment quitte cet endroit pour se rendre en cantonnement à Herpont.

C’est la valse des nominations, les récompenses sur les officiers pleuvent, Fernand anonyme parmi les héros ne reçoit rien, même vie de labeur, le fusil et la pioche, les poux et le pinard, la puanteur des feuillées et l’inconfort des plumards, la pensée de Fernande et les envies solitaires.

Au mois d’août, la nouvelle se propage, on repart à Verdun, car une attaque se prépare pour reprendre la cote 304, le Mort Homme, le bois des Corbeaux,la cote de l’oie.

Les hommes sont stupéfaits, ils pensaient en avoir fini avec ce coin maudit.

Le 14 août 1917 les cantonnements sont pris à proximité de Verdun, le régiment n’interviendra pas, la tache a été confiée à la division Marocaine.

Fernand croyait être tranquille en entendant cette nouvelle mais déchanta quand les 3 compagnies de mitrailleurs furent mises à la disposition de la division d’attaque.

Jusqu’au 20 août du côté de Livry la Perche les Zouaves mitrailleurs effectueront des tirs indirects sur l’ennemi.

Les Marocains emportèrent tout sur leur passage et le Mort homme endroit sinistre où Fernand avait passé des jours sombres redevenait Français.

Puis vinrent les jours monotones, jusqu’à fin décembre, le régiment avec sa division occupera les positions reconquises.

Succession de travaux de terrassements, de corvées, de patrouilles, de repos à l’arrière.

Certes des hommes meurent encore et toujours, des bombardements, des escarmouches mais habitués aux grandes boucheries, ces morts et ces blessés éparses ne les troublent guère.

Puis vint la soirée de Noël, la 4ème depuis le début de la guerre, toujours la même chose, le rata un peu amélioré, le pinard en abondance, la messe de l’aumônier, le serrement de pinces des officiers et la lettre de Fernande lue et relue.

Puis  le grand départ, encore un, direction Joinville en Haute Marne et là aussi l’éternelle répétition des cahotements de la route, du bruit de la locomotive et des ampoules qui meurtrissent les pieds.

Nous sommes maintenant en 1918 le régiment est commandé par le lieutenant colonel Kastler, le 11ème bataillon par le chef de bataillon George.

79 Officiers

2798 hommes

324 chevaux

Évidement l’effectif n’a plus rien à voir avec celui qui partait la fleur au fusil en septembre 1914 du fort de Saint Denis.

Personne ne sait quand la guerre se terminera, les certitudes ont disparu depuis longtemps.

En mars 1918, libérés des Russes et conscients de l’urgence à vaincre avant le déploiement des troupes américaines, les allemands déclenchent une vaste offensive dans la Somme pour faire fléchir les Anglais et forcer les Français à un armistice de compromission.

Jusqu’en juillet 1918 les zouaves ne seront pas principalement engagés, toujours en réserve, mais jamais bien loin de l’action.

La contre offensive Mangin a stoppé les allemands.

Le 10 juillet Fernand et ses copains remplacent le 201ème régiment d’infanterie devant Longpont dans le département de l’Aisne. Les combats s’annoncent être chauds sous les ordres du nouveau commandant du 1er Zouave, le lieutenant colonel Pompey.

Le 13 juillet ordre est donné au 11ème bataillon de faire un bon en avant, l’attaque commence à 5 h 30 sous les ordres du capitaine Faure, à 6 h 15 l’opération est terminée. L’objectif est largement atteint.

Le lendemain une forte contre attaque se produit, elle est repoussée avec succès, mais Fernand peu chanceux est blessé à l’épaule gauche. Vraiment un miraculé et une nouvelle fois il suit le circuit habituel.

L’arrêt sera de presque 2 mois, on peut penser paradoxalement que ses nombreuses blessures lui ont peut être sauvé la vie. Les quelques jours passés à Nangis dans les bras de sa Fernande lui ont remonté le moral, marié depuis la fin 1917, il va être père et espère que la guerre sera fini pour l’arrivée de l’enfant qu’il espère être un garçon.

En septembre Fernand rejoint son régiment vers Coulommiers, pays de son enfance, beaucoup de fermes lui sont familières.

Le régiment est au repos, le 15 septembre a même lieu un match de foot contre des parisiens, Fernand que l’on surnommait Gazon participe à la rencontre.

Puis de nouveau, la division se met en branle, transportés en auto les zouaves du 1er se retrouvent en Champagne du coté de Perthes et de Tahure.

Ils sont en réserve de division, le 11ème pour sa part suivra le 44ème régiment d’infanterie à environ 2,5 km.

L’attaque se déclenche mais les Allemands toujours coriaces arrêtent la progression des Français près de la croix Muzard.

Le 29 septembre les Zouaves prennent le relais, la progression est laborieuse, sous le feu des mitrailleuses et les pertes sont nombreuses.

Fernand et son bataillon sont bloqués momentanément, mais l’ irrésistible progression reprend, le 4ème bataillon et les chars emportent tout.

La tranchée de la croix Muzard est enlevée par le 11ème, Fernand comme ses copains, est fou de témérité. Les boches reculent, la croix Muzard est enfin conquise.

La progression ne s’arrête pas là, les teutons ne sont encore pas en Allemagne.

Le 2 octobre Fernand s’illustre de nouveau en mettant en batterie sa mitrailleuse pour bloquer une contre offensive.

Nouvelle citation, les zouaves anciens comme nouveaux n’ont qu’une envie botter le cul du kronprinz et butiner les Gretchen .

 

citation fernand

Le 6 octobre il faut malgré la fatigue lustrer son paquetage, se rendre propre, se raser pour la messe solennelle en l’honneur des soldats morts. Le général Susbielle est présent.

  • Nom de dieu
  • y pouvait pas faire leur bondieuserie dans une autre tranchée que la notre.
  • Comment veux tu qu’on soit propre dans la tranchée.
  • Ras le bol des sardinés.
  • Et pi je le connais pas ce Susbielle

L’évocation de ce nom fit rire nos chacals. Une gueulante du lieutenant mit fin à la rigolade.

Puis se fut la fin le 11 novembre 1918 tout cessa. Le grand massacre était terminé.

Fernand resta jusqu’en août 1919 sous les drapeaux, défilés, acclamations, guinches avec les paysannes rencontrés, pinard à volonté lors des traversés de village, le bonheur de pouvoir se réveiller vivant.

Mais le vrai bonheur fut sa descente sur le quai de la gare de Nangis. Fernande endimanchée avec la petite Léone dans les bras attendait son homme.

EPILOGUE

Fernand avait passé 7 ans chez les zouaves, avait vu des horreurs qu’aucun être humain ne devrait jamais voir, avait tué des hommes de sang froid, avait souffert de la faim , du froid, de la soif.

Il en fut profondément marqué, et il en ressortit une haine inextinguible envers les Allemands.

En 1940, trop vieux et à charge d’enfants il ne put combattre son ennemi et en souffrit énormément.

J’ai été élevé dans cette ambiance, haine du boche et détestation de l’anglais, alors oui je l’avoue parfois je ponctue ma fin de repas par  » encore un que les boches n’auront pas  ». Cette petite vacherie je la transmets à mes petits enfants. Devoir de mémoire, même si nos présidents se sont tenus la main à l’ombre des croix blanches de nos morts

Hourrah ! Hourrah ! mon brave régiment !
Le canon résonne et le clairon sonne !
Hourrah ! Hourrah ! Zouaves en avant !
Hourrah ! Hourrah ! En avant ! En avant !
Pan ! Pan ! L’arbi ! Les chacals sont par ici !
Les chacals, ces vaillants guerriers !

ENTERRÉ VIVANT, ( L’ ATTAQUE DU MONT CORNILLET, MAI 1917 ), La guerre à Fernand épisode 9. ,

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Le régiment à la suite de ces jours extrêmement durs alla se mettre au repos , Fernand blessé légèrement à la main gauche fut évacué vers l’arrière.

Blessure dûment certifiée par trois de ses compagnons d’infortune, le Sergent Major Anceaux René, le Caporal Fourrier Burneau Charles et le 2ème Classe Manchoux Jean. Le médecin Major Lombardy Pierre le soigna et le fit évacuer.

Pour Fernand cette 4ème blessure n’était qu’une égratignure, juste un mois d’arrêt et il rejoindra son régiment en Meurthe et Moselle. La mission du régiment était très simple en ce front reculé, surveillance des vallées de la Moselle et de la Seille. Du haut de la cote du Xon à  356 mètres d’altitude, les soldats se relayaient en une surveillance monotone. Les zouaves y seraient presque bien, si un froid vif et piquant ne venait durcire la terre et endolorir les membres.

En avril les Zouaves pleurent le départ de Papa, en effet le lieutenant colonel Rolland laisse sa place au lieutenant colonel Poirel.

Un régiment d’élite ne pouvait éternellement rester en surveillance, ,une tâche immense attend nos zouaves. Les Français piétinent face au mont de champagne, collines de craie répondant aux jolis noms de Cornillet, mont Haut, mont Blond, mont Perthois, le Casque, le Téton, et le mont sans Nom. Ces monts fortifiés, creusés d’immenses galeries forment un vaste observatoire pour les Allemands qui dominent ainsi nos positions. L’attaque Française débute le 7 avril, les zouaves entrent en scène le 13 mai pour l’attaque finale du Cornillet.

mont cornillet gol

 

Fernand toujours au 11ème bataillon en cette nuit du 13 au 14 mai s’apprête à relever le 2ème bataillon du 48ème d’infanterie dans le premier secteur.

Son chef le Capitaine Alessandri s’assure de bon déroulement de l’opération, avec 2 compagnies,  les mitrailleurs s’installent en 1ère ligne.

Outre les gardes, Fernand comme les autres se transforme en terrassier, création de parallèles de départ et d’une ligne de soutien. La craie se prête à merveille aux travaux mais la chaleur est importante et les hommes se fatiguent vite.

Le 19 mai Fernand et le 11ème sont retirés de la 1ère ligne et s’installent dans la ligne de soutien et dans la tranchée Erfurth.

Ayant eu vent d’une attaque éminente, Fernand s’emporte de ne pas être dans la 1ère vague.

  • Non de dieu une semaine qu’on creuse et vla ti pas qu’on nous fout à l’arrière.
  • Tu devrais être content bougre de couillon, on clamse toujours au départ de l’attaque.
  • De la viande qu’on est .
  • Ouai mais moi je veux bouffer du boche et rentrer chez moi le plus vite possible.
  • Sur mon gars ta Fernande elle va s’en trouver un autre.
  • Ferme la ou j’te fous un coup de Rosalie.

Le 20 mai les zouaves sont en place pour l’attaque, le bombardement ennemi se déchaîne, les hommes habitués sont impassibles, Verdun et la Somme les ont endurcis. Les nouveaux, encadrés par la vieille garde n’osent broncher.

L’Artillerie Française se déchaîne également et va crescendo jusqu’à midi.

.

Un Allemand se rend vers 13h 30 et révèle la position d’un vaste tunnel occupé par un bataillon presque entier.

Les tirs d’artillerie s’acharneront sur ce dernier faisant des centaines de victimes.

A 16 h 25, les zouaves s’élancent comme à la parade, les canons Allemand se déchaînent, Fernand et le 11ème ramassent pas mal.

Chacun baisse le col quand la déflagration arrive, puis soudain un sifflement, puis un autre et encore un autre.

Fernand en est complètement abruti. Puis un bruit suivi d’un silence.

Il fait noir, Fernand suffoque, les yeux lui brûlent, de la terre s’introduit dans sa bouche, il va crever c’est sur, il prend conscience qu’il est enterré, panique tente d’ hurler mais la craie le bâillonne. Il se débat, ses forces l’abandonnent. Mais la mort n’est peut être pas pour aujourd’hui, il se sent tiré par des forces extérieures, enfer ou paradis ?

Le visage de Gaston lui apparaît soudain, de l’air pénètre à nouveau dans ses poumons, il crache, vomit et tousse, ses yeux lui font mal.

A peine remis, Fernand doit s’élancer à son tour, la montée est rude, des trous partout, des troncs d’arbres calcinés, des cadavres déchiquetés, des lambeaux de barbelés formant de cruels pièges   et le tir précis des mitrailleuses teutonnes.

De nouveau une explosion, Fernand est encore enseveli, moins profondément que la première fois, il s’extirpe seul de son linceul de terre.

Mais enfin dans un élan irrésistible l’attaque est consumée et les Allemands chassés du sommet.

Fernand n’est pas blessé mais un grand nombre de ses copains ne se relève pas. Il a soif, a un goût de terre dans la bouche, ses poumons sont en feu et ses yeux à moitié mi clos lui font endurer le martyr. L’essentiel, c’est à dire sa vie a encore été préservée.

Il ne participe pas au nettoyage du tunnel mais il y jette un coup d’œil au passage. Un indicible spectacle s’offre à lui, emmurés, asphyxiés 400 jeunes gars sont entassés grimaçant, bavant,  bleuis, noircis, les yeux exorbités, disloqués en des postures grotesques.

Fernand pourtant endurci en est tout chamboulé.

Mais pas le temps de s’apitoyer la CM 3 est versée dans le bataillon du Capitaine Simondet.

Les Allemands n’entendent pas rester sur cette défaite et déclenche une série de contre attaque.

Elles vont toutes échouer, la mitrailleuse de Fernand est brûlante.

La nuit va être particulièrement longue, aucun ravitaillement n’est possible, la faim est tolérable, mais la soif rend cinglé, enterré 2 fois, de la craie plein la bouche, Fernand en aurait bien bu sa pisse si il avait pu se soulager.

Le lendemain la violence des bombardement ne faiblit guère, Fernand en 1ère ligne en subit les conséquence, un obus incendiaire tombe à coté de lui, cette fois si, il est mur pour une 5ème blessure, sa jambe gauche est brûlée et des gaz l’intoxiquent.

Les poumons sont légèrement touchés, sa respiration est difficile, sa langue a doublé de volume, et ses yeux s’obscurcissent. Sur la civière qui l’emporte il se dit qu’il préfère mourir que de devenir aveugle.

Il s’inquiète pour rien, il reverra le sourire de Fernande et ses fesses dodues. Bien soigné, les yeux lavés, désaltéré, la brûlure pansée, il n’aura qu’un repos de 1 mois avant de retrouver ses copain de malheur.

Pour certain, l’enfer du mont Cornillet souffle d’un feu équivalent au brasier infernal de Verdun.

1200 zouaves du 1ere régiment y laisseront leur peau, les citations tomberont.

Décimés, renouvelés, les chacals sont toujours là.

BATAILLE DE LA SOMME, ( Attaque du bois de Préssoire ), la guerre à Fernand épisode 8

bou tranchée

La misère des tranchée

Le repos ne dure que quelques jours, juste le temps de sécher les habits et de vaguement les décrotter.

Même si l’hôtel n’est pas 4 étoiles, au moins on dort au sec et on mange à l’abri. La faiblesse de certains les mènent droit à l’infirmerie, des bronchites se déclarent et deviennent rapidement très grave à cause de l’épuisement.

Mais le major ne s’apitoie guère et renvoie sans ménagement la plupart des soldats qui se présentent, Fernand comme les autres ne tient plus debout mais ne tente pas de se faire porter pâle.

Le 3 novembre la 75ème brigade reprend sa place en 1ère ligne en relevant la 50ème.

Il pleut un peu moins, mais le paysage dévasté ressemble à un marécage, les trous d’obus forment de profondes mares et les fondrières sont légions.

Bien évidement, les boyaux et les tranchées sont gorgés d’eaux.

  • Bordel y’a autant de flotte qu’ y a une semaine
  • tu t’attendais à quoi bougre d’âne
  • on est pas en Tunisie
  • ouai on va encore chier debout un moment.

bou tranchée 2

quoi qu’on fout là

Les jours qui suivent son calme, enfin presque, des bombes tuent chaque jour quelques hommes et en estropient le double, mais tout le monde est habitué, on évacue les morts, les aumôniers font une prière ,et les territoriaux creusent, le quotidien en sorte.

Le temps encore une fois passe lentement et ce n’est pas l’annonce de l’attaque pour le 7 novembre qui ravive l’ambiance.

L’ordre d’attaque sur le bois de Kratz et sur Pressoir se décline ainsi

La 75ème brigade met en ligne 6 bataillons.

La 50ème un bataillon

A cela s’adjoint , 4 compagnies du 240 territorial et 4 groupes AD 25

Le colonel Rolland prend le commandement de la 1ère vague d’attaque qui se compose de 2 bataillons du 1er zouave et un bataillon du 9ème tirailleur.

Fernand et son bataillon sous les ordres du capitaine Simondet sont en réserve d’attaque.

Un peu en retrait se trouve la réserve de brigade puis la réserve de division.

Le 7 novembre tout le monde est fin prêt, drogués à la gnôle , les hommes sont prêts à mourir, même peur, même mot, même interrogation.

  • Quoi qu’on fout là ?

A 9 H 55 les 3 bataillons s’extirpent du long serpent de boue et dans un élan irrésistible avalent les boches.

Le tir de barrage allemand est imprécis et frappe les troupes en réserve, ils s’apercoivent vite de l’erreur et à 10 h0 7 il rectifie leur pointage. Trop tard, le bataillon de Fernand se rue à son tour  et s’établit dans la tranchée du Sac et Bissac. Le 2ème bond se fait à 10 heures 15. On apprend que le village d’Ablaincourt est pris, mais les liaisons classiques commencent à faire défaut, plus de téléphone, plus d’optique. Les pigeons et les coureurs apportent seuls des renseignements.

On apprend par fusée Ruggieri que les tirailleurs ont atteint leur objectif et qu’ils progressent maintenant le long du bois de Kratz et qu’ils sont en liaison avec un des bataillons de Zouaves.

On entre maintenant dans Préssoire et de nombreux prisonniers sont faits.

Fernand avec ses copains attend dans sa tranchée, il ne sait rien et patiente comme tout le monde.

Le bruit est assourdissant, les balles sifflent, blottit dans la boue, les ordres se font attendre.

Mais la situation est bonne, le barrage d’artillerie boche diminue, laissant place à des tirs de mitrailleuses. A 12 H 58 l’objectif est atteint et Préssoire est dépassé d’environ 100 m.

La lutte a été chaude et le nettoyage du village et du bois très dur. Il faut maintenant consolider l’avantage. Le Capitaine Simondet avec son bataillon et des éléments du bataillon Maré se portent en avant pour en finir avec les teutons. Malgré que le gros de la bataille soit terminé ,  de rudes combats, presque du corps à corps continuent,  Fernand comme chargeur de mitrailleuse se dépense sans compter. Puis sonne l’hallali pour les allemands, le nettoyage des tranchées commence, 300 soldats allemands sont férocement éliminés, ( le mot férocement est utilisé par le rédacteur du journal de marche ). Le vengeur et la rosalie des chacals sont rougis par le sang des gamins d’outre Rhin.

Le 8 novembre la messe est dite, les pertes de la veille sont dures mais on en ressort vainqueur.

4 officiers tués et 10 blessés, 78 tués et 434 blessés parmi la troupe, ainsi que 130 disparus, sans doute des blessés récupérés par la 62ème division.

La 75ème est remplacée sur place par la 50ème.

Fernand s’en tire à bon compte, il est vivant.

Son action lui vaut une nouvelle citation

Citation à l’ordre

du Régiment n°257

Le lieutenant Colonel ROLLAND commandant le 1er régiment de marche de Zouaves

cite à l’ordre du régiment ;

TRAMEAU Fernand zouave de 1ère classe à la C M 3 du 1er régiment de Marche de Zouaves pour :

-Au combat du 7novembre 1916 a fait preuve comme chargeur ,du plus grand calme et a assuré ses délicates fonctions avec un rare sang froid, 2 blessures, une citation.

Très bon zouave, très courageux.

Signés par Colonel Rolland et par le Lieutenant Colonel Poirel.

Nota : La bataille de la Somme eut lieu du 1 juillet 1916 au 18 novembre 1916

            Tableau des pertes

Armée allemande Armée britannique Armée française Total belligérants
morts et disparus 170 100 206 282 66 688 443 070
blessés 267 222 213 372 135 879 616 473
total 437 322 419 654 202 567 1 059 543

Bataille de la Somme ( attaque du bois de Chaulnes octobre 1916 ), la guerre à Fernand épisode 7

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                                                                   Guetteurs de nuit

Lorsque bien des années plus tard on demandait à Fernand si il avait fait Verdun, il répondait invariablement qu’il n’avait pas fait Verdun mais le Mort-Homme. La distinction pouvait passée pour futile, mais pour lui elle ne l’était pas et malheur à ceux qui dans les estaminets d’après guerre de la ville de Nangis soutenaient le contraire à notre ancien chacal.

C’est donc profondément marqué que Fernand et ses copains quittèrent l’enfer de Verdun.

Fernand avait gagné sa première citation

ORDRE DU RÉGIMENT N° 59

Le lieutenant colonel ROLLAND commandant le 1 er régiment de marche de zouaves , cite à l’ordre du régiment

TRAMEAU FERNAND
Par 2 fois blessé au cours de la campagne, a malgré un éclat d’obus reçu à la main dans les murs de Verdun, tenu à continuer son service, donnant à tous ses camarades un très bel exemple d’énergie.

Aux armées le 14 avril 1916
Le Lieutenant colonel ROLLAND commandant le régiment

Ils se retrouvent dans le secteur de Nouvron dans l’Aisne, un petit paradis pour ces survivants des vals de Meuse.

Le temps se traîne, ponctué de travaux de terrassement , de corvées et de patrouilles. Fernand est retourné une fois chez lui depuis sa dernière convalescence. Le corps de Fernande lui a fait momentanément oublier la tuerie. Il reçoit d’elle maintenant des courriers réguliers , ils se marieront à la fin de la guerre si Fernand en réchappe. Des petits colis lui arrivent parfois, il les partage avec ses compagnons de malheur.

Des nouveaux sont régulièrement amalgamés, Fernand est un ancien, déjà blessé 3 fois, il a connu la retraite, la Marne, Yser, Verdun, il regarde ces nouveaux avec un peu de pitié, lui son âme est foutue, mais eux ?

La fleur au fusil de 1914 est fanée, les illusions d’une victoire rapide se sont envolées et l’espoir de raccompagner les Boches à coup de pieds au cul jusqu’à Berlin est bien loin maintenant.

Les fridolins sont de rudes soldats, mais eux aussi ont perdu l’espoir de se promener aux pieds de la tour Eiffel avec une fransouzen à chaque bras.

Pendant les longues heures de faction Fernand revoit le gamin qu’il a embroché avec sa baïonnette et qui hurlait de terreur, son premier mort à l’arme blanche, les yeux dans les yeux. Ce souvenir le hante, il y en eut d’autres depuis mais cet enfant terrorisé était le premier. Sa Rosalie fut tachée de sang, son esprit aussi.

Quand son cerveau vagabondait, il revoyait aussi les monceaux de charognes dévorés par les rats, les yeux des copains morts picorés par les corbeaux, et les corps qui semblaient se déplacer sous l’action des asticots.

Il sentait même l’odeur entêtante de la mort, elle vous prenait, vous pénétrait et jamais ne vous lâchait.

La joyeuse troupe de Zouaves du début de la guerre avait fait place à une bande de tueurs aguerris, vivant entouré de morts, gorgés de pinard et de gnôle dont seul l’instinct de survie leurs permettait de survivre. Le mythe du héros chantant la Marseillaise en mourant pour la nation n’est qu’une invention de l’arrière. Malgré l’habitude ils étaient morts de trouille quand résignés ils montaient à la mort, les plus jeunes chiaient parfois dans leur froc, certains devenaient fous. Mais la majorité sortait de leur trou au coup de sifflet et tombait dignement au chant d’horreur.

Fernand peu expansif garde ses impressions pour lui, les bleus verront bien par eux même si dieu les garde.

Le secteur est calme certes, mais les obus allemands tombent quand même quotidiennement, parfois 1000 par jour, évidement par rapport à l’orage de Verdun ce n’est qu’ une simple averse.

Chaque jour ce bombardement inutile fait des victimes, exacerbant les rancunes.

La brigade pense être oubliée des état majors, lorsque Joffre déclenche sa bataille de la Somme. Le Général Foch à la tête des troupes Françaises et le général Haig à la tête de celles des Anglais attaquent sur un front réduit les 500 000 allemands massés sur la Somme. Après un matraquage de 6 jours les Français se ruent sur les teutons et les bousculent, nos amis Anglais n’ont pas la même chance, leur attaque piétine, le choix de progresser sur une seule ligne ralentit l’avance Française et fait échouer la grande percée.

Le 26 septembre, la 75ème brigade se met en mouvement et quitte le plateau de Nouvron.

  • Fernand, je te dis qu’on y va dans la Somme.

  • Ben oui qu’on y va, tu veux qu’on aille où imbécile

  • Le gros a encore besoin de chair fraîche, on va tous y passer.

Pendant 2 jours les troupes cantonnent comme elles peuvent dans le village de Laversine, puis tout le monde monte dans les Berlier pour la gare de Crépy en Valois.

  • Putain j’en ai marre d’être brinquebalé comme des bestiaux

  • Ouai et le train c’est pas mieux, d’autant qu’on se rapproche de cette foutue bataille.

  • Dites mon lieutenant c’est t’y pas vrai qu’on y va dans la Somme.

  • T’occupes pas de ça, tu verras bien.

Partis de Laversine à 5 heures du matin l’arrivée au camps d’entraînement se fait vers 16 heures.

Fernand voit la pancarte, ils sont à Crevecoeur le grand dans l’oise .

Commence alors une quinzaine de jours d’entraînement intensif, il faut former les nouveaux et initier les soldats aux nouvelles techniques.

  • Il font vraiment chier avec leur manœuvre.

  • Comme si on savait pas se battre.

  • Ce con de sous lieutenant qui n’a même pas de poils au cul nous commande comme si il avait fait Verdun.

  • Je va t’y foutre une rafale si il continue.

  • Ferme la Gaston, sur que c’est chiant mais au moins on se prend pas de balles dans la peau et on dort pépère.

Le 14 octobre on lève le camp en camion direction d’Harbonnière, cette fois la 1ère ligne se rapproche.

Le 15 octobre, à pinces avec le barda la brigade prend position à Chaulnes, toujours au sein de la 25ème division mais avec la 10ème armée du général Anthoine.

Commence alors une nouvelle progression vers l’enfer, il pleut des trombes d’eau, les tranchées commencent a être boueuse.

Les boches trempés comme nous ne bougent guère.

Le déluge se poursuit, le niveau d’eau monte dangereusement, il fait froid les soldats sont transis de froid les vêtement alourdis par la pluie. Bientôt plus moyen de s’asseoir, les cagnas sont noyés.

  • comment qu’on va pioncer.

  • J’en sais rien, allonge toi dans la flotte.

  • Du con j’sais pas nager.

Le problème du sommeil devient vite récurant et la seule solution trouvée est que les hommes se mettent dos à dos avec le fusil à hauteur du ventre posé en travers de la tranchée. Quand l’un tombe, l’autre le relève d’un coup de coude. Le soldat dort ainsi quelques minutes par ci par là. Quand le ravitaillement arrive chacun mange debout en prêtant attention à ne rien laisser tomber dans la gadoue. Autre important problème, comment faire ses besoins, impossible de creuser des feuillées avec la flotte, impossible de se baisser à moins d’avoir le cul dans l’eau.

  • Debout dans une gamelle

  • ou dans un vieux casque

  • ouais et on le balance chez les chleuhs .

Ce ne fut rien de moins qu’amusant, de ne pas dormir, debout sous la flotte, enlisés dans la boue du Santerrois.

Le 17 octobre, en prévision de l’attaque une préparation d’artillerie commence, un vrai matraquage, les boches passent un sale moment, mais il faut bien le reconnaître ce sont de rudes combattants.

La bataille de la Somme est une confrontation humaine mais surtout technologique, l’ensemble des inventions diaboliques de l’homme a été utilisé et tous les moyens matériels disponibles ont été déplacés sur ce front.

Mais Foch aussi génialissime qu’il puisse être n’a pas prévu le mauvais temps, l’attaque est reportée pour le lendemain.

Les hommes doivent endurer une autre nuit de souffrance.

Le 18 octobre, les canons reprennent de la voix, mais rebelote, il pleut et l’attaque sera pour le lendemain.

Les soldats commencent à s’écrouler dans la boue, le fristi arrive avec difficulté, le pain est trempé.

Le déluge continue le 19 octobre et l’attaque n’a pas lieu, les zouaves pourtant disciplinés sont au bord de l’émeute.

Les noms d’oiseaux fusent au passage des sardinés. Conscients de l’effort inhumain demandé, ces derniers ne relèvent pas et passent leur chemin.

Le 20 octobre la situation est la même, 5 jours que Fernand et ses copains sont enterrés dans la glaise, l’épuisement est total.

Mais miracle le soleil apparaît soudain, les gros de l’arrière se remettent à pilonner le bois de Chaulnes. A 17 h 45 les boches font un tir de barrage, les pépères tombent drus, les pertes sont sévères, des soldats meurent noyés dans la gangue de boue.

5 avions ennemis viennent au dessus de nos lignes pour observer le dispositif Français.

On annonce que l’attaque va avoir lieu demain, de la gnôle et du pinard arrivent en abondance c’est un signe.

Le 21 octobre, enfin on va sortir de là, ou du moins essayer de s’extirper de la tranchée. Plus tôt crever au combat que de rester un jour de plus dans cet enfer.

Il faut attendre 15h 17 pour se lancer à l’assaut, le combat est épique les lignes Allemandes sont balayées par la furia des Chacals. La mitrailleuse de Fernand est brulante.

  • J’ crois qu’on les a eu Fernand.

  • Putain de raclée qu’on leurs a mis

  • Mais Fernand, y reviennent, tire nom de dieu ;

Le bruit lancinant de la mitrailleuse reprend, tac tac tac, les allemands s’écroulent et forment un monticule, toutes leurs attaques sont repoussées.

La nuit arrive, on reste sur place et une fois de plus on lutte pour ne pas dormir, pas de gamelle depuis ce matin, la goutte est digérée depuis longtemps.

Le 22 octobre les Allemands contre attaquent à 4 h du matin.

  • Tu parles d’une engeance y fait encore nuit.

  • Ouais, et pi c’est un coup à crever le ventre vide.

Tac tac tac, le bruit maléfique reprend, les boches ne reprennent pas le bois.

A l’aube des territoriaux amènent au péril de leur vie un ravitaillement de café, c’est toujours mieux que rien. Dans la journée on organise la nouvelle position, et on débarrasse la tranchée des macchabées teutons en les plaçant comme une protection tout le long du boyau.

A 16 h 47 ils reprennent l’attaque, toujours accueillis de la même façon, 423 allemands se retrouvent prisonniers, il faut bien dire que beaucoup d’entre eux ont fait  » kamarade  ».

Le 23, le pilonnage boche reprend intensément, et des gaz sont utilisés, certains Zouaves sont gravement brulés par les fumées toxiques.

Toute la journée, les attaques se succèdent sans succès pour les allemands, les zouaves couverts de gloire se font tuer sur place, mais non de dieu, le bois de Chaulnes reste entre leur main.

Le 24 octobre, la 75ème brigade est enfin relevée, la pluie a repris, l’attaque sur Pressoire est reportée au 28 octobre.

Les zouaves ivres de fatigue, mourant de faim, couverts de boue, trempés depuis 9 jours vont enfin pouvoir souffler.

CHAULNES

 

LES TRANCHÉES OU LA GUERRE A FERNAND ( septembre 1915, février 1916 ), épisode 5

PHOTO 2 mon arriere grand pere tramaux

Fernand Tramaux   1891- 1969

Fernand ne se remit que lentement de sa blessure à la main, la fracture avait eu du mal à se consolider et l’infection de la plaie avait failli lui coûter la main. Mais des soins prodigués avec efficacité lui avaient évité l’amputation. Finalement ses copains d’hôpital considérèrent que c’était une fine blessure qui lui avait permis de s’absenter du front assez longtemps sans qu’il n’ait de séquelles. Fernand a effectivement savouré après l’éloignement du spectre de l’amputation ces quelques mois passés dans des draps blancs. Les manchots, les culs de jattes, les gueules cassées se comptaient déjà par milliers, lui c’est juste avec un bandage qu’il retrouva sa famille pour quelques jours de convalescence. Il retrouva aussi Fernande et la courtisa. Cette dernière émue par les supplications du soldat qui devait repartir au front accepta une demande en mariage et souleva en guise d’acceptation ses blancs jupons. Ayant goûté aux délices de l’amour, Fernand partit au château de Vincennes pour une période de formation comme mitrailleur. Fernande le cœur serré, l’accompagna à la gare, émue, amoureuse, inquiète d’un fruit qui pourrait naître en son sein, elle vit s’éloigner son beau zouave .

A Vincennes dépôt d’instruction, Fernand apprend le maniement de la mitrailleuse, cette arme qui avait tant fait défaut lors des premiers engagements, est en pleine expansion. En 1916, chaque régiment sera doté de 3 compagnies de mitrailleurs soit un total de 24 mitrailleuses. De plus chaque brigade se verra adjoindre une compagnie de mitrailleuses, celle de la 75ème sera formée le 26 août 1915 sous les ordres du lieutenant Duval.

Le modèle choisi est la mitrailleuse Hotchkiss, servie par un caporal chef de pièce, un chargeur et un aide chargeur.

A l’issu de son stage Fernand reprend la route munit de sa feuille de circulation, il arrive à Vignemont dans l’Oise en pleine région Picarde. Toujours destiné au bataillon Bornèque, il retrouve ses camarades le 21 septembre quand ils reviennent des tranchées.

La vie au front reprend ,monotone, alternant 1ère ligne et repos à l’arrière, le 1er zouave tient un secteur près du village de Tilloloy . Ce régime perdure jusqu’au 30 septembre, ou à cette date la brigade est relevée du front et enlevée en camion pour un cantonnement à Moyenneville.

Pendant un mois, la brigade est en instruction, manœuvres de régiment, mouvements en colonne.

– Putain c’est chiant
– ouai t’as raison les galonnés gueulent tout le temps
et puis qu’est qu’on en a foutre des mouvements, on est bloqué dans des trous à rats tout le temps.
– D’un autre coté, on s’fait pas marmiter la tronche et la bouffe est un peu meilleure.
– Alors Fernand à l’hôpital les bonne sœurs y parait qu’elles sont à poils sous les blouses.
– Tu rêves, celle qui me soignait ressemble au gros Joffre.
– Et ta perm, t’as vu ta future.
– Ouai
– et tu l’as troussée
– j’va foutre ma main dans la gueule si tu parles d’elle comme c’la
– T’énerve pas Fernand, c’était pour causer, moi j’ai juste ma main droite pour compagne.

Le 22 octobre le Général passe la brigade en revue, tout le monde est énervé, les gradés sur les dents les font poireauter pendant des heures.

Mais le 31 octobre la récrée est finie et la brigade relève la 208ème dans le secteur de Roye sur Matz.
Le 2 novembre 1915, Fernand au sein de la 3ème compagnie de mitrailleur est au front dans le secteur de la ferme de Canny sur Matz, le sous secteur est commandé par  » Papa  ». Ce terme affectueux est donné au Colonel Roland, commandant du 1er Zouave, ce dernier soucieux du bien être de ses troupes fait en général tout ce qu’il peut pour alléger le fardeau des hommes. La mise à l’arrière se fait à Berlière et à Ricquebourg. Le roulement est de 16 jours dans les tranchée et 8 jours au repos.

zouaves dans tranchée

 

La vie dans la tranchée est dure, heureusement le secteur est relativement calme. Il pleut et il fait froid, on patauge dans la gadoue, les bords s’effondrent sans arrêt et les inondations sont fréquentes.
Quand on est pas de garde, on s’enterre dans les cagnas. Les parties de Manille se succèdent et souvent le ton monte. On écrit à la famille.

– Fernand tu peux m’écrire une bafouille, jch’ais  pas écrire.
– Ouai mais tu me refileras un peu du café qu’tas reçu.
– Tape la
– Tu veux quoi comme lettre
– Une lettre d’amour à ma future
– j’suis pas un spécialiste, faut qu’tu me dises.
« Ma douce adélaide
Tu me manques beaucoup, la vie est dure ici, mais ç’a va.
Les copains sont tous des bons gars, je gagne souvent aux cartes.
J’espère qu’à la ferme tout va bien et que les bestiaux sont en bonne santé
Je vais maintenant te quitter car je m’en vais à la corvée de soupe.
Je te serre dans mes bras, embrasse pour moi tes parents et ta petite sœur
Ton Léon ».
– Non de dieu tu vas nous faire chialer, tu risques pas d’être censuré.

Le temps dure, la pensée souvent divague. Les poilus dans une moindre mesure préfèrent le froid à la pluie, mais les heures à scruter la ligne Allemande, les mains rivées sur l’acier froid de la mitrailleuse usent les hommes.

On sort de la tranchée pour aller au ravitaillement, sinon on piétine. Les conditions d’hygiène sont désastreuses, les feuillées dégagent une odeur pestilentielle, on put, les poux nous bouffent, les puces nous piquent et les rats nous mordent.

De temps en temps une lettre de la famille, vous plonge dans la joie puis dans la morosité.

Puis on est relevé, par un autre bataillon et l’on prend sa place à l’arrière. On gueule car les cantonnement sont sales, mais c’est toujours mieux que les trous à rat.

Bien sur faudrait pas croire qu’on se repose, la coupe du bois nous occupe entièrement, chacun retrouve ses réflexes paysans. On confectionne des clayonnages ( sorte d »assemblage de pieux et de branches pour retenir la terre ), qui serviront à consolider les tranchées et a améliorer le quotidien des troupes.

Fernand préfère la coupe du bois à la stagnation dans les boyaux de terre et de boue, mais il faut y retourner.

Le 14 décembre, Fernand et sa compagnie posent des fils de fer barbelés pour un nouvel emplacement de mitrailleuse. Quelques coups de fusils partent, sans faire de victimes.

 

Le 18 décembre, une information d’un déserteur Alsacien indique une relève du coté Allemand, l’artillerie Française entre en action.

– Bordel, quoi qui foutent, on est tranquille, il faut qu’ils aillent les emmerder.
– T’as raison, ils vont nous en balancer sur la tronche dans peu de temps.

– De fait, les teutons ripostèrent de bon cœur.

Le 21 décembre, c’est le bordel,  des galonnés courent partout, car on essaie des nouveaux projecteurs.

Si le premier noël de Fernand s’était passé au cantonnement, le deuxième se passe dans la tranchée.

Les cuistots ont mijoté un petit ragoût qui rappelle un peu celui de la mère, la quantité de vin a été augmenté. Le colonel Rolland fait le tour des premières lignes de son secteur et dit un petit mot à chacun, vraiment un bon bonhomme.

Le 26, Fernand et son bataillon repartent au clayonnage et aux travaux d’amélioration des positions.

Le 27 les boches s’énervent et nous envoient 200 obus, les nôtres ripostent, on y fait même plus attention.

Le 16 janvier la brigade se met au vert dans la région Montdidier, Orvillers, repos complet jusqu’au 24.

– Enfin , on fout rien.
– On va pouvoir se décrasser ,puis dormir sur une bonne paillasse, le paradis!!
– Rêve pas trop, Fernand, le paradis c’est quand j’srai entre les jambes de bobonne.

L’instruction reprit, comme si depuis 2 ans on connaissait pas notre boulot bougonnaient les zouaves.

Le 29 janvier la brigade est mise en alerte et le 1er février a lieu un nouvel embarquement à la gare de Montdidier.

Le 1er zouave se retrouve dans la région de Crépy en Valois, pour un nouveau cantonnement.
La vie habituelle reprit, instructions , travaux, déplacements.
Mais des nouvelles alarmantes arrivèrent aux oreilles des soldats, les boches avaient attaqué près de Verdun, les lignes Françaises ont cédé, un fort a même été pris.

La plus grande bataille de la guerre commençait, la noria des régiments allaient démarrer.

NOEL 1914 OU LA GUERRE A FERNAND ( Décembre 1914, janvier 1915 ), épisode 4

 

 

Fernand est au milieu de la photo

Fernand en pleine forme, avec un uniforme neuf et une forme physique recouvrée tente de rejoindre son bataillon. Le périple a été compliqué mais il approche enfin, sa hâte de retrouver ses copains, lui font chasser les regrets qu’il a eut de quitter les siens, après une brève permission.

Les potes du régiment n’ont pas eu cette chance, depuis le début de la guerre , peu ont quitté l’unité.

Le régiment est amputé de la moitié de ses effectifs, la bataille des Flandres a durement touché les Zouaves.

Le petit groupe de Fernand conduit par un sergent a cheminé depuis le dépôt de Saint Denis tantôt en train, tantôt en camion, tantôt à pied. Il se présente le matin du 12 décembre au cantonnement de Kruistraat près d’Ypres (Belgique ),devant le capitaine Bornèque commandant le 11ème bataillon.
Content de recevoir quelques troupes fraîches, le capitaine les passe en revue.

Alors Tramaux de retour
Oui mon Capitaine
Vous avez été blessé à quel endroit
Épaule droite mon Capitaine
Vous irez rejoindre votre compagnie
A vos ordres Capitaine

Les autres recrues sont dispatchées, le capitaine déplore la disparité du recrutement, en effet bon nombre des nouveaux sont des Algériens, des Italiens et des Maltais. Il pressent que l’intégration va être difficile.

Le bataillon est en réserve de division, mais le 14 décembre, il se rapproche du front en passant en réserve de secteur à la ferme de Klauss Poorts.

Le 16, il est en ligne près du Canal d’Ypres. Fernand est un novice de la guerre des tranchée.
Il est tout de suite dans le bain car à peine arrivé il effectue une attaque à la grenade à main sur une position adverse. Bien vite repoussés les zouaves sont de retour dans leur boyaux.

Dans les tranchées, les soldats manient autant la pelle que le fusils, ces paysans retrouveraient presque avec satisfaction l’odeur de la terre retournée si cette dernière n’était pas si gorgée d’eau. Tel un travail de Sisyphe, les soldats s’évertuaient à maintenir la tranchée en état.
Les bombardement sont incessants, les Allemand répondant aux Français et les Français aux Allemands. A se rythme les corps se fatiguent vite, le bataillon est relevé de 1ère ligne le 19 décembre et se rend à Poperinghe.
Pour bien comprendre, un sous secteur est attribué à un régiment et les bataillons qui le composent alterne les phase en 1ère ligne, en 2ème ou au repos à l’arrière.

Fernand passe son 1er Noël loin de chez lui, l’illusion d’une victoire rapide à disparue, le rêve d’être Berlin avec une Gretchen aux seins nues dans les bras s’estompe.
Un aumônier en ce soir de nativité célèbre une messe, Fernand pas croyant pour 2 sous y participe quand même, les distractions sont fort rares. Un supplément de pinard est distribué, quelques douceurs venues dans des colis de l’arrière sont partagés entre tous. La fatigue et le vin ébranlent les cœurs, Fernand entonne sa chanson favorite

Le pinard c’est pas de la vinasse
ç’a fait du bien pour où ce que ç’a passe.

Le régiment est passé en revue par le Général Humbert, une armée de va nue pied, épuisé, sans godasses, couverte de boue, mais déjà glorieuse.

Puis la bonne nouvelle arrive le lendemain, la division est enfin relevée.
Le 31 décembre les troupes embarquent à Cassel et à Hazebrouck et descendent à Montdidier (Sommes ). Les cantonnement s’échelonnent dans la région de Lamorlieu et Welles-Ferennes ( Oise ) .

Le régiment passe provisoirement, avec le 4ème de Zouaves, sous les ordres du Colonel Capdepont.

Pendant 15 jours l’instruction va succéder à l’instruction, des renfort arrivent, mais la encore le colonel se plaint de la qualité des nouveaux, recrutement algérien d’hommes d’origines ,Italienne Maltaise, Espagnole, Israélite.
Le déficits en homme est faramineux il y a 1400 zouaves, en lieu et place de 2360, le régiment totalise 1732 hommes pour 1399 fusils.

Les presque vacances se termine le 17 janvier 1915, la longue colonne serpente jusqu’à la gare de Montdidier, mulets avec leur bat, hommes et leurs bardas, les officiers sont quand à eux véhiculés dans les tous nouveaux véhicules automobiles.

On va arriver avant eux
Pour sur, leurs engins n’avancent guère.
Moi avant le grand merdier , j’en avais jamais vu.
Ces messieurs crotteront pas leurs belles bottes.

Quelques heures plus tard, c’est Dunkerque et ses belles plages

f’rai pas si froid, que j’me fouterais bien à l’eau.
T’es pas bien se foutre le cul à la flotte c’est pour les costumés de la ville et les gens de la haute.

La brigade reste cantonnée jusqu’au 31 janvier dans les environs d’Hondshoote.

Il faut dire maintenant qu’en quelques mois, la physionomie de la guerre à changée, la guerre de position succède à la guerre de mouvement. Les troupes s’enterrent et se fortifient. L’économie nationale se transforme en machine de guerre, le pays en entier œuvre pour la libération du pays.

De nouvelles armes apparaissent, toutes plus meurtrières les unes que les autres, l’homme a un don d’auto destruction fort élevé. Les hautes sphères pensent enfin au changement de tenue, la petite veste et le sarouel vont disparaître pour laisser place à une tenue plus apte à la boue et au froid de la Belgique et du nord de la France. La tenue est de couleur kaki ( moutarde ) et l’on reçoit une capote  » Poiret  », de la tenue orientale on ne garde que la chéchia et la grande ceinture de tissus.

On pense aussi devant la dramatique liste des blessés à la tête a doter les troupes d’un casque. En attendant ce dernier on fournit au soldats des coques métalliques à mettre sous les képis. Protection dérisoire que l’on appelle ,  » allez savoir pourquoi cervelière  ». Heureusement les fameux casques Adrian arriveront assez vite dans le régiment.

Le cantonnement aussi s’améliore, bien sur on dort souvent sous la tente ou dans des granges, mais pour les grand camps de l’arrière les territoriaux  » les pépères  » ont monté des baraques modulable en bois ( baraque Adrian ), on y est mieux que dehors car elles sont chauffées.

Le colonel Bigault de Granut fait entraîner son régiment, ordre serré, évolution d’ensemble, adaptation à la guerre des tranchées. C’est rasoir, mais nécessaire.

Le règlement du chef de Brigade stipule, exercice du levé jusqu’à 10 h et de 12 h à 17 h.

La fréquentation des café et des restaurants se fait de 10 h à 12 h et après 17 h.
L’appel du soir est à 20 h et l’extinction des feux à 20 h 30 ( à cause du nouveau danger que présente les aéronefs ).

Le 2 février 1915 la brigade se rend de nouveau en 1ère ligne dans le secteur de Nieuport.

Mais laissons quelques mois nos Zouaves, car Fernand à été gravement blessé par balle au bras gauche. Le cubitus est en miette et la blessure s’infecte, il risque l’amputation.
Nota : Mon grand-père Fernand a si je me conforme à son livret militaire été blessé le 22 janvier 1915, hors le régiment est à cette période en cantonnement et en instruction. Je n’est pu encore déterminé les circonstance de sa blessure. Détachement provisoire, patrouille, cela reste un mystère quand à présent.

Nous le retrouverons quand il reviendra sur le front dans quelques mois

LA BATAILLE DE LA MARNE OU LA GUERRE A FERNAND ( Bataille de Fismes et combat de la ferme Sainte Marie ) . Épisode 3 te Marie )

 

zouaves en tir

Zouaves au combat

Faisons une pause dans le récit, pour bien comprendre les événements qui vont suivre.

Fernand faisait parti à l’entrée en guerre de la 5ème armée du Général Lanrezac qui on s’en souvient se porta en Belgique pour y défendre les débouchés de la Meuse. Ne pouvant contenir les Allemands, il recula et sauva son armée.

Le 29 août, Lanrezac reçoit l’ordre d’engager les armées de Von Kluck et Von Bulow, c’est la bataille de Guise ou de Saint Quentin. C’est une sorte de victoire car le brutal ralentissement de la IIe Armée allemande incite le général von Kluck, commandant de la Ire Armée allemande à repenser son mouvement stratégique. Au lieu de déborder largement à l’ouest de Paris, qui était la trajectoire initiale prévue par le plan schlieffen , il décale son dispositif vers l’est pour recoller à la IIe Armée allemande. Il souhaite ainsi éviter que la 5e Armée Française s’intercale entre lui et le général Karl Von Bulow.

Cette modification sera essentielle au succès de la première bataille de la Marne.

Le 3 septembre 1914, le général Joffre en récompense, démet de ses fonctions le général Lanrezac. Ce limogeage est lié à sa mésentente avec le maréchal French  ( Anglais ) et à ses critiques vis-à-vis des actions du GQG. La valse des Généraux commence

Le général Franchey d’Esperey prend le commandement de la 5ème armée.

 

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  Les antagonistes

Donc en ce début de la bataille de la Marne

5 ème armée : Général Franchey d’esperey
18ème corps : Général Maud’hui
38ème division : Général Muteau (Remplacé par Colonel Schwartz ), car blessé
75ème brigade : Colonel Vuillemin
1er régiment Zouaves : Lieutenant colonel Heude

Fernand Tramaux : 11ème Bataillon

Les troupes n’ont guère le temps de se requinquer, un nettoyage à grandes eaux dans la cour d’une ferme, sous les yeux ébahis des jeunes paysannes, un changement de linge de corps, un bon repas et la perspective de repartir à l’attaque pour cette fois, en finir.
La brigade ne participe pas aux premiers jours de la bataille de la Marne, elle est en réserve de corps d’armée. Bien évidemment elle n’est jamais loin de la ligne de front , et avance au fur et à mesure du recul Allemand.

Le 7 septembre,le cantonnement est à Maisoncelle, le 8, la troupe s’arrête à Montolivet. La bataille se livre à quelques kilomètres de là dans la Marne vers Vendières et Marchais.
– Nom de dieu quand est ce qu’on y va ?
– Si on veut être chez nous à Noël, faudrait pas qu’on traîne.
– T’ as raison, et p’y moi j’ai mes noces, la Germaine si je rentre pas , elle va s’accoquiner avec un autre.
– T’inquiètes pas tout le monde est au front.
La brigade est rassemblée en formation articulée par régiment, mais aujourd’hui personne ne bouge.

Le lendemain la 75ème est en avant garde à la poursuite des Allemands, les routes et les chemins portent les stigmates de la bataille, les cadavres des hommes et des chevaux n’ont pu être ramassés.
Le spectacle des corps qui gonflent au soleil est insoutenable, mais il y a pire que la vue, une odeur de charogne accompagne les troupes en marche. Certains villages ne sont plus que ruines.

– J’te jure Fernand quand on sera en Bocherie, je bousille tout.
– T’as raison moi aussi et la première Teutonne que j’croise, j’l’a trousse sur place.

Le soir du 9 septembre le régiment traverse Château-Thierry et établit son bivouac aux Chesneaux, la Marne est franchie.
Le lendemain c’est l’ensemble de la 5ème armée qui passe la rivière sous la protection de la 38ème division.
Les Allemands se replient toujours, on avance sur leur trace, la population qui a souffert de la brève occupation Allemande accueille avec bonheur les soldats.

Le 11 septembre le cantonnement se fait à Chéry dans l’Aisne. Les hommes trépignent d’impatience, l’arrière garde Allemande a pris position à Fismes, les officiers affirment qu’on va être engagé.

 

PLACE LAMOTTE FISMES

Position de départ des Zouaves

 

La nuit n’est pas encore dissipée que les zouaves sont en place dans la petite localité, leurs frères d’arme du jour sont ceux du 45ème régiment d’infanterie. Les Allemands au nombre approximatif de 1000 se sont barricadés dans le village. Ils doivent tenir pour faciliter la retraite de l’ensemble de leurs troupes. Une barricade de futaille a été élevée près du passage à niveau, renforcée par un réseau de fil de fer barbelés. Les hauteurs de Fismes sont solidement tenues et des tranchées ont été creusées par des prisonniers Français. La partie risque d’être forte chaude.

Fernand comme les autres, patiente désespérément place de la Motte, ils n’ont guère dormi cette nuit.
Le vent est glacial et la pluie tombe sans discontinuité, heureusement au lever du jour les habitants apportent du pain, du vin et du café chaud.
Malgré le froid la place se transforme en kermesse.
– Alors là on s’y attendait pas.
– Du café, du pain en vla une aubaine, nous qu’on crevait de faim.
– C’est pas nos crevards de cuistots qui s’raient décarcassés comme ça.
– V’la pitaine ça va gueuler.
– Bordel reprenez vos rangs, on va charger.
– Les civils foutez moi le camp.
L’air déterminé du capitaine chasse les braves pourvoyeurs de victuailles, et c’est tant mieux car les obus s’abattent maintenant sur le village. La place est également prise en enfilade par des mitrailleuses. L’attaque est déclenchée, l’élan du 45ème et des Zouaves est irrésistible, la barricade allemande futile obstacle est emportée, le passage à niveau est contourné.

CHAPPELERIE 2

Point de résistance Allemande

Les combats sont violents, les hommes s’écroulent, guérilla urbaine ou chaque pans de mur est défendu avec acharnement. C’est la première fois que les zouaves se battent dans une ville. Les Allemands se réfugient dans une usine de chapeau en bordure de la Vesles, une mitrailleuse mise en action dans un grenier en face de la chapellerie est inopérante. L’artillerie doit être engagée pour détruire ce nid de résistance. La chapellerie finit par être intenable et les Allemands enveloppant leurs blessés dans des couvertures se sauvent par une passerelle. Fernand et sa compagnie les poursuivent jusqu’au petit bois de la chaussée Brunehaut.
– Halte, arrêtez vous, vous êtes coincés
– Ya camarades vous pas tirez , nous nous rendre.
Les vils prussiens lèvent les bras pour se rendre, les zouaves voyant cela sortent du bois.
Les mitrailleurs teutons planqués sur la crête ouvrent le feu et fauchent la colonne Française, Fernand a juste le temps de sauter dans le fossé, ses copains n’ont pas la même veine et succombent à la traîtrise. L’ignominie ne s’arrête pas là, un Zouave prisonnier qui ne veut suivre est massacré à la baïonnette.
Cela demandera vengeance !!!

Le bataillon de Fernand a 21 morts et 52 blessés, le capitaine Bornèque est affligé par tant de perte, mais fier de ses braves soldats.
Fismes est libre de tout ennemi à 15 heures, l’allemand se sauve à toutes jambes.

L’ennemi ne recula pas très loin et s’établit sur un vaste front le long de la rivière Aisne, la guerre de mouvement est presque terminée.

La brigade suit de près les Allemands et est rattachée provisoirement à la 6ème division.

Nous sommes au nord de Reims, le village s’appelle Hermonville, le colonel Vuillemin donne ses ordres.
Départ demain 15 septembre à 2 h 30, autant dire un nuit blanche pour des hommes sur le qui-vive, il fait toujours aussi froid, la pluie pénètre tout.

– Tu vois Fernand, c’est pas bon signe, un vrai temps de Toussaint.

-Si les boches nous crèvent pas, cette saloperie de pluie va le faire
L’aube point à peine, la brume matinale enveloppe le paysage de son ample manteau, les troupes s’ébranlent, zouaves à gauche , tirailleurs à droite, direction la ferme Sainte Marie. Les ennemis les attendent et les laissent se rapprocher.
Soudain les  allemands font pleuvoir un déluge de feu et brisent le silence de cette matinée  pluvieuse, leur artillerie est très efficace, les hommes s’écroulent à tour de rôle, les officiers montrent l’exemple et abreuvent les sillons Champenois de leur sang.
L’infanterie allemande bien retranchée est terriblement efficace, les mitrailleuses sèment la mort.
Par bons successifs les soldats se rapprochent des positions allemandes. Fernand baïonnette au canon se jette dans un trou , rejoint par d’autres, mais il faut bientôt en sortir, courageusement chacun s’élance, le vacarme est assourdissant, sifflement des balles, tac tac des mitrailleuses, explosions des obus, trombes d’eau. A peine sorti de son abri, Fernand ressent une vive douleur à l’épaule droite, il s’écroule tête en avant dans la boue.
La fulgurance de la douleur, lui fait perdre connaissance. Combien de temps reste t’ il inconscient, il n’en a cure, une douce quiétude l’envahie, est il mort ou est il vivant ?

Le dur visage d’un homme en blouse blanche le renseigne.

– Vous avez eu de la chance, la balle vous  a traversé de part en part, votre épaule est presque intacte.
– Où que j’suis ?
– Vous êtes à l’ambulance mon gars, pour vous c’est terminé pour quelques temps.
Fernand se rendort soulagé, il apprendra plus tard que l’attaque de la ferme a échoué, la brigade a été sérieusement étrillée, 4 officiers et 118 hommes sont morts, 14 officiers et 554 hommes sont blessés et 2 officiers et 350 hommes sont disparus.

Fernand est d’abord amené à l’ambulance  n°2, qui s’est installée à la maison communale, examiné par le médecin Major Zemb de son régiment, il est pansé puis devant l’affluence, dirigé immédiatement sur la gare de Fismes.

Chargé sur une charrette avec d’autres malheureux, il s’aperçoit bien vite que certains n’arriveront jamais et reconnait son copain Germain.

–  T’es touché où dit Fernand  ?

– Au bide, j’avais les tripes qui sortaient, y m’ont tout remis dedans.

– Tu souffres.

– Non, le toubib m’a piqué, tu crois que j’va  crever.

– Non mon vieux, t’es solide, Fernand qu’est pas toubib sait bien que son compagnon va y passer, le pansement de Germain est dégoulinant de sang, il est pâle comme la mort et ses yeux sont révulsés.

– Tiens moi la main Fernand, j’ai peur, quand ça s’ra fini t’iras voir ma mère, t’es d’accord.

– T’inquiètes c’est promis, reposes toi.

Germain n’arriva pas vivant  à Fismes, sur place on se serait crus sur un champs de foire, des blessés par milliers en attente d’évacuation.  Fernand attend son tour patiemment, il a mal mais il ne fait pas parti des grands blessés, il peut attendre.

En soirée, on l’autorise à monter dans le train, il  s’installe comme il peut, le train démarre.  Cahoté dans ce tacot, il souffre, ,il appuie  sa tête le long de la vitre et ferme les yeux.  Les râles des mourants  se font plus lointain, il s’endort.

 

 

 

LA RETRAITE OU LA GUERRE A FERNAND ( fin août début septembre 1914 ). épisode 2

 

zouaves en reconnaissance

Fernand Tramaux  ( 2ème en partant de la droite )

 

Le lendemain, la brigade se reforme à Sanzée, les corps sont fatigués, les âmes aussi.
L’illusion que tout le monde avait de reconduire les ennemis prestement chez eux se dissout dans les premières défaites. Du plus hauts galonnés d’état major, aux troufions pouilleux de première ligne, chacun pensait que les Allemands allaient à la première escarmouche faire volte face.
Cruelle désillusion, la retraite commence.

– jusqu’où qu’on va aller ?
– T’inquiète le gros Joffre a bien prévu quelque chose.
– On va quand même pas se laisser foutre des coups de Rosalie dans le cul et des – pruneaux dans le dos sans riposter.
– Pour sur le prochain coup on les dérouille les salopards.

Le moral est encore bon et l’esprit revanchard redonne des ailes à ces jeunes soldats, le déplacement du jour les mènent au village de Yves Gomezée, il n’y a pas long mais les Allemands sont très proches et il faut redoubler de vigilance.
La position est retranchée, Fernand et sa compagnie prennent la garde à la ferme de la Botte.
Le relief assez tourmenté est facile à défendre. Proche de l’ennemi le bivouac est rudimentaire, chacun mange sans broncher sa ration de singe, le pinard revigore un peu.
La nuit entrecoupée de veille n’est pas propice au rêve.

Le 24 août à 6 heures la colonne se met en marche, ils ne sont plus seuls sur les routes , la population Belge fuit l’avance Allemande.

Les militaires s’entremêlent aux civils, les femmes poussent des landaus où braillent des marmots, les charrettes tirées par des bœufs ou des chevaux débordent d’objets hétéroclites que les paysans tentent de soustraire à la convoitise des soldats. Les gens sont épuisés, terrorisés, les bruits les plus fou se répandent , toutes les femmes seraient violées, certaines ayant eut les seins coupés. Les hommes seraient sans distinction fusillés et les enfants emmenés en Allemagne.
Le comportement de cette horde apeurée est vindicatif à l’égard des troupes qui reculent.

– Bande de lâches
– Trouillards
– Dégonflés

Les soldats ont l’ordre strict de ne pas répondre, mais Fernand distribuerait bien quelques calottes à toutes ces furies en jupon.

A 11 heures une forte canonnade sème le désordre dans la colonne, les uns se jettent au sol d’autres se mettent à l’abri dans le bois voisin. Les officiers reprennent vite leurs esprits, et gueulent des ordres. La brigade repart, il y a quelques morts et quelques blessés.
Le cantonnement d’alerte se fait à Sivry, la promenade de 35kms s’achève, les hommes couverts de poussière s’écroulent, ivres de fatigue. Mais il faut se ressaisir, installer le bivouac, fourbir ses armes, les corvées de bois pour la roulante, les postes de garde pour se défendre d’une visite inopportune. Le repos est donc éphémère.

Le lendemain, les membres raides, les yeux rougis par le manque de sommeil il faut repartir, reculer encore, les soldats ne sont au courant de rien, » marche ou crève ».
Heureusement l’étape est moins longue 18kms, nous sommes à Sains du Nord, la frontière Belge a été franchie, maintenant on doit défendre la France.

Il fait nuit noire ce 26 août à 3 heures du matin, la troupe s’ébranle

– Ou qu’on va mon adjudant de si bonne heure?
– On n’ a pas de vache à traire pour décaniller si tôt, glousse Daniel.
– La dernière fois qu’on s’est levé à pareille heure on s’est pris une volée dit Fernand.
– La gniole est dégueulasse.
– Houai, elle réveillerait un macchabée .

On sent maintenant l’Allemand très proche, la marche lente est prudente, on se pose un peu au village de Larouillies. Chacun s’active, mais la préoccupation principale est de se remplir l’estomac et se vider les boyaux. A 15 heures on repart et la brigade prend position sur une ligne formée par le bois là-haut et la haie Payenne. Le colon est sur les dents, et les petits chefs courent dans tous les sens, c’est sur ça va tabasser.
Le temps passe, rien n’arrive, pas de soupe, à 21 heures on repart, la pluie dégringole, on marche par des chemins de travers.
Trempés, enveloppés d’une gangue de boue, affamés, des hommes s’écroulent dans des trous d’eau, tout le monde bougonne.
On arrive enfin à destination, 4 heures pour faire 10 bornes, tu parles d’une cadence, le village s’appelle Aumont. Nous sommes dans l’Aisne.

Encore une fois le repas est sommaire, tout le monde est transis de froid à cause des uniformes mouillés.

Le bel habit de nos coloniaux se révèle enfin à sa juste valeur, marcher avec un sarouel gorgé d’eau et une chéchia qui vous dégouline dans le dos en v’la une belle engeance .

On passe l’Oise à Autreppes et on cantonne à Laigny.
Le régiment pense un peu ses plaies, la gamelle est bonne, le pinard est en quantité, la gniole est doublée et on peut même écrire une bafouille à sa famille. Puis de nouveau, le barda sur le dos, cantonnement d’alerte à Monceau le Neuf juste 22kms à se taper , le soleil réchauffe les corps mais pas le cœur.

Le soir ,branle bas de combat, on va enfin combattre, la fatigue disparaît, on se déplace le cœur vaillant sur Parpeville et Pleine Selve. Nuit blanche, les yeux piquent un peu, mais à l’aube les ordres se précisent : attaque sur Ribemont.

Le général Lanrezac le grand patron a reçu l’ordre de contre- attaquer l’armée de Bulow, il s’y emploie dans la bataille que l’on nomme de saint Quentin et de Guise ;

Ce 29 août les tirailleurs et les zouaves se mettent en lignes, l’attaque se développe bien, les troupes progressent, mais là aussi comme au Chatelet les affaires se corsent, une violente canonnade déstabilise la ligne . Rien y fait , la situation est intenable, le reflux se fait encore en désordre. Une véritable hécatombe, Fernand est plusieurs fois soufflé par des explosions, il n’est pas blessé mais son uniforme est maculé du sang des copains.

popotte des zouaves

 

On bivouaque en désordre au sud de Ribemont, on mange froid, l’intendance ne suit plus. A vrai dire on n’a même pas faim, Fernand s’écroule et dort comme une souche jusqu’à son heure de garde.

Pas le temps de se refaire, 5kms au compteur sur le village de Villers le Sec, on se déploie à nouveau.
La ligne est nettement plus clairsemée que la veille, on nous fait serrer les rangs, la guerre Napoléonienne continue. L’attaque est la répétition de celle du 29 août, l’artillerie nous massacre.
Peu importe les pertes, » on attaque » a déclaré Joffre.

 

zouaves en tir

Zouaves au combat

 

Le temps des victoires n’est pas encore venu, retraite sur Renausart et de nouveau un bivouac d’enfer.

Le 31 août, on cantonne à Vivaise, les pertes sont élevées, les hommes ont peine à suivre le rythme.
Le sentiment dominant est que tout le monde va y passer. Heureusement pour l état major, ces hommes durs au mal gardent un moral à toutes épreuves.

Le 1er septembre départ à 3 heures du matin, la marche est dure, plus de 30kms, les zouaves passent l’Aisnes à 23 heures , cela fait 20 heures qu’ils sont partis, encore une fois, on bouffe, on chie , on s’écroule, couchés par terre, résignés, torturés par un mauvais sommeil. Un paysan les informe qu’il se trouve à Chavonne.

– Quoi que j’en ai à foutre de ce bled.
– J’en ai marre, j’veu retourner chez moi.
– Dis, Fernand t’as des totos?
– Ben oui? ça me grouille partout.
– On a une drôle de gueule tu peux me croire.

La galère continue, marche forcée jusqu’à Cierges, 40kms, cette fois le Médecin major pousse une gueulante et alerte le colon sur l’état de sa troupe . Les ordres sont les ordres et on a les Teutons au cul rétorque t’ il .

Le 3 septembre le 18ème corps recule et se place sur Saint Aignan et Monthurel, on ne compte plus les kilomètres. Le lendemain les Allemand sont au contact, la brigade se rassemble à la ferme de la Feuillée.
L’attaque allemande se développe contre la 38ème division à Condé en Brie, les troupes lâchent prise, le désordre est à son comble, avec comme corollaire un nouveau recul.

Les hommes sont de vrais fantômes, maigres, sales, rongés par les poux, les uniformes en lambeaux, la peau tannée par le soleil les font passer pour des orientaux. Ils ne tiennent plus debout, beaucoup visitent l’ambulance, mais inlassablement le major les déclare aptes et les renvoie à leur compagnie. Les hommes doivent nourrir la guerre

On fait halte à Trefols dans la Marne, Fernand comme les autres commencent à reconnaître les fermes où ils ont travaillé, la guerre se rapproche de chez eux.

Mais bientôt l’espoir va renaître, encore une petite marche de 30 bornes le 5 septembre pour s’installer à Saint Brice près de Provins. Fernand est presque chez lui.

Le Général Schwartz remplace le général Mateau au commandement de la 38ème division car ce dernier a été blessé . Le colonel Vuillemin prend la 75ème brigade.

Le 6 septembre, on apprend que l’on va repartir en avant, les cœurs palpitent, on se porte sur Voulton, la division est en réserve de corps du 18ème corps d’armée.

La vengeance se rapproche.

BAPTÊME DU FEU OU LA GUERRE A FERNAND ( Aout 1914, Bataille des frontières). épisode 1

mobilisation-generale-1914

 

Fernand en cet après midi du samedi 1 août 1914 se trouve sur le terrain de foot , derrière la mairie de Nangis. Les joueurs viennent de terminer un match quand ils entendent sonner le tocsin .

Chacun s’interroge, en se précipitant vers la maison communale. Sur l’un des murs, un gendarme contemple l’affiche qu’il vient de coller.

– Lisez ça les jeunes cela vous concerne.

Un ordre de mobilisation générale s’affiche sous leurs yeux.

– Nom de dieu, pour le 2 août, mais c’est demain !!!
– Ils ont enfin leur guerre .
– On va leur foutre une raclée et reprendre l’Alsace et la Lorraine clame un jeune footballeur
– Quoi qu’on en a faire des alsacos, dit Fernand.
– Faut qu’on se venge de 70, ça va pas durer longtemps, en septembre on sera de retour.

La foule est maintenant dense autour du papier annonciateur de la catastrophe, chacun extériorise différemment, les femmes pleurent, les vieux se rappellent la raclée de 1870, les jeunes braillent et gueulent  » à Berlin  »

La soirée en famille est triste, Fernand part demain, il doit se rendre au fort de la Brèche à Saint Denis, lieu de son rassemblement, tous les hommes en âge d’être mobilisés prennent la route, cela fait du monde, mais il n’y a pas trop de désordre, organisation et bonne volonté font que la mobilisation qui avait été loupée en 1870 est en 1914 une pleine réussite.

Fernand est incorporé dans le 11ème bataillon de réservistes des Zouaves. Les soldats se reconnaissent et se congratulent.

–  Alors Trameau, déjà de retour, lui fit un sergent.
– Ba oui à peine 4 mois que j’étais en Tunisie et me v’la à nouveau.
– T’inquiète pas ça va pas être long.

A force d’entendre que la guerre ne serait pas longue, Fernand se met à aboyer aux loups comme les autres.

Prise du paquetage, exercices, manœuvres, les journées passent rapidement.

Il fait maintenant partie du 1er régiment de marche des Zouaves constitué du 11ème bataillon de réservistes, du 5ème de Saint Denis et du 4ème d’Alger, le patron est le Lieutenant colonel Heude.

Le 11 août les clairons sonnent le réveil de bonne heure, un casse croûte rapide et les troupes s’alignent pour attendre le Général qui va les passer en revue.

– J’te parie qu’on va poireauter un moment marmonne Daniel
– Comment qui s’appelle le galonné ?
– Schwartz
– tu parles d’un nom, c’est boche.
– Ferme la on va avoir des emmerdes.

Le général à la belle prestance les avertit d’un départ imminent , vive la France et mort aux boches.

zouaves train

 

Le lendemain à l’aube le régiment se met en route, embarquement à la gare de Bercy, la foule est dense sur leur passage, les femmes leurs jettent des fleurs et les embrassent, les hommes plus réservés hochent la tête en guise de salut.
C’est la fleur au fusil et remontés comme des pendules que les Zouaves s’entassent dans le train.

Les hommes et le matériel débarquent à Anor près de la frontière Belge, après de longues heures vautrés dans un confort sommaire, ils ont le désagrément de se voir former en colonne pour rejoindre leur cantonnement, la formalité va durer 4 heures.

– j’ai les panards en compote.
– Tu crois qu’on va directement en Bocherie Fernand.
– J’en sais rien mais le premier frisé que j’attrape je lui fais bouffer ses godasses.

Le premier cantonnement en Belgique se fait à Chimay, l’ensemble de la 75ème brigade est réuni dès le 15 août et est constitué par le 9ème tirailleur et le 1er de Zouave.

Le lendemain la promenade continue, direction Cerfontaine, évidement la troupe ignore tout de la finalité des déplacements. On suppute qu’on se rapproche des Allemands et les commentaires vont bon train.
On établit un bivouac, Fernand retire ses godillots.

– J’ai les arpions en sang, pourtant j’ai l’habitude.
– T’as pas fini mon pov, on va leur botter l’ cul jusqu’à Berlin
– Ouais p’être mais là on a fait 4 heures de balade et j’en ai marre.

La tenue des soldats n’est plus très fraîche, Fernand a même accroché son sarouel dans une haie d’épineux. Leur tenue exotique faite pour les fortes températures d’Afrique est un avantage pour l’instant. De plus la population dans les villes et villages que l’on traverse fait preuve d’un enthousiasme démonstratif à l’égard de cette troupe colorée.

Mais la ligne de front se rapproche, le 17 août Fernand et ses copains se déplacent sur Froid chapelle et constituent l’avant garde de la 38ème division, il n’y a que 7 kms ce n’est rien et à 10 h du matin le cantonnement est établi. Fernand se retrouve de garde une partie de la journée, faut avoir l’œil car des Uhlans tâtent les lignes Françaises.

Le lendemain rebelote, la division fait un bond de 8 kms sur Erpion . Le 19 août c’est une belle pagaille quand la 3ème armée passe devant la 38ème division, le cantonnement se fait à Pry, avec seulement un déplacement de 11 kms.

Comme au temps jadis les généraux pensent que la guerre va se gagner avec les jambes des fantassins.

La division se pose jusqu’au 21 août, évidement l’adjudant fait du zèle en exigeant une revue de paquetage et d’uniforme.

– On peut pas se reposer et rien foutre
– T’as raison y’en a toujours un pour nous faire chier.
– Vivement qu’on retourne à la maison
– T’as une petite Fernand ?
– Ouais elle s’appelle Fernande
– Tu l’as déjà lutiné ? Lui demande un comparse.
– vOccupe toi d’ tes fesses
– Le juteux interrompt la discussion et met la compagnie en ligne, dans le lointain on entend la canonnade.

Le branle bas de combat arrive le soir même vers 23 heures, à 3 heures du matin la brigade au complet se trouve au sud de Gerpienne. Chacun ressent confusément qu’il va se passer quelque chose.

Des postes sont établis en avant de la gare et au ruisseau de Gerpienne, l’excitation compense le manque de sommeil, vers 8 h 30 la troupe se porte en avant vers Villers poterie et la Figoterie.

Fernand qui a les oreilles qui trainent,  entend qu’ils vont contre attaquer sur le Chatelet ( Charleroi ) pour dégager la 5ème division, il prévient sa compagnie.

L’attaque commence vers 10 heures avec comme objectif  la lisière nord du bois dit du Chatelet. Au sifflet les braves se jettent en avant, courage et inconscience se mêlent pour mener la furia  Française vers la position Teutonne .

– En avant, droit devant
– Hourra ! Hourra ! Mon brave régiment, Fernand hurle à tue- tête pour se donner du courage.

L’élan est irrésistible, les chacals avancent, mais les hommes tombent, la tranchée ennemie se rapproche, la ligne s’éclaircit, les officiers hurlent des ordres, le bruit couvre leurs imprécations.

Les mitrailleuses allemandes commencent à faire merveille, les corps d’échiquetés s’affaissent, les troupes commencent à flotter, les pertes sont énormes. Les hommes vaillamment s’avancent à la mort.  Mais la panique prend le dessus sur la témérité, les  zouaves et les tirailleurs, élites des armées sont contraints à se replier en désordre.

PhotoScan

 

Les coloniaux retraitent sur Tys sur Bauduin, la brigade a reculé de  6 kms . Le général Schwartz tente de remettre de l’ordre. Heureusement les allemands surpris par leur succès ne poursuivent pas les fuyards.

– Nom de dieu de nom de dieu y’a pas idée de nous envoyer au casse pipe comme cela
– On est manœuvré par des bons à rien dit Fernand.
– Des assassins, que j’te dis grommelle Daniel.
– En ligne avec nos costumes blancs et rouges qui nous ont envoyé à la mort grince Gaston.
– Fermez vos grandes gueules hurle un pitaine, ou je vous fous un coup de revolver.

Les hommes se taisent, mais ils ont raison, une attaque de tranchée sans préparation d’artillerie est suicidaire. Les troupes Françaises inaugurent la guerre moderne avec des méthodes, que n’aurait pas renié Napoléon. Mais le changement de tactique n’est pas pour le moment d’actualité, la fine fleur de la jeunesse Française a encore le temps d’être moissonné avant que les stratèges des GQG et les politiciens  ne comprennent  l’inanité de leurs plans.

Le baptême du feu de la 75ème brigade est tragique, le 9ème tirailleur est décimé et le 1er zouave bien éprouvé.

La retraite va maintenant se poursuivre la bataille des frontières est perdus.

Fernand et ses camarades de galère ne pensent qu’ à la revanche, la haine qu’ils éprouvent contre l’ennemie sue par tout leurs pores.

Commence maintenant, une dure retraite, qui conduira nos soldats de la Belgique à la Marne.