Mais une affiche par définition n’est pas une feuille vierge et je ne fais pas exception.
Un imprimeur ou plutôt la veuve d’un imprimeur m’a ornée de jolis caractères.
En ces temps reculés les corporations étaient aux mains de dynasties qui se mariaient souvent entre eux.
L’imprimerie où j’ai vécu quelque temps est celle de la veuve Mergé, ce dernier est mort en 1716, elle avait réussi tant bien que mal à hériter de l’atelier de son mari défunt . Cette femme courageuse tutrice de ses quatre enfants se nommait Françoise de la Caille, née en 1679 est morte en 1753. Dans la rue Saint Jacques à Paris cette imprimerie et librairie confectionnait sur ses presses bons nombres de choses et notamment les affiches du Roi.
C’est donc ce nom de veuve Mergé qui se trouve en bas à droite, mais comme je suis une affiche à caractère royal et autoritaire je suis validée par l’imprimeur de la police
qui se nommait Jean de La Caille. Ce dernier est lui aussi d’une famille d’imprimeurs né en 1645 mort en 1723.
Des grandes familles de bourgeois vous dis je , Jean de la Caille et Françoise de la Caille est ce un hasard, probablement pas.
Maintenant il faut bien passer au contenu de cette affiche, car je n’ai pas été imprimée pour rien.
J’aurai bien aimé être un joli texte annonçant un joyeux événement mais mon destin en a été autrement. Je ne suis qu’une interdiction et une menace de représailles.
En ce temps là il existait un bois et qui, je viens de l’apprendre existe encore. Il se nommait le bois de Vincennes et appartenait en propre au Roi de France.
Au moment de ma jeunesse le lieu était un peu délaissé pour les environs de Versailles, mais il était encore réserve de chasse
Cet endroit, figurez vous, était clos complètement par une enceinte on plutôt par cinq enceintes.
On y pénétrait par le moyen de sept portes surveillées par des gardiens.
Le Roi en avait autorisé l’accès pour la promenade, mais visiblement certains en abusaient.
Il fallait donc sévir.
Mon contenu interdit donc à quiconque de rompre , de dégrader ni aucunement endommager les arbres et bois du parc de Vincennes. Qu’on se le dise le tout était passible d’une amende.
Mais les autorités n’avaient pas à lutter que contre ce seul désagrément, de nombreux laquais et gens de livrée se pressaient aux entrées et occasionnaient des désordres en contestant l’autorité des gardes.
Rappelons qu’un laquais était un valet en livrée et qu’une livrée était un habit que faisait porter un seigneur ou un souverain à ses valets. Ce vêtement portait les couleurs et ou les armoiries des maîtres.
Les mesures annoncées contre ces troubles étaient fortes sévères, puisqu’elles prévoyaient les galères. Convenons que de telles mesures étaient peut être un peu exagérées car finalement le bois devint finalement public par ordre du petit Roi devenu grand..
Mais en attendant les contrevenants devaient être remis dans les mains du prévôt de l’isle ou de ses lieutenants pour leur procès.
Sa majesté enjoignait donc au sieur marquis du châtelet, au capitaine et gouverneur de Vincennes, au sieur Machault et au dit prévôt de tenir la main chacun en droit foy à l’exécution de la présente.
Fait à Paris le vingt septième avril mil sept cent dix huit signé Louis.
Tout est dit mais je tiens quand même à vous entretenir de quelques personnes dont le nom apparaît sur ma surface.
Le sieur Machault n’était rien moins que le lieutenant général de la police de Paris, personnage considérable issu d’une famille de parlementaires. Ce nommant Louis Charles de Machault d’Arnouville ( 1667 – 1750 ) il obtint ce poste en 1718 et le tint jusqu’en 1720.
Son fils atteindra la postérité en devenant contrôleur général des finances du roi louis XV ce dont il paiera de sa vie en 1794.
Ce policier dira t’ on ,avait donc l’honneur de faire placarder et hurler le contenu de mon affiche.
Un autre nom illustre apparaît en dessous de celui de notre Roi, il s’agit de celui de Phelyppeaux, de son prénom Jérôme, ministre de la marine mais aussi de la maison du Roi ( 1674 – 1747 ).
Dans cette affaire il apparaît évidement comme ministre de la maison du Roi.
Pour en terminer avec ma vie il convient de saluer celui qui avait la charge de mon affichage en tous les carrefours, places publiques et lieux ordinaires et accoutumés de la ville et faubourgs de Paris.
Comme bon nombre de personnes ne savaient lire, on criait les nouvelles. Les fonctionnaires se nommant gardes champêtre avec leur tambour hurlaient les annonces sur les places et carrefours.
Celui qui se chargea de moi était le juré crieur ordinaire du Roi en la ville, prévôté et vicomté de Paris. N’allez pas croire que ce personnage ne fut qu’un simple parmi les simples, non sa charge fort lucrative en faisait un bourgeois respecté et pansu.
Il se nommait Marc Antoine Pasquier et exerçait depuis un bon moment cet office.
Mais pour bien attirer la populace et la faire écouter il fallait un peu de bruit et c’est Nicolas et Louis Ambezar accompagnés de Claude Craponne tous jurés trompettes qui en étaient chargés.
Voila j’en ai fini, je continue ma vie entourée des plus grands soins, ainsi va la vie d’une affiche