De nouveau le couple de Pierre et de Marie engendre une petite fille le 24 septembre 1727 , les parents font preuve d’une belle originalité on l’appelant Marie. Comme les autres, il faudra lui accoler un surnom, ce sera peut être la Marie au Fleurisson, la Marie au Jean, la Marie à la Pelisson ou bien la Marie du moulin.
Les parents sont heureux.
Cela ne va guère durer car en ces temps la balance entre la vie et la mort oscille dangereusement. En février 1728 la maladie se met dans le foyer de Jean, le vent des ailes des moulins n’arrive pas à chasser les miasmes mortels, le 18 c’est la petite Marie qui rejoint l’ombre protectrice des murs de l’église et le 23 c’est son père qui dans la force de l’âge rend son âme à Dieu.
Anne Pelisson sa femme est atterrée et Pierre pleure son frère. Tous décident que la veuve restera à aider au moulin.
D’ailleurs le 2 mai elle assiste sa belle sœur dans son nouvel accouchement, c’est long, c’est difficile, la parturiente a déjà quarante ans et malgré que le chemin soit fait comme le dit l’adage le risque de problème est énorme.
Marie met son onzième enfant au monde, c’est une fille qu’on prénomme Anne. Elle est lasse de ses grossesses mais son mari lui n’est pas rassasié de son corps, elle en vient à se demander si une servante troussée de temps à autre ne serait pas la meilleure solution à sa tranquillité. Mais elle refoule cette idée car parfois malgré sa rudesse le Pierre lui procure des sensations étranges.
La vie continue au moulin, un aide assiste Pierre en attendant que son fils aîné puisse prendre en charge le deuxième moulin. Il n’a que quinze ans mais sa capacité précoce fera de lui un fier farinier.
D’ailleurs ses fils Pierre quinze ans et Jean douze ans sont sa fierté, il faudra bien les marier pour agrandir le patrimoine, acheter des terres et s’émanciper par le travail. Cela n’est guère facile il y a très peu de numéraire qui circule et les terres restent obstinément dans les mains des mêmes possesseurs.
Mais il ne sera pas dit que la meunière n’est plus femme. Un peu plus d’un an après la maternité qu’elle croyait bien être la dernière, elle est encore prise.
Un matin la meunière est furibonde et elle entre en colère dans le moulin, Pierre la regarde avec stupeur et pour un peu en lâcherait le sac de farine qu’il a sur le dos.
Elle lui dit avec véhémence qu’elle ne les a plus et qu’elle est sans doute encore grosse. C’est une catastrophe et désormais il ne la touchera plus.
Cette chanson Pierre l’a déjà entendue et se dit cause toujours , je te prendrai quand je le désirerai.
La grossesse est pénible, Marie met au monde François le 18 mai 1730, cette fois elle espère que le moule sera cassé, 42 ans c’est assez.
Toutefois elle n’aura pas à l’élever trois jours plus tard le petit est en terre, elle n’a pas eu le temps de l’aimer, elle n’a pas eu le temps de l’allaiter. C’est un petit ange qui par son baptême n’aura pas à se promener dans les limbes pour l’éternité.
Maintenant le problème qui se pose au moulin c’était la présence de la veuve.
Anne faisait son travail convenablement à n’en point douter, mais sa sensualité naturelle affole la gente masculine, Pierre le fils maintenant âgé de 18 ans se verrait bien faire ses premières armes dans les bras de sa tante. Cette veuve lascive dans la plénitude de ses vingt deux ans se morfond dans la solitude de sa couche et bien involontairement attire les regards concupiscents du jeune farinier monté en graines.
Pierre le père se verrait aussi en consolateur des âmes et des corps et virevolte autour de sa belle sœur comme une abeille auprès de sa ruche.
Marie qui si elle acceptait que son mari encorne son contrat de fidélité ne souhaitait pas qu’il instaure son infidélité entre les cuisses de quelqu’un de la famille ou du personnel des moulins. Elle fait donc en sorte que sa belle sœur Anne s’accordaille avec un laboureur à bras du village.
Le 15 janvier 1731 c’est à la satisfaction de tous que la belle Anne se remarie avec Gérard Moinard, elle quitte donc le moulin et n’apparaîtra plus que de loin en loin à la Roulière.