UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, semaine 1, partie 2, l’ Épiphanie

 

l’épiphanie

Le principe du métayage était l’attribution au propriétaire de la moitié de tout ce qu’on produisait. Il y avait encore beaucoup de métayers bien que certains prenaient les terres maintenant en fermage, ce qui était bien plus avantageux et valorisant.

Nous passâmes la journée du dimanche à nous congratuler et à nous saluer, mais il fallait que nous rentrions car j’avais la traite du soir. La patronne se chargeant du repas du soir.

Tout doucement les jours vont maintenant se rallonger et par conséquent nos journées de travail aussi.

Mercredi c’est la fête de l’Épiphanie, le père hurle qu’il n’a que faire de cette idiotie et qu’il va encore perdre une journée de travail, les valets eux sans réjouissent.

Stanislas se moque bien d’un rendement quelconque de la métairie mais se renfrogne à participer à une nouvelle messe. D’après un voyageur qu’ils ont rencontré dans le village dans certaines régions les gens travaillent et fêtent cela le dimanche suivant. Ici le curé est un rigoriste et tout doit se dérouler comme autrefois. Toutes les grandes discutions de cabaret cessent à son arrivée et mon père comme mon mari baissent la tête comme des enfants, puis marmonnent de nouveau quand le bon père est parti.

Allez savoir pourquoi, ma belle mère décida de faire une grande toilette pour cette fête de jésus qui est aussi la fête de la galette des rois. C’est donc le remue ménage, moi je dois faire chauffer de l’eau.

Mon père a décidé d’assister à la toilette, c’est inconvenant et nous peinons à le faire sortir. La princesse se déshabille enfin, normalement on garde le haut, nous ne sommes pas des filles de mauvaises vies, mais Marguerite n’en a que faire des bonnes mœurs. Nue comme au premier jour, son ventre énorme semble vouloir éclater, sa peau est tendue, jamais elle n’ira à terme. Contrairement à moi sa toison est toute claire et parsemée on dirait une petite fille. Sa poitrine est comme son ventre gonflée comme des mamelles de vache.

 

Ce n’est pas étonnant que mon père soit toujours à l’arrêt devant de si jolies appâts. Je lui verse de l’eau dessus, croyez vous qu’elle en soit reconnaissante, trop froide, trop chaude, plus vite plus lentement. Je l’aurais bien ébouillantée cette mégère au cul blanc.

Enfin nous sommes prêtes pour l’office, le père et Stanislas ont décidé qu’ils avaient mieux à faire, les frères sont obligés de venir. Nous apprenons que l’un des valets s’est pris une volée car il a tenté de regarder sa maîtresse au bain. Pauvre gamin c’est bien naturel pour un homme que de se faire son éducation.

L’épiphanie est la présentation, la révélation, la manifestation au public de l’enfant Jésus enfin c’est ce que je comprends. Moi les rois mages avec leur nom bizarre, Melchior, Gaspard et Balthazard me faisaient penser à un conte, j’écoutais monsieur le curé avec attention. Ma belle mère à la messe n’écoutait rien mais se donnait en spectacle, toujours à rire, à chuchoter à se montrer.

A la Gaborinière nous n’avions plus de four et nous allions chercher une galette chez le boulanger Renoux, nous n’étions pas les seuls à attendre la sortie de la fournée, l’odeur était ensorcelante, mais je me devais de me hâter car ma fille Marie était seule à la métairie.

Le repas fut bon mais chacun attendait la galette, exceptionnellement nous étions à table en même temps, c’est le jeune valet Victor qui passa sous la table avec quelques plaisanteries graveleuses des autres hommes.

La maîtresse de maison avait coupé les parts et il devait décidé à qui elles seraient attribuées. En toute logique il aurait du désigner ma belle mère en premier, mais comme il était fâché il me choisit moi.

Le pauvre avait commis un crime et elle n’aurait de cesse de se venger de ce léger affront. D’autant que j’eus la fève et que je fus couronnée reine, elle me tira une belle gueule et la journée fut gâchée.

Je pris ma fille et avec une voisine on alla se promener, les hommes allèrent au village jouer aux cartes. La Marguerite ne pouvant se traîner resta à faire de la couture.

Le soir la veillée fut gaie car les hommes étaient gris, la nuit serait ponctuée de ronflements et de pets.

La première des fêtes cardinales de l’année était passée, la longue monotonie de la vie quotidienne allait reprendre.

Les hommes effectuaient une coupe de bois près du champs  » la sablaie  », la haie était très longue et le travail laborieux, la pluie avait succédé au froid et l’accès à la Gaborinière devenait laborieux. Lorsque les conditions météorologiques se détérioraient il n’était pas rare que nous restions coincés chez nous. Les ornières qui se formaient avaient raison des plus forts de nos bœufs.

Moi, mon père m’avait attribué le labourage du potager, mais je n’arrivais à rien la terre grasse collait lourdement à la bêche et me ralentissait. D’autant que Marguerite maintenant couchée m’appelait sans arrêt pour des peccadilles. Il fallait que je lui remonte son oreiller, que je l’aide à se lever faire ses besoins, vivement qu’elle vêle cette grosse vache.

Je m’étais prise d’amitié pour le jeune valet Aimé c’était le seul homme qui prêtait attention à moi à la maison, attentionné il me remontait les seaux d’eau, me donnait la main pour le curage de l’étable.

Je n’étais pas dupe de son manège à ce grand dadais, je le faisais marcher, lui faisais des niches. Lui en jeune coq bombait le torse et rougissait à chacune de mes paroles. Je savais que je jouais un jeu dangereux à exciter ce jeune puceau mais l’intérêt qu’il me portait me rendait joyeuse et me faisait oublier mes peines .

Un jour ma belle mère nous vit discuter sur l’aire de battage, notre discussion était anodine mais de loin pouvait peut-être passer pour une discussion d’amoureux. Elle lâcha le morceau le soir devant toute la tablée.L’irruption d’une colonne de soldats républicains n’aurait pas fait le même effet.

 

Le Stanislas se voyait cocu et vit rouge, mon père alla décrocher son fouet pour punir l’impudent. Le pauvre garçon ne savait quoi répondre, car en fait il n’y avait rien à en dire. Je dus m’interposer mais je ne pus empêcher qu’il se voit jeter dehors. Mon mari ne se calmait pas et voulait prendre la vieille pétoire résidus de la grande guerre. Marguerite jubilait et rajoutait de l’huile sur le feu pour que moi aussi je sois corrigée. Tout le monde finit par se calmer mais l’ambiance fut morne jusqu’au soir. Le Stanislas se tourna en faisant la gueule et j’entendis mes parents se disputer à mon sujet.

Toute la semaine on me battit froid et le pauvre gamin fut mis à l’écart avec en prime les tâches les plus dures à effectuer. Vue la tournure qu’avait pris notre petit jeu, la prochaine fois, si il y en avait une et bien je vous garantis que mon cotillon je le soulèverais, quitte à se faire suspecter que cela soit pour quelques choses.

 

UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, semaine 1,  le 1er janvier

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