Victime expiatoire de la lâcheté et la passivité du commun des Français, mœurs primaires d’instincts sexuels refoulés je suis offerte en pâture à la méchanceté et à la lubricité.
De mon méchant perchoir je les reconnais tous, Fernand mon premier amour, Jacques mon frère de lait, le père Anselme qui jadis me chantait des chansons en me prenant sur ses genoux, Louis le métayer des Combes qui buvait des coups avec mon père. Puis la tribune des harpies en première loge, Fernande la doyenne du village amie de ma grand mère qui semblait soudain rajeunir à la vue d’une humiliation, Mme T l’institutrice du village qui autrefois me faisait classe et qui pas une fois n’a détourné son visage de la scène. Enfin il y avait toutes celles que j’avais fréquentées, Ginette, Paulette, Pauline, Bernadette, Yvonne des pseudos copines, j’avais l’impression qu’elles se délectaient de me voir souffrir. Sans doute frustrées de n’avoir pas pu être aimées , de ne pas avoir été caressées de n’avoir pas ressenti le grand frisson elles m’avaient toutes porté des mauvais coups. Pauline celle avec qui j’étais la plus proche voulait même que le coiffeur me rase le pubis. Pour parfaire le tableau Ils y avaient les enfants a qui on offrait un spectacle grand guignolesque qu’ils n’étaient pas près d’oublier. Les adolescents, filles et garçons avaient bu le spectacle de la nudité féminine exposée à tous, je les voyais avides à se toucher comme si cette mascarade n’était qu’un tableau orgiaque d’un bordel parisien.
Je n’eus pas la croix gammée sur la tête mais j’eus droit à une pancarte marquée salope.
Les autorités étaient absentes bizarrement du village, monsieur le maire se cachait, le premier adjoint était malade , le deuxième au maquis , le troisième en prison, quand au quatrième mon oncle , il était au bistrot attendant que je passe.
Le curé visiblement avait à faire en dehors de sa paroisse et les membres du maquis étaient partis pour une opération importante pour bloquer une division SS qui se repliait en toute hâte.
Puis à l’unisson les voix entonnèrent la Marseillaise, habitués à chanter maréchal nous voilà certains ne se souvenaient plus des paroles.
Sur la place se trouvait la fontaine du village avec un grand bassin en pierre, la foule s’avisa qu’il serait marrant de nous y laver.
On poussa Thérèse en premier à grands renforts de coups de pieds au cul, on la força à s’y asseoir au milieu.
Puis ce fut mon tour, là encore certaines et sans doute pour que je n’abime pas ma robe voulurent qu’on me l’arrache.
Là encore cela ne se fit pas car on voulait marquer une différence avec Thérèse qui elle était responsable de la mort de résistants.
L’eau était glaciale et me saisit jusqu’aux os, on nous baptisa, on nous lava de nos péchés et on eut droit à une autre belle Marseillaise. Curieusement à ce moment là je n’ai pensé qu’à ma belle robe irrémédiablement gâchée et non pas à la blancheur mouillée de celle ci qui laissait transparaitre et deviner l’ensemble de mon anatomie.
Thérèse n’était plus qu’un pantin désarticulé et lorsque Robert le menuisier ancien combattant voulut lui faire effectuer le pas de l’oie elle s’écroula.
La foule n’avait pas d’intention meurtrière, alors inconsciemment elle relâcha la pression.
On nous fit défiler dans toutes les rues, plus de coups, moins d’invectives, le cœur n’y était plus, les carnivores se lassaient ils de leurs proies ?
Il y eut quand même un regain lorsqu’on nous arrêta devant l’estaminet. Mon oncle pour faire le dur,tourna autour de moi comme pour prendre possession puis me gifla en me traitant de catin. Ceci fait, il se rassit et continua de boire son anisette, il était à vrai dire complètement saoul. Puis la foule s’amenuisa, repue d’un spectacle qui durait depuis trop longtemps , la grande Thérèse ne tenait plus debout et moi j’étais bien chancelante, que faire de nous.
Maintenant il ne restait plus que le Louis et trois ou quatre de ses copains dont deux n’étaient même pas du village. C’est bizarre mais confusément je savais que la foule malgré sa violence et sa vindicte nous protégeait, maintenant il ne restait que quelques hommes pour qui la vengeance de la défaite de 1940 passaient par l’humiliation suprême. Ils s’imaginaient surement que j’avais profité de la présence teutonne.
L’un des deux émit donc l’idée de s’amuser avec nous un tout petit peu avant de nous relâcher, ils tombèrent là dessus d’accord à l’unanimité.
Nous partîmes en direction de la sortie du village, nous étions trop faibles pour nous enfuir.
On arriva à la grange ou le cantonnier rangeait sa carriole et ses pelles et on nous y enferma.
Nos tortionnaires pour que cela soit plus rigolo et surement pour se donner du courage avaient besoin d’alcool ils allèrent donc en chercher en nous laissant à la garde d’un seul.
C’est alors que je j’entendis une conversation entre mon geôlier et mon ange gardien , la discussion fut vive et animée mais visiblement ma libération fut actée. C’était le médecin du village qui avait apprit que nous étions retenues dans ce lieu. Pendant toutes les années d’occupation il avait aidé tout le monde, arpentant les routes, allant d’un hameau à l’autre,soignant les résistants, accouchant les femmes, toujours présent pour effacer les tracas du quotidien. Malheureusement il ne réussit pas à faire délivrer Thérèse, moi j’étais une salope de femme de milicien mais je n’avais jamais dénoncé personne, une collaboration horizontale en quelque sorte, alors qu’elle, elle était responsable de la mort de beaucoup de pauvres gens. Il dut la laisser à son sort, comme on laisse un os à des chiens enragés
Il me couvrit de son manteau et m’emmena chez lui.
Là bas une surprise m’attendait, la bonne du docteur avait récupéré mon bébé, la sainte femme s’en était déjà occupé lors de sa naissance.
On me baigna de mes souillures et on me força à manger une soupe, curieusement je m’endormis dans une nuit sans cauchemars.
Le lendemain, le docteur gentiment m’avertit que le père de mon fils avait été tué dans une embuscade dans le département voisin.
J’avais perdu en cette fin de conflit, ma jeunesse, l’amour de ma vie et mon honneur, mais j’étais encore en vie.
Thérèse n’eut pas cette chance on la trouva morte sur un tas de fumier affreusement torturée, souillée, violée.
Il fallut toute l’autorité du chef des FFI pour qu’on daigne la retirer de la fange pour la jeter dans un vilain trou à l’écart de tous dans le cimetière du village.
Nous fumes des milliers à être exposées à la honte de la tonte, victimes expiatoires de cette immense chasse aux sorciers et aux sorcières. Nos bourreaux ne furent pas les plus courageux et la foule qui les a applaudis ne valait guère mieux. Quand à moi jamais je ne me suis sentie coupable sinon d’aimer un pauvre diable qui malheureusement s’était trompé de camps.
Mais pourrais je un jour oublier les regards tour à tour haineux, rigolards, égrillards et vengeresse de cette foule, rien n’est moins sur. LA FEMME DU MILICIEN, Épisode 1- l’attente et la peur LA FEMME DU MILICIEN, Épisode 2- la tonte
Pascal, vous écrivez si bien…c’est merveilleux de vous lire ! Merci
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A reblogué ceci sur Balades & Portraits par Margaux Gilquinet a ajouté:
Je reblog car Pascal a beaucoup de talent et que j’aime l’idée que vous le lisiez…
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