LA FEMME DU MILICIEN, Épisode 2- la tonte

Mais moi je n »avais en rien collaboré avec l’ennemi, je connaissais Philippe depuis que nous étions petits, je l’avais aimé et lui avait donné un enfant avant qu’il ne s’engage. Jamais au grand jamais je n’avais bénéficié de quoi que ce soit, d’ailleurs il n’était qu’un pauvre hère, un sans grade, alors peut être on me laissera tranquille.

Mais par la fenêtre ouverte sur cet estival mois d’aout j’entends un sourd bruit qui monte, comme une nuée d’abeille, comme un mugissement, comme un brame de cerf en rut.

Je ne bouge pas, pétrifiée par une peur qui immédiatement me donne des sueurs froides et salit mon beau corsage de méchantes auréoles.

Une première pierre éclate un carreau et vient rouler non loin du berceau de mon fils, une deuxième vient me frapper à l’épaule, des morceaux de verre me mordent le visage. Voila que maintenant pénètrent chez moi le grand Louis, tondeur de moutons de son état, puis Hubert le cabaretier ,suivis de deux freluquets d’à peine dix huit ans. Ils hurlent, me demandent de les suivre, je résiste il y a mon fils. Le plus jeune mais aussi le plus teigneux m’attrape par les cheveux et me tire vers la sortie, vers la rue, vers l’enfer. Je crie, je me débats, les coups pleuvent, je ne peux résister et me résous à les suivre.

Dans la rue il y a foule comme à la frairie où à la foire aux bestiaux, on m’entoure, on me conspue, mais que me veut on?

Au bruit succède le silence, c’est tout aussi inquiétant, puis tout d’un coup ma voisine, celle qui m’empruntait toujours du lait et des œufs donne le signal de la curée, salope, pute, collabo, garce, fille à boches, tous m’insultent.

A mort, tondez la, foutez la à poil, Louis m’attrape par les cheveux et m’arrache une grande touffe qu’il lance à la foule. Une gamine encore impubère s’approche et me crache dessus, le garde champêtre détenteur de l’autorité s’élance et me gifle de toutes ses forces. Je tombe au sol, les coups de pieds pleuvent je sens qu’on tente de m’arracher mes vêtements. On me relève, du sang coule de ma bouche, mon crane me fait mal car on m’a arraché des mèches entières de cheveux. Je n’ai plus de corsage piétiné par la foule il git à mes pieds. Une vieille harpie décide que ce n’est pas assez et hurle qu’on me déshabille, le tondeur coupe mes bretelles de soutien gorge, ma nudité apparaît, je tente de cacher mes seins mais de multiples bras m’en empêchent il faut que je sois vue.

On m’observe, on me zyeute, milles regards concupiscents me dévorent, je suis dévoilée, violée, souillée. La punaise me témoigne sa pitoyable haine et veut qu’on m’enlève ma robe. Je ne sais pourquoi un homme s’y oppose, je ne le connais pas mais bizarrement malgré qu’il fasse partie de la meute je lui en suis reconnaissante.

Le convoi s’ébranle, on me pousse, on me tire, chacun me conspue, salope, pute à boche, chienne à milicien, la petite Odette âgée de quatorze ans me crache au visage, je vois qu’elle a plein de haine contre moi, je ne lui ai rien fait, en plus c’est ma nièce. Un adolescent boutonneux a les yeux rivés sur mes seins, cette découverte gratuite et salace le fera pense t’il entrer dans le monde des hommes.

Ce qui me fait le plus mal ce n’est pas les insultes qui fusent mais les rires gras de mes anciennes copines d’école, celles avec qui j’ai partagé mon enfance. A l’angle de ma rue j’entr’aperçois la Simone derrière son rideau, celle là c’est une authentique salope qui a offert son cul joyeusement à plusieurs soldats ennemis, mais croyez le, on ne lui fera rien son frère est FFI, elle bénéficie d’une certaine immunité.

Nous arrivons sur la place, tout le village est là et semble m’attendre, je ne serai pas seule à être jetée en holocauste à la foule vengeresse.

Il y a la grande Thérèse, on l’accuse d’avoir dénoncé des résistants est ce vrai, je n’en sais rien. Par contre, beaucoup d’hommes la détestent car hautaine elle les a autrefois rejetés. Les femmes sont les plus terribles car elles croient que cette mangeuse d’homme a croqué leur mari.

Elle est maintenant mal en point, son arcade est ouverte et son visage dégouline de sang, chacun veut en rajouter, on la bat, on la griffe, on la mord, on la déshabille entièrement.

Ce sont les femmes qui la mettent toute nue, gratuitement pour l’humilier, pour se venger de la beauté qu’elle possède. Maintenant qu’elle est nue les hommes se ruent pour la tripoter, cette vengeance érotique est lâche et vile.

La pauvre ne sait pas quoi faire pour cacher son intimité, ses mains vont de ses seins à son sexe mais chaque fois d’un coup de poing on l’oblige à rester les bras ballants pour que chacun ne perde pas une miette de ce si captivant spectacle.

On nous fait maintenant monter sur une charrette, puis on fait asseoir Thérèse sur une chaise, Louis le tondeur de mouton va s’improviser coiffeur, il tient une tondeuse et l’expose à la meute. C’est son jour de gloire à ce salopard qui de toute la guerre n’a pas bougé son cul, maréchaliste de 1940 à 1944, ancien croix de feux, voir Maurassien puis Gaulliste maintenant que tout danger est écarté, il se pavane , fait son fier.

Il s’attaque enfin à la belle crinière de celle qu’il n’a pu posséder, un vrai sauvage, jusqu’au sang il la rase. Fièrement Thérèse fixe la foule en délire, le tonnelier du village pour faire le mariole entre en scène et oblige la pauvre femme à baisser les yeux en lui appuyant sur la tête. Edgard le cantonnier arrive avec de la peinture et en maitre artiste dessine une croix gammée sur le crane chauve de la traitresse expiatrice. Mais toujours plus on lui peint les seins du même signe infâme.

Maintenant c’est mon tour, je ne suis pas entièrement nue et cela énerve certains et certaines, on scande le désir de me voir nue, mais la même ombre protectrice me protège. Pour moi cela n’a plus d’importance, le degré de nudité m’indiffère car je suis dans mon esprit déjà entièrement dévoilée.

Je tente de résister mais des larmes me viennent, on hurle de rire et l’on m’insulte de plus belle.

Puis je sens la froideur du métal, il me fait mal, les mèches de cheveux coupées me tombent dans la bouche, Louis en lance à la foule. Tondue comme un bagnard par ce tribunal des sorcières, l’inquisition villageoise sans procès m’avait jugée.

LA FEMME DU MILICIEN, Épisode 1- l’attente et la peur

3 réflexions au sujet de « LA FEMME DU MILICIEN, Épisode 2- la tonte »

  1. Ping : LA FEMME DU MILICIEN, Épisode 3- la promenade ignominieuse | Arbre de vie

  2. c est horrible ce qu on leur fait subir..ok je comprend tres bien que les collabos doivent etre punis…mais pas moyens de s expliquer ..et la foule … cette foule completement bestiale…

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  3. Ping : LA MORT DU COLLABO DU GUÉ D’ALLERÉ, JUSTICE OU CRIME? | Arbre de vie

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