LE TRÉSOR DES VENDÉENS, Épisode 8, la mort de papa

1831,  La Poissolière à Saint Julien des Landes

Jean Aimé Proux,

Les adultes en avaient presque terminé avec les travaux d’hiver, le froid était déjà très vif en cette fin Novembre.

Comme nous vivions avec le soleil, les journées de travail étaient moins longues. Du repos mon père n’en voulait pas, depuis son veuvage il tournait en rond dans la métairie, soupirant, s’ennuyant.

Il se réfugiait volontiers dans les travaux les plus rudes les plus sales, s’enfonçant chaque jour dans une sorte de dépression.

Nous avions cru qu’au mariage de l’oncle Jean Letard mon père se serait trouvé une femme, une fille de laboureur de la Mothe Achard , prénommée Louise. Ils avaient dansé ensemble et je crois qu’ils s’étaient revus, mais soit qu’il fut trop tôt dans la tête de mon père soit qu’une incompatibilité quelconque qui ne m’est pas arrivée aux oreilles fut rédhibitoire aux deux parties, rien ne se fit et père resta seul dans sa couche à se morfondre.

Moi j’avais ma grand mère et ma tante cela me suffisait comme femmes de toutes façons je m’étais fait une raison de la disparition de ma jeune mère.

La coupe du bois occupait à plein temps mes oncles Jean et Pierre ainsi que mon père. Ils avaient obtenu l’autorisation du propriétaire Monsieur Fruchard de tailler à ras une haie. Comme toujours l’on ferait moitié moitié, les métayers ayant simplement en plus la sueur et la fatigue.

Ce jour là le soleil tombait lentement vers son gîte, l’obscurité naissait et il fallait en finir. Mon père avec sa machette finissait d élaguer un arbre qu’il se faisait fort d’abattre le lendemain. Mais fatigué, maladroit il se tailla profondément le bras. Il hurla de douleur et mes oncles accoururent, ils lui portèrent les premiers soins.

Mon père fit le dur ce n’était rien, ils rentrèrent à la Poissolière. Grand mère Chaillot examina la vilaine plaie et décida de la laver. Demain j’irais chercher des herbes et je te panserais lui dit elle.

Tout de même le père était secoué, il se coucha presque sans manger.

Le lendemain, grand mère lui fit sa décoction, plantes, vinaigre un peu des deux je crois, cela ne sentait pas bon. Comme de bien entendu il repartit au travail.

Le soir il fut pris d’une fièvre, il suait et tremblait, la blessure purulente c’était visiblement infectée.

On courut au village chercher une vieille matrone, accoucheuse, sorcière, faiseuse d’ange on lui prêtait bien des qualités qu’elle n’avait pas.

Elle vint, regarda, psalmodia un bizarre charabia et déclara tout net qu’il fallait prévenir monsieur le curé. Belle consultation en vérité qui nous coûta une volaille. Pierre alla au village et à la lueur d’une chandelle ramena le père Bougnard.

Le curé frigorifié se fit verser une goûte avant d’administrer à mon père la prière des morts. Formalité, papa pouvait partir au ciel sereinement, c’était tout de même un peu tôt, mon père ne partit pas tout de suite. Il agonisa presque deux jours, son bras était tout noir et puait la charogne.

Ma grand mère dans sa grande mansuétude m’obligeait à le veiller, vous parlez d’une sinécure. Mon frère qui était plus vieux avait réussi à se débiner. Vouloir accommoder l’enfance et la mort en voilà une idée saugrenue, d’autant que papa ne reconnaissait plus personne.

Puis enfin il partit, délivrant de sa présence de moribond l’atmosphère empestée de notre humble demeure. Une question se posa, dut- on confectionner une bière en bois ou simplement à l’ancienne entourée d’un drap de lin blanc le corps nu et raidi de Louis mon père. Pour gagner quelques sous, la vieille opta pour un drap que nous avions à profusion, mon oncle aussi radin que sa mère aurait volontiers adopté la même position. Grand père en patriarche trancha, de belles planches séchaient dans la remise elles furent amenées au menuisier du village qui les transforma en magnifique caisse.

Le 28 novembre 1831, ci gît Louis Proux, feu mon père, par pur hasard on put le placer à coté de feue ma mère, en espérant que sous la terre froide de Vendée il put encore lui faire des niches.

En rentrant du cimetière grand mère à la cantonade, nous fit  » bon ce n’est pas tout ça mais que va t’ on faire des drôles. »

Mon frère Louis 9 ans pleura d’un coup comme si on l’eut rossé, la peur de l’abandon sans doute, moi, je m’en fus me réfugier dans les jupes de ma tante Marie Jeanne. Rose et Marie mes petites sœurs ne comprirent pas ce qui se passait. En fait il n’y avait guère de possibilité que de nous garder, seul mon frère âgé de 9 ans aurait pu être placé comme domestique. Cela faisait des bouches à nourrir en perdant la force de travail considérable de mon père. On tenta une petite approche chez les frères et sœurs de mon père, mais mon grand père reçu une fin de non recevoir.

Nous continuerions donc notre vie à la Poissolière. Bien ce ne fut plus la même chose mais tante Marie Jeanne s’occupait de nous comme une mère, mes petites sœurs avaient encore besoin d’un peu de tendresse avant que d’être jetées dans le monde des servantes et des domestiques de ferme

Pour suppléer le manque de bras dut à la mort de mon père, les adultes discutèrent si l’on ne devait pas embaucher un domestique de ferme ou une servante assez costaude pour supporter les plus durs travaux. Par mesure d’économie il fut décidé qu’on louerait un journalier pour les labours et les moissons, pour le restant de l’année il faudrait que mon frère et moi fassions un peu plus d’effort.

Pour sur que nous allions en faire, mais je n’avais que sept ans et mon frère neuf. Sans la protection de ma tante et la surveillance de mon grand père mes deux oncles nous auraient bien fait crever.

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