LE TRÉSOR DES VENDÉENS, Épisode 9 , mes premiers émois

1832, métairie de l’Auroire, village d’Aubigny

Charles Guerin

Ce qui caractérisa cette année fut le départ de mon oncle Louis Tesson, la métairie se vidait peu à peu. Notre vie était un peu comme le balancier de l’ horloge de notre maire Guerineau, les fermes se remplissaient avec les naissances puis se vidaient au gré des mariages des uns et des autres, pour évidemment se remplir de nouveau avec les enfants de celui qui restait.

Oncle Louis rencontra l’âme sœur sur la commune des Clouzeaux, l’élue s’appelait Marie Anne Tessier, c’était  je crois une famille apparentée aux Tessier d’Aubigny, mon père était copain avec le chef de la famille et leur petite me tournait autour comme une mouche sur une ……..

La noce se fit d’ailleurs chez les parents de la fille, un beau brin de paysanne de vingt huit ans, il avait bon goût l’oncle.

Lui avait déjà trente trois ans, il commençait à être temps, les années couraient vite et on ne savait de quoi demain serait fait. Remarquez mon oncle Charles avait convolé à trente et un ans, Jean à trente trois et mon père à 34 ans, je crois que c’était l’age moyen. J’appris plus tard que cela limitait considérablement les naissances.

En février avant le carême le mariage fut donc célébré, cette période était propice aux unions, la terre était au repos et les paysans avaient un peu plus de temps à consacrer aux festivités.

Comme je vous l’ai dit le carême n’était pas commencé, non pas que les couples respectaient encore cette période comme les vieux d’autrefois en faisant abstinence. Mais le curé Pelletier montait bonne garde sur le sujet. Mon père que la religiosité n’empêchait pas de dormir, fit remarquer qu’attendre trente trois ans pour se marier et ne pas pouvoir boulotter sa femme parce que le Jésus était mort à Pâques c’était à mourir de rire.

Quoi qu’il en fut les mariages en février étaient fort nombreux et celui de mon oncle fut fort réussi, la noce dura deux jours, et l’on resta sur place à dormir, dans la paille de la grange nous étions fort bien.Devant l’absence de surveillance j’avais réussi à goûter un peu aux différents vins et gai comme un pinson je m’étais essayé à la danse

J’avais comme cavalière une lointaine cousine à la mariée, même age que moi, mais me toisant d’une tête, petite femme déjà faite avec de jolies petits tétons enserrés dans son corsage rouge. Premiers émois quand elle me prenait la main, première confusion de grand dadais non dégrossi.

Il va sans dire qu’il ne se passa rien de concret, aucune caresse, aucun baiser, de plus nous avions la petite Marie Anne Tessier qui ne me quittait pas d’une semelle.

Dans ma paille après fête je fus un peu agité, pensant et repensant à ma cavalière.

Le lendemain les ripailles reprirent, avec un peu de mal au début, puis l’alcool chauffant de nouveau les esprits, avec plus de ferveur.

Dans un coin le Victor Epaud un laboureur des Clouzeaux parlait avec volubilité à mon père et à Henri Tessier. Était il encore question de ce fameux secret et de cette recherche près du moulin ?

Quel était le rapport avec Victor Epaud ce lointain cousin de ma nouvelle tante. Je percerai bien un jour ce mystère en interrogeant ma mère.

Moi en ce jour béni, je réussissais à m’évader avec ma cavalière de la veille et je l’enlevais jusqu’au bois de la laudronnière entre chez moi et le village des Clouzeaux. Je connaissais bien cet endroit car pas très loin de l’Auroire. Ce fut pour moi une journée initiatique, à l’abri des regards j’embrassais pour la première fois une fille, oh pas un simple bécot comme les enfants mais un véritable baiser avec la langue, j’avais l’impression de la posséder complètement. Ce ne fut pas le cas, elle n’accepta même pas que je la caresse un petit peu. J’en fus dépité mais j’espérais revoir ma belle pour pouvoir en profiter complètement.

Nous rentrâmes en nous faisant le plus discrets possible,  mais cela ne fut pas possible la peste Tessier nous avait dénoncés, ma petite amie eut droit à une paire de gifles et moi à une engueulade carabinée.

Le soir nous étions à la maison et j’eus droit à toute les plaisanteries du monde, mon père et mon oncle Jean m’embêtèrent avec cette première rencontre féminine.

Nous nous sommes couchés de bonne heure, le lendemain il y avait ouvrage. Il va sans dire que je ne trouvais pas le sommeil. Le souvenir de ma rencontre provoqua en moi une émotion importante et machinalement ma main y remédia, c’était la première fois, ce ne fut pas très long. La surprise de ce plaisir me fit pousser un cri. La famille n’était pas loin, je n’osais pas bouger, heureusement personne ne se réveilla, mais troublé, les mains poisseuses j’étais comme un imbécile.

Le désavantage d’avoir quatorze ans dans notre univers était que nous étions des hommes pour le travail mais que nous étions toujours des enfants aux yeux de tous, moi je considérais cela comme inadmissible.

En effet nous effectuions le même labeur que les adultes et bien sur nous n’étions pas payés, c’était comme une avance sur ce que le père nous donnerait plus tard. Donc pas d’argent et pas de liberté car le patriarche décidait de tout. Pour les femmes, nous les jeunes nous faisions carême. Aucune possibilité d’avoir une petite aventure pour nous déniaiser, seuls quelques uns d’entre nous avaient la chance de tomber sur une servante peu farouche ou une veuve ayant un retour de flamme. Certains forçaient un peu leur chance en coinçant une pauvrette qui ne pouvait se plaindre à personne. Moi je ne résonnais pas ainsi et je respectais la gente féminine, mais je ne me voyais pas attendre jusqu’à l’age de trente ans comme mes parents.

Donc le lendemain je ressassais mon infortune de n’être pas plus vieux, mais il fallait que je me livre à quelqu’un sur le sujet. Celui qui pouvait être à même de me répondre était mon oncle Louis celui qui venait de se marier. Justement de visite sur la commune pour remercier des convives de sa noce, je profitais d’un temps d’isolement pour l’interroger sur la façon la plus sure de patienter.

Il me raconta que sa main avait été sa meilleure conseillère mais qu’il n’était pas exclu que je rencontre une paysanne délurée qui accepterait de dévoiler ses charmes et qui m’accorderait quelques privautés. Mais il conclut qu’à vouloir chasser trop tôt le bon gibier pouvait passer à coté.

Bref j’avais compris, j’étais trop jeune, travaille, sue, épuise toi et surtout ne pense pas

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