La routine s’installe au Gué d’Alleré printemps 1915
Au gué d’Alleré la vie continue, le petit de Benjamin et d’Adélia semble vouloir passer le cap des premiers mois, il se prénomme André et n’a toujours pas vu son papa.
Adélia tourne en rond, les économies fondent comme neige au soleil, en ce moment elle réunit quelques victuailles pour un colis, sa famille l’aide à le remplir. Tant qu’il est à La Rochelle elle ne s’inquiète pas. Mais elle sait maintenant que la situation privilégiée qu’il a ne va pas durer, Edouard Tirant a bien été rappelé au front, alors pourquoi pas lui.
Les hommes n’ont pas le droit aux permissions, celle qu’il avait obtenue était tout à fait exceptionnelle. Pourtant on dit que des hommes vont revenir pour le travail dans les champs.
Gougaud s’inquiète pour sa fille, elle est complètement anémiée, absente, distante. Même avec sa sœur qui pourtant lui est proche elle ne communique plus.
Il décide de l’emmener voir un docteur de sa connaissance à la Rochelle.
Denise, elle ne quitte guère son lit, elle rêve la vie qu’elle aurait pu avoir avec Marcel.
Son père lui aurait fait une situation, lui aurait légué ses terres. Elle sent sa main sur sa cuisse, pourquoi n’ont- ils pas été plus loin. Le hasard, la destinée, si Dieu l’avait voulu elle aurait pu porter en elle un petit être. Mais maintenant elle est seule, sans homme, sans avenir, gardant une blessure de l’âme qui,elle sait, ne guérira jamais.
Quand à Marie Chauvin la gouvernante, plus dure, plus réaliste, elle commence à faire le deuil de son unique amour, de son unique amant. Pendant un moment , elle a cru qu’elle portait, cela aurait créé un beau scandale, madame l’aurait chassée.
Mais maintenant c’est du passé, Marcel est mort et elle fait le serment qu’il sera le seul. Elle reprend ses habitudes, l’office, le linge, des menus travaux agricoles à la métairie et de longues discussions avec madame Boutin. Chaque jour elle s’efforce de venir la voir, elles ne parlent pas du disparu mais des difficultés du moment.
La famille a du se séparer d’un bœuf, le père l’a conduit à la gare comme s’il conduisait le corbillard de la commune. Le pauvre homme se demande bien comment il va labourer. La solution viendra sûrement de la mise en commun des moyens avec un autre pauvre malheureux.
D’ailleurs si certains tremblent pour leur avenir matériel, d’autres se frottent les mains. Les Michaud, vendeurs de chevaux font fortune. Leur domestique de ferme va même en chercher en Vendée, les affaires sont florissantes.
Loetitia vient de recevoir une lettre de son mari, il n’y a rien de bien folichon, il est toujours malade et rien est fait pour qu’il guérisse. Le besoin en hommes est trop grand pour qu’on mette au repos ceux qui sont malades. Elle est très inquiète, car les lettres de son homme sont plutôt joyeuses d’habitude, alors que là elles sont d’une tristesse de tombe.
Vivement qu’il revienne ce foutue grincheux qu’on s’engueule de nouveau se dit-elle.
Benjamin vient de quitter la Rochelle, il rejoint les lignes arrières du front, rien de bien inquiétant mais la nouvelle terrorise la nouvelle maman. Elle se dit que jamais Benjamin ne verra le petit André. Puis elle se raisonne en se disant que l’artillerie se trouve loin de la zone des combats.
Son père est moins confiant et lui explique que les artilleries de chaque camp, tentent de se neutraliser.
Loetitia se ronge les sangs, la dernière missive de son mari est incohérente, il lui parle de vigne, de vendange, de phylloxéra. Elle ne comprend pas, la vigne d’Edouard n’est plus qu’une poussière du vignoble d’autrefois, deux rangs de vigne en lanière, coincés parmi d’autres. Il est loin le temps de la prospérité vinicole du village, d’ailleurs il ne la pas connu, alors pourquoi lui parle t’ il de cela, pourquoi il ne dit rien sur sa vie là- bas, sur sa santé. Elle avec ses mots tente de lui d’écrire l’atmosphère étrange du village, lui fait part de ses doutes et de ses envies. Elle trace avec application les cursives, les pleins et les déliés. Elle se revoit avec l’institutrice derrière elle, des années plus tard elle se surprend à la craindre. Lui non, il évoque une nostalgie, une chimère que se passe-t-il?
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