Je m’appelle Raymonde Ruffié et j’ai décidé d’écrire mon journal, c’est bizarre de commencer cette aventure qui normalement, arrive plutôt dans la vie.
Lorsque j’étais adolescente il ne m’était pas venu à l’idée de confier mes secrets à un cahier. Non je crois que ma sœur aînée suffisait à cela.
Jusqu’à lors nous nous étions tout dit, je connaissais tout d’elle et je crois que je ne lui cachais rien.
Nous faisions chambre commune alors l’intimité de l’une était l’intimité de l’autre. Maintenant que j’y repense c’est un peu troublant et une impression bizarre me tenaille parfois sur le sujet.
Je dois le dire, Andrée de cinq ans plus âgée que moi avait un empire absolu sur moi.
Elle exerçait sur moi une sorte de fascination, que bien sûr à l’époque je n’identifiais pas, mais que maintenant je qualifierais d’érotique.
J’avais suivi sa transformation physique de petite fille à femme, elle ne me cachait aucun détail. Elle m’avait même demandé de subtiliser le ruban à couture de maman pour mesurer l’évolution de sa poitrine.
Je n’avais pas aimé jouer ce rôle, mais il faut bien dire que ce jour là nous avions bien rigolé.
De tout temps j’allais me blottir contre elle dans le lit et au matin, mère nous trouvait toutes deux endormies dans les mêmes draps.
Dire qu’elle aimait, serait mentir. Un jour alors que j’atteignais l’âge de mes douze ans et que j’allais être à mon tour femme, elle me menaça d’une correction si elle me reprenait couchée avec ma sœur.
J’avais été surprise par tant de véhémence mais je m’étais tenue coite après cela.
Andrée me racontait tout, les garçons qu’elle croisait, sa vie au collège de Niort, et plein de bêtises inavouables. Je vivais pour l’entendre le soir, je vivais à travers elle et ses amours juvéniles devenaient les miens.
Puis je suis devenue une jeune femme et le charme s’est rompu. Un jour voulant faire comme elle, je lui est dit c’est ton tour, va récupérer le ruban sur l’ouvrage de maman. Elle a haussé les épaules. Je n’avais plus qu’à me recroqueviller sur moi même et c’est ce que je fis.
Je suis à ma table de travail près de la fenêtre, dehors l’ obscurité règne en maîtresse partageant de loin en loin avec des réverbères un peu de clarté. On dirait qu’elle fait l’aumône de cette lumière au peu de passants qui circulent encore dans la ville qui doucement s’endort.
L’immeuble où j’habite est une sorte d’hôtel, fermé par un grand mur et une porte majestueuse. Dans le jardin, peu vaste mais magnifiquement arboré, trône un cèdre majestueux. Lorsque j’étais petite ses ombrages m’effrayaient, maintenant ils me fascinent. Avec la lumière lunaire ses branches forment comme une lanterne magique.
C’est le cinéma des frères Lumières, je peux rester là des heures à regarder ses branches qui dansent et qui font jaillir un jeu d’ombres sur les murs de ma chambre.
La famille se moque de mon éternelle rêvasserie et Andrée plus terre à terre éprouve un malin plaisir à venir les interrompre.
Au plafond, suspendue, une lampe éclaire maigrement mon espace. La fée électricité est entrée depuis peu dans notre demeure et remplace avantageusement nos chandelles et lampes à pétrole. Nous n’y sommes pas encore habitués mais avouons le, la praticité de cette invention est remarquable.
Ce n’est encore pas d’une fiabilité à toute épreuve et de nombreuses coupures nous plongent dans le noir. Mais nous avons comme par réflexe nos vieux moyens d’éclairage à proximité immédiate.
Justement, au moment où je m’apprête à coucher sur mes feuilles quelques impressions, je me retrouve dans le noir absolu. Je me lève pour activer l’interrupteur de porcelaine, rien désespérément rien, la coupelle de verre et sa lampe luminescente reste éteinte.
Je prends peur, le noir soudain m’envahit et de vieux démons surgissent en moi. Je le sens, elle est là, elle s’insinue en moi, démoniaque et terrible. Il fait froid dans la grange, il a encore neigé il y a peu. La vache pleine beugle, Joseph ne sait que faire, il est terrifié. C’est sûr elle va revenir.
A tâtons je cherche ma lampe pigeon, cette foutue Andrée l’a encore changée de place.
Mais cela ne sera pas la peine l’électricité revient. Je reprends mon calme, les battements de mon cœur diminuent leur charge folle.
Mais le charme est passé, je n’ai plus rien à écrire et mon esprit qui devait se canaliser pour effectuer cette tâche, bat la chamade et reprend sa liberté.
Ça commence très bien..vive la suite..merci
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