LA SOUPE AUX PATTES DE POULETS, épisode 3

 

On ne voit plus maintenant la blonde ondulation des champs de blé, remplacée par l’ombre rafraîchissante de la forêt.

Pierrette  dort bien calée entre deux matelas, mais Lulu elle commence à geindre, entre pipi et grosse commission elle tente d’attirer l’attention sur sa fatigue. Mais marche ou crève, il faut fuir.

Soudain un bruit venu du ciel, on s’interroge, Français, boche ou rital. La panique s’installe, la peur prend aux tripes.

Un couple de vieux belges semble reconnaître le bruit caractéristique des terribles bombardiers en piquée Allemand.

C’est la ruée vers les couverts, Fernand attrape Pierrette et la jette presque dans le fossé.

Daniel lâche avec regret son vélo et plonge à son tour se retrouvant la tête dans les nichons de la bourgeoise à la Peugeot. La situation pour lui est inédite, elle aurait pu être sensuelle, mais avec la peur les sens ne se régissent pas de la même façon.

Jacqueline est quand à elle sur le dos avec un Polonais comme protecteur, en profite t-il ?

Mais où est passé Lulu, pas bien loin elle s’est calée le long de la grande roue et on aperçoit sa tête derrière le gros moyeux. La patronne quand à elle hurle comme un goret qu’on égorge à l’abattoir de Nangis, on a oublié ou pas eut le temps de la descendre. Son mari bientôt passera un sale quart d’heure.

Ce n’est qu’une fausse alerte, la mort est pour d’autres, on entend au loin quelques claquements.

Un fumée monte à l’horizon, le silo, la sucrerie, l’aérodrome des loges, non c’est plus loin déclare le patron. Cela rassure tout le monde et on reprend la marche. Il fait chaud, la faim tenaille maintenant les ventres.

Personne ne s’arrête, comme une nuée d’abeilles mut par le même instinct, on avance.

Pierrette et Lulu se chamaillent, il y a de la taloche dans l’air. Daniel engage par la vitre un semblant de conversation avec la belle dame qu’il a drôlement côtoyée pendant l’alerte. Son père sourit de le voir lui si timide parler avec une femme.

On arrive au chemin qui mène aux étangs de Villefermoy, Daniel y vient nager avec la jeunesse du village, c’est un lieu de rencontre et des idylles s’y nouent .Il a un pincement au cœur au dimanche qu’il aurait pu passer là bas.

Puis mus par un instinct grégaire chacun s’arrête à tour de rôle pour manger, même une fuite éperdue n’empêche pas d’avoir le ventre creux.

Ce n’est pas parce que les boches nous talonnent au cul qu’on doit pas bouffer, dit l’un, oui et puis boire un coup, dit l’autre.

Comme un pique nique de congés payés de 36, saucisson, fromage et pinard, on se croit sur les bords de Marne. Pour peu certains mariolles pousseraient la chansonnette.

Le bourgeois et sa femme se joignent sans rancune à ceux de la ferme après tout on fuit la même chose. Certes et la différence est notable, eux savent qu’ils vont rejoindre l’hospitalité d’amis dans le sud alors que les pauvres en culotte de velours et ceinture de flanelle partent en une aventure sans but bien fixe.

Personne n’a envie de repartir mais hélas les bruits les plus alarmants courent. D’ailleurs quelques tirailleurs nord africain en leur charabia font comprendre à tous que les frisés défilent sur les champs Élysées.

Fernand ricane avec d’autres anciens de la dernière, en leur temps on les avait arrêtés sur la Marne. Chacun commente différemment mais pour sûr tous sont d’accord pour penser que le vieux Pétain va arranger cela.

Le rythme se fait moins rapide, toujours plus chaud, une poussière épaisse s’élève de la colonne , tous font grise mine.

La famille n’est pas encore à Montereau, il faut s’arrêter pour la nuit. Un campement s’improvise autour d’une grange, la ferme a été abandonnée par ses occupants.

Les polonais font le tour des lieux, les portes sont béantes, déjà forcées. Les placards ont été visités, pillés de fond en comble les pièces présentent un triste spectacle. Pour sûr à leur retour les pauvres ne retrouveront plus rien. On trouve un drap pour allonger les petites mais les ouvriers aurait bien aimé trouver un peu de vin . La cave plus que tout avait intéressé quelques soiffards. D’ailleurs il n’est pas besoin d’être grand clerc pour trouver les coupables. Un groupe de militaires dépenaillés, sans les armes qu’ils avaient dû jeter et évidemment sans officier, braillaient autour d’un feu complètement saouls.

Pour Fernand ils ont mérité le peloton d’exécution, mais tout se délite, tout part à l’eau

Daniel fait le tour de l’endroit, il voit une femme qui donne le sein et une autre qui cherche au près des groupes un peu de lait.

Les repas s’organisent, certains sont opulents d’autres chiches, c’est selon le degré de richesse, de préparation et bien sûr du nombre de jours qu’on a marché.

Jacqueline la grande organisatrice s’aperçoit qu’au niveau nourriture la famille n’ira pas loin. On fait cause commune avec les ouvriers polonais et les patrons de la Psauve.

Fernand mange peu et donne sa part à ses filles. Les gamines s’endorment du sommeil de l’enfance. Daniel lui se cale comme il peut et entame une nuit agitée. Ne pouvant dormir Il ouvre les yeux à la lune et compte les étoiles. Il ne peut s’empêcher de penser à sa mère qui était morte il y a deux ans, des larmes lui viennent. C’est souvent dans les moment de détresse qu’on pense aux disparus.

 

LA SOUPE AUX PATTES DE POULETS, ÉPISODE 1

LA SOUPE AUX PATTES DE POULETS, épisode 2

 

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