UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, Semaine 14, la fin du carême

La sainte semaine avait été forte en émotion, la Gélotte, femme de François Durant le menuisier avait perdu un petit âgé de quatorze mois juste le vendredi saint, on ne savait pas trop si le présage était bon ou mauvais pour le reste de la famille et cela faisait sujet à d’amples discutions.

Le samedi soir nous sommes allés à la veillée Pascal, là aussi quelle difficulté à traîner les hommes mais enfin à force de persuasion et aussi de la crainte de passer sous les fourches caudines du curé Gautier toute la famille s’y rendit en procession.

Devant l’église un feu éclairait de sa luminance l’entière obscurité. L’on vit dans les flammes dansantes officier le curé qui alluma le cierge Pascal. Immense orné de symboles rouges symbolisant la résurrection du Christ nous suivîmes sa forte flammèche en procession dans l’église.

L’annonce de Pâques se fit par la prière  » j’exulte  » puis le curé d’une voix claire et belle récita l’ancien testament, Stanislas pour une fois attentif compta sur ses doigts qu’il y avait sept textes différents. Il m’étonna d’ une telle attention.

Le chant de la gloire à Dieu fut entonné, René Buffet notre cantonnier de sa voix puissante prit le dessus sur les voix éraillées du reste des hommes de la paroisse. Stanislas grogna qu’il ferait mieux de mettre du cœur à son ouvrage que du cœur à chanter. A mon sens il n’y avait rien qui opposait les deux mais enfin…

Après une prière il y eut collecte, ce n’était pas le moment qu’aimait le plus les paysans. Il fallait bien participer mais chacun s’efforçait de cacher sa pingrerie ou sa pauvreté en cachant sa maigre obole . Je tuais mon père du regard quand je m’aperçus qu’il fit semblant de déposer une pièce. J’étais rouge de honte et je lui en ai voulu le reste de la semaine.

Ensuite, alléluia alléluia, ce chant qui n’avait pas retenti depuis le début du carême s’éleva sous les voûtes de l’édifice annonçant la résurrection du Christ. Le triduum Pascal était terminé le christ était ressuscité.

Mes frères firent les imbéciles en haussant ostensiblement leur voix et se firent remarquer.

Mes amies me mortifièrent en me le rappelant dès le lundi.

On termina par la liturgie eucharistique, il était grand temps car tout le monde en avait marre de cette foutue messe.

Le retour se fit dans l’obscurité la plus complète, Stanislas tentait de m’entraîner à l’écart de tous pour me lutiner. Il n’en était pas question , nous verrions cela le lendemain.

Vraiment c’était un sacré paillard, mais moi j’étais une bonne chrétienne respectueuse des préceptes divins. Bon j’ose avouer que la mousse tendre d’un sous bois m’aurait bien tentée. La vigueur de Stanislas était communicative.

Le lendemain dimanche nous en avions soupé de toutes ces messes et cérémonies, chacun vaqua à ses occupations, moi je fis cuire pour ma petite sœur des œufs dans de l’eau teintée avec de l’oignon rouge. Cela l’amusa et lui fit un petit présent, il fallait voir dans ses yeux le bonheur que cela lui a procuré.

Stanislas sifflota toute la matinée, il était venu me rendre visite dans l’étable, mais insatiable il me tourna autour toute la matinée. J’avais horreur que l’on soit dans mes jupons lorsque je m’affairais au repas,mais rien n’y faisait, il me prenait par la taille, se frottait, tentait de soulever ma robe de ses grosses pattes. Thérèse rigolait de me voir pester après mon bonhomme sans se douter de ses envies.

La tablée se fit autour de mon père, nous avions invité Jacques Caillaux et sa femme Louise, ils y  avaient leurs enfants et notamment Marie Anne âgée de 19 ans que nous aurions bien vu accoquinée avec Augustin. Ils avaient trois autres enfants beaucoup plus jeunes, Marie Louise 7 ans , Jacques 4 ans et le bébé Jean qui avait juste quatre mois.

Leur mère la vieille Marie Anne les accompagnait, nous n’allions pas abandonner nos vieux en cette fin de carême.

Nous avions donc placé Augustin et Marie Anne l’un à coté de l’autre, je ne sais si cela provoqua un semblant de désir mais après le repas alors que les plus vieux sifflaient doucement une dure eau de vie les deux jeunes s’en allèrent se promener.

Le soir quand mon frère rentra on le questionna sur son après midi. Moi je le fis doucement mais le père et mon bonhomme lui posèrent des questions plus gaillardes. Le pauvre rouge comme une fleur de coquelicot ne savait comment esquiver ces questions bien crues. Comme si en une après midi il devait avoir séduit la belle pucelle, puis l »avoir prise dans un quelconque fossé. Il bredouilla ,et avoua qu’il ne s’était rien passé. Foutu couillon que tu es lui lança Stanislas Vraiment j’imaginais bien la tête de notre ami Jacques si il avait su sa fille troussée par le fils de son meilleur copain. Laissons simplement faire les choses, de toutes façons les deux sont trop jeunes, mais il n’empêche que l’avoir des deux familles conjuguées pourrait finalement faire un beau pécule et constituer enfin l’espoir d’une promotion sociale d’une élévation avec l’achat d’une petite terre en propre.

J’avais quand même un doute sur Augustin et ses façons de moine efféminé. Les femmes lui faisaient peur et au village beaucoup en profitait, il paraît même que la fille du meunier l’effronté Adélaide Potier lui avait montré son cul en disant qu’elle ne risquait rien. Mon père en souffrait beaucoup et devenait méchant avec son fils. Tout était sujet à récrimination et les coups ne tardèrent pas à venir.

En fin de soirée père planifia avec Antoine et Stanislas les travaux à venir. Pâques voulait dire passage en hébreu, passage de le mer rouge certes mais pour nous passage de l’hiver au printemps.

La vie en pleine air allait reprendre ainsi que les journées qui n’avaient pas de fin.

UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 13 , la semaine Sainte

UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, Semaine 13, le vendredi Saint.

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