J’étais libre comme l’air, comme peu de femmes l’étaient en ces périodes de dépendance masculine.
Un jour que je rentrais de moulin David où j’avais été faire une retouche sur la robe de la fille du meunier, un jeune homme se porta à ma hauteur et me fit la conversation. Je le connaissais de vue, il travaillait chez Jean Chabiron le tisserand.
Très à l’aise et de bel figure il me fit la conversation. En vérité je crois qu’il me fit parler et comme un fil qu’on déroule je lui racontais ma vie.
Arrivée devant chez moi, je savais juste qu’il se nommait Auguste Eugène.
A la maison devant mon ouvrage mon esprit fut tout à lui, il m’obsédait et chaque fois que je le chassais de ma tête il revenait au galop.
Le soir sur mon prie dieu, Jésus et Marie avaient peine à me voiler le visage du jeune Auguste.
Le lendemain comme par enchantement le gamin réapparut, si j’emploie ce mot c’est à dessein car il avait tout de même trente cinq ans. Seulement voyez vous moi j’en avais cinquante deux.
Par son babille il me charma encore d’avantage, ce jeune ouvrier me fascinait. Il avait une facilité à vous charmer, vous hypnotisant de ses belles paroles. Ce merle chanteur, ce rossignol par son chant me fit redevenir une jeune femme
Pour le physique qui n’était pas pour moi un élément essentiel le bel Auguste portait bien le surnom que lui avaient donné les lavandières du village.
Sans que rien n’y paraisse je l’avais examiné des pieds à la tête, mon dieu qu’il était beau j’en rougis encore. De grande taille il me dépassait facilement d’une demie tête, son corps était musclé et dégageait une force intérieure qui n’engageait pas à la lutte avec lui. Ces cheveux longs à l’ancienne mode était d’un châtain assez clair, et encadraient un visage rond et jovial. Ses yeux d’un marron tirant sur le roux vous scrutaient d’une lueur amoureuse et vous conviaient inévitablement à le rejoindre dans une aventure. Seul son nez qu’il avait un peu long et son teint par trop coloré ternissaient son image et l’éloignaient de la perfection.
Je sus bientôt tout de lui, fils de l’assistance il n’avait connu que foyer et hospice. Il avait appris seul la vie depuis sa naissance en 1831 à Rochefort. Il avait vécu de petits boulots puis avait été embauché à l’arsenal de Rochefort. Une décision inique l’avait contraint à quitter un emploi qu’il aimait. Un ami l’avait recommandé et il exerçait le métier de tisserand dans notre petit bourg.
Depuis qu’il était arrivé dans le village des bruits couraient bien sur son sujet. Mais la jalousie des autres hommes face à ses succès féminins et la jalousie des femmes sur qui il n’avait pas levé les yeux faisaient courir ces mauvais ragots.
Je le vis de plus en plus souvent, j’étais fière qu’à mon âge un homme si jeune et si beau s’intéresse à moi.
Tout le village fut bientôt au courant de nos rencontres, alors pourquoi se gêner. Nous nous tenions bientôt par le bras et nous promenions ensemble. Alors de la Moussaudrie, à Mille écus en passant par Rioux et Moulin David ce ne fut plus qu’un murmure. La Anne Duteau fréquentait le Auguste Eugène que c’en était une honte.
Tout le monde réprouvait et en particulier ma famille, mon frère François ne me cachait pas son désarrois et sa colère. » tu vas te faire avoir par ce joli cœur, il n’en veux qu’à ta bourse. Tu te rends pas compte qu’il pourrait être ton fils »
Bien sûr que je le savais mais cela me gonflait d’orgueil de le savoir à moi.
Puis un jour il arriva ce qu’il arriva, nous n’étions plus des enfants. Il prit possession de moi au physique comme il avait pris possession de mon âme.
Quand je dis qu’il m’a pris c’est une litote et il serait plus juste de dire que je me suis donnée.
Jamais je n’avais ressenti une chose pareille, ni avec Pierre mon mari dont pourtant j’étais éperdument amoureuse, ni avec l’amant de passage qui m’avait donné mon second fils.
Je vivais seule chez moi alors simplement il me rejoignait, nous n’avions qu’à fermer l’huis de la porte et le paradis nous appartenait. Mon dieu qu’il me semblait beau, son corps m’aveuglait, m’envoutait , m’ensorcelait, me subjuguait, j’étais comme une folle.
Il aurait pu me demander n’importe quoi, me jeter toute nue dans la Roulière ou bien partir en Chine avec lui. Un jour il me demanda un peu d’argent pour payer une dette pressante, je me fis un plaisir de l’aider, une autre fois je lui donnais quelques pièces pour le sabotier Justin Beaujean.
Mon frère n’était pas seul à me faire la leçon, un jour ma sœur vint me trouver pour me dire qu’Auguste était un séducteur et qu’il avait sûrement une compagne à Saint Sauveur. Elle trouvait bizarre que ce gars de Rochefort vienne échouer au Gué d’Alleré, sans attache, sans famille et surtout sans passé.
Même monseigneur l’évêque, même sa sainteté le pape ne m’auraient fait changer d’avis.
Puis un jour après nos ébats en reboutonnant négligemment sa chemise, alors que je fixais la pilosité de sa poitrine et que mon désir montait à nouveau, tout de go il me demanda en mariage.
j adore…..j attend la suite..
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