Voilà les soins, j’arrête de parler, une piqûre, je n’aime pas cela je ne veux pas donner mon bras, je crie, je bouge, mais je n’ai guère de force, deux infirmières me bloquent, je sens leur transpiration, j’aime pas cela me dégoute, comme la viande, comme le chignon de maman, comme les jupons d’Alice. Je m’apaise mais l’énervement a décuplé ma toux, j’ai du mal à respirer.
Je souffre d’aliénation mentale, c’est les médecins qui le disent, j’en ai vu beaucoup. Mais ils se trompent, je vais bien et ma mémoire est bonne. Papa a décidé que je devais aller à l’école comme tout le monde, maman disait que je n’étais qu’un idiot et que je n’y ferais rien.
J’y suis quand même allé, pas vraiment un bon souvenir. Je ne tenais pas en place et sur nos bancs tels des forçats attachés nous ne devions pas bouger. J’étais toujours puni, mes sabots tapaient sur le sol et cela dérangeait, le maitre m’interrogeait mais je ne savais quoi répondre. L’instituteur, me soulevait de terre par les oreilles ou par les cheveux, je pleurais. Tout le monde rigolait de moi, le pire c’était les coups de règle sur les doigts. J’étais souvent au coin avec un bonnet d’âne, mes parents étaient souvent convoqués. Ils n’aimaient guère et en rentrant je me prenais une volée.
Le directeur, prévint même mes parents qu’une fessée déculottée devant tout le monde pourrait me faire tenir tranquille. Mais devant l’air horrifié de maman on passa outre et après on ne s’occupa pas plus de moi.
Pourtant je n’écrivais pas plus mal que les autres, j’étais plus lent, moins attentif. Par contre en calcul je me débrouillais, car j’aimais cet exercice.
Je n’aimais pas non plus les récréations . Je serais bien resté dans mon coin à contempler les nuages, mais toujours on venait m’embêter. On me poussait, on me tirait les cheveux, je ne savais pas me défendre. Lorsque j’allais à l’urinoir on me plaquait le long de l’édicule pour que je sois mouillé.
Un jour je me suis énervé et j’ai tapé, tapé, bien sûr cela m’est retombé dessus et c’est moi qui ai été puni.
Ce fut un long calvaire, mais comme tout le monde s’accordait à dire que je ne ferai pas d’études et que j’étais trop bête pour avoir le certificat d’étude, alors j’avais laissé tomber l’affaire.
Dès que je pourrai, j’apprendrai un métier.
A la maison il n’y en avait que pour mon petit frère Marcel, surtout depuis que sa jumelle la petite Marguerite était morte. Je ne sais pas de quoi elle est morte mais elle est partie à 7 ans et mes parents en furent bien malheureux. Moi je ne me souviens que très peu d’elle mais comme je possède une photo où elle est avec moi je la visualise encore un peu. D’ailleurs je crois me rappeler le jour où elle a été prise où je portais fièrement un fusil de boucher pour aiguiser les couteaux.
A la maison mes parents ne savaient pas quoi faire de moi alors je restais dans un coin de la boutique. Sur ma chaise je regardais le monde passer, j’étais transparent et l’on s’intéressait moins à moi qu’à un saucisson.
Puis maman décida que je faisais peur au client, ce n’était pas vrai, j’étais sage, mais mes yeux parait-il, apeuraient les enfants.
Alors pour quelque temps j’allais vagabonder dans le quartier, nous avions une boulangerie à côté de chez nous, j’aimais bien les odeurs qui en émanaient. Madame Bouchery me donnait parfois un biscuit, par contre son mari me chassait dès que j’approchais.
De temps à autre je trainais avec Louis Lefevre le petit fils du mareyeur mais lui aussi un jour m’ennuya à l’école alors c’était fini. Toutes les boutiques m’intéressaient, l’horloger de la rue du Neubourg, le café de Gustave Moulin et le magasin de nouveautés. J’adorais me poster face au café, il y avait de belles dames et de beaux messieurs, je trouvais que cela faisait un contraste entre les ouvriers tisserands du quartier de l’église et eux.
Je suivais aussi les filles, je les préférais aux garçons de mon âge. Un jour j’ai voulu m’approcher de l’une d’elles, mais elle a eu peur de moi. Cela a encore fait une belle histoire, je n’avais rien fait et je me suis pris une trempe. Ma mère m’a dit qu’elle avait honte de moi et de mon comportement.
Elle me dit que j’étais un grand sale et que sûrement je me touchais, que j’irai en enfer ou en prison.
C’est pas vrai, je me tripotais pas, même quand parfois j’avais le sexe qui grossissait.
Bon j’avoue parfois cela m’arrivait, mais jamais devant les filles j’aurais eu trop honte.
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