On a beau dire même si l’on aime ses parents la vie n’est guère facile avec eux, immédiatement de l’animosité vint se mêler entre les deux hommes de la maison, mon père en ancien voulait en imposer à Léon qui lui en conquérant se considérait comme chez lui car il me possédait.
Un jour les deux hommes faillirent se cogner dessus au sujet du vêlage de l’une de nos bêtes, c’en était de trop et l’on se trouva un autre gîte. Mes parents étaient mortifiés devant une telle impudence mais pour le bien de tous je crois en conscience que c’était mieux.
On resta à Liéchen, pas bien loin ainsi ma mère gardait la petite et mon turbulent fils.
Léon maintenant seul joua de l’important, devint mal commode et exigent. Un soir il trouva que la soupe était claire et renversa son bol, je lui fis une belle scène et pour la première fois il me gifla.
Mon fils hurla en petit homme et mon bébé pleura à chaudes larmes. Au moment du coucher ayant quelque chose en tête il tenta une gentillesse.
Ce soir là devant ma détermination il n’eut pas la satisfaction de mon corps.
Le lendemain il fut mielleux et repenti, alors le soir je m’ouvrais à lui et comme d’habitude il prit son plaisir sans m’en procurer. Mais savait il ce bougre de crétin qu’une femme pouvait aussi éprouver quelque chose aux choses de l’amour.
Je fus bientôt grosse des œuvres de mon maladroit de mari, car voyez vous,même le plus idiot est capable de faire des enfants.
Le vingt sept mars 1823, je donnais le jour à une belle petite, dodue comme son père et déjà gueularde comme lui, Louise Aglaé furent ses prénoms. Louise était le prénom usuel mais moi je décidais de l’appeler Aglaé.
Elle fut baptisée et résista bien aux premiers jours de vie, certes elle n’était pas tirée d’affaire, rougeole, rubéole, angine , grippe, bronchite, choléra, diphtérie, pouvaient la faire passer de vie à trépas fort rapidement.
Moi j’en ressortais meurtrie, la petite en passant m’avait fait une belle déchirure, le Léon toujours à guetter au trou attendait avec une fébrile impatience que je sois de nouveau à lui.
Puis la vie reprit son cours je faisais des journées, ou plutôt plusieurs journées en une, trois enfants ce n’était pas rien, mais ce qui n’emmerdait le plus c’était les soins que je devais apporter au Léon. Oui il ramenait sa paie, mais au delà de ça, il ne faisait rien, un vrai pacha, la soupe devait être prête à l’heure, le ménage fait, la traite faite, les animaux nourris, le jardin labouré, le beurre baratté et bien sur je devais être fraîche et disponible pour la bagatelle.
Autant vous dire qu’il y avait de la tension dans l’air et que je n’avais pas l’intention de devenir esclave.
Un dimanche monsieur décida de se laver en grand, c’était une bonne chose qui n’arrivait pas souvent, il disait que la crasse le protégeait des microbes. Médicalement je n’en étais pas sure, mais il me répugnait, les ongles des pieds et des mains en deuil, les pieds noirs comme un charbonnier, les cheveux gras, la cérumen qui lui dégoulinait des oreilles, une odeur de bouc . Donc monsieur exigea que je lui prépare de l’eau chaude, ce n’était pas rien, il fallait la puiser au puits commun puis la ramener et la faire chauffer.
A poil à tremper dans sa pestilence il voulut que je le frotte, j’acceptais le dos puis il demanda que je descende un peu. Il n’en était pas question, le ton monta et il me menaça de me dérouiller devant tout Liéchen réuni, je ne lui laissais pas le temps de finir sa phrase et lui balançais un pot d’eau bien brulante.
De ce jour la guerre fut déclarée, de nombreuses batailles, de nombreuses trêves, je n’en ressortais pas victorieuse très souvent.
Puis le lascars se mit à boire, pas souvent au départ puis régulièrement, un canon avec l’un, un verre avec un autre. Il se transforma en gueulard assoiffé, il s’en prenait souvent à mon premier et lui foutait des roustes mémorables. Chaque soir la ceinture volait, pour des peccadilles , des riens. Je prenais la défense de mon fils et nous partagions la volée. A force de trempes on s’endurcit et je rendais les coups, il fallait voir les danses que nous nous mettions, un vrai charivari, tout le hameau comptait les jetons. J’en ressortais avec des bleus et des coquards, lui en ressortait griffé et mordu.
J’avais le dessus quand il était ivre mort sinon c’était la correction, la petite se sauvait chez mes parents, le bébé hurlait de terreur et mon grand se jetait en travers nous pour me protéger.
Comme il buvait ses journées, notre condition de vie se dégrada, j’arrivais à faire manger tout le monde mais pour les autres achats je faisais des ardoises, le tailleur pour Louis qui grandissait à vue d’œil, une paire de sabots, une médication pour la vache. Je faisais mon possible mais mes vêtements se perçaient, s’usaient, je ressemblais à ces mendiantes de passage. Ma mère en cachette m’aidait un peu, mais mon père disait que je méritais les roustes qu’il me mettait et que si cela ne tenait qu’à lui il ne me laisserait pas un seul bout de peau sur le cul.
La gentillesse paternelle me touchait au plus profond de moi et je ne manquais pas de me réjouir quand je sus que le vieux était malade. Hélas la bête ne creva pas et il put m’abreuver de nouveau de méchancetés. La plupart du temps le paternel travaillait avec Léon c’est vous dire si ils étaient cul et chemise. Ma mère rigolait de moins en moins car mon poivrot de mari entraînait le sien à godailler dans les cabarets.
Début 1825, je fus pleine, cela devait arriver, le Léon il était régulier comme une horloge, que je sois fatiguée ou que je sois malade rien n’était tabou, rien ne le rebutait. Si je ne voulais pas il me forçait, alors j’avais trouvé la combine, j’ouvrais grand les cuisses,et je comptais dans ma tête, un deux trois, je n’allais guère bien loin car mon Léon était comme le coucou de la pendule il rentrait bien vite.
Merci pour vos récits très instructifs, qui nous font découvrir, la rude vie de nos ancêtres
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