Le vingt trois octobre 1825 au soir il fallut aller chercher la sage femme, j’avais confiance en elle, elle m’avait accouchée des autres. Ma mère ne voulut point venir mais prit les petits. J’eus du mal à la sortie et la praticienne s’inquiétait de perdre et l’enfant et la mère. Le bébé arrivait par le siège, qu’allait il se passer, je souffrais évidemment le martyr et mes cris résonnaient dans le hameau.
Mon père qui fumait avec Léon dans la cour se permit de dire que je ne gueulais pas temps quand je me faisais sauter. Un vrai poète, et mon idiot de mari en rigolant acquiesça puis me le rapporta en croyant à la bonne blague.
La nature me laissa tranquille à quatre heures du matin et me donna une autre fille, le Léon avait disparu et il ne réapparut que bien plus tard en faisant la moue d’avoir une fille. Il me traita de bonne à rien car pour l’instant il n’y avait que le fruit de mon viol qui était masculin.
Je n’avais pas force à répondre, la petite s’appela Moyse, Eugénie, Estelle. Pour tous ce fut Eugénie et elle aussi survécut aux premières heures critiques.
Du coté de mon frère, le couple avait une fille aînée et deux fils et cela serait sûrement tout car au dernier enfantement de Sophie, la vie avait balancé du bon coté mais vraiment de justesse et d’après le chirurgien qu’ils avaient fait venir les organes de la reproduction étaient lésés. Mon frère qui avait deux fils se foutait bien qu’elle ne puisse en faire d’autre. En fait ils étaient satisfaits tous les deux.
Maintenant que j’avais Eugénie à la tétine, il convenait enfin de faire abandonner ma poitrine généreuse à ma vorace de Louise. Elle était déjà à moitié sevrée et avait résisté au lait de vache. Je la trouvais adorable cette aimable carnassière, grosse comme une dinde, grasse comme un porcelet à vouloir son dû.
Ma mère jetait des hauts cris, une bonne chrétienne devait abandonner plus tôt l’allaitement, car en effet il était reconnu que donner le sein avait une action contraceptive. Nous devions faire l’amour que dans l’espoir de procréer. Foutue connerie que racontait maman, que je sache ils ne pouvaient plus avoir d’enfants et elle et mon père s’activaient encore à l’abri du ciel de leur baldaquin. Alors qu’elle me laisse tranquille ainsi que ce jeune curé qui venait d’arriver et qui semblait vouloir régenter nos consciences mais aussi nos corps.
La plupart d’entre nous passions d’une bouche de bébé à l’autre, Eugénie chassa simplement Louise.
Léon devenait de plus en plus dur avec mon fils Louis, il le battait et l’appelait petit bâtard. Ma grande brindille âgée de dix ans serrait maintenant les poings dans la révolte de sa jeunesse. Il travaillait comme un homme et je voyais bien le moment ou Léon exigerait qu’il soit placé comme domestique dans une ferme. Je faisais de la résistance à ce sujet et une gifle était souvent l’aimable conclusion de la discussion.
En 1826 c’était au carnaval il m’est arrivée une aventure, le Léon et ses amis devaient présider le tribunal qui devait juger le marquis et la marquise que l’on devait promener sur un âne juste avant le mardi gras. Les futurs condamnés étaient cette année là une veuve qui s’était remariée avec un homme que l’on jugeait un peu jeune pour elle. Sur une estrade au centre du village il furent donc jugés et condamnés, coupables d’avance. Ce n’étaient que grossièretés, insanités et cochonneries, la foule exsudait sa haine et le Léon parfait spécimen de l’idiot gueulait que l’on ne pouvait se contenter de mannequins et qu’il fallait amener les véritables auteurs à coups de pompe dans le cul.
Heureusement le maire veillait et aucun débordement ne se produisit, la semaine suivante eut lieu le carnaval et nous suivîmes le convoi, Léon montait un grand cheval de labour de race percheronne, il n’était pas encore complètement saoul mais avait tout de même du mal à se maintenir, après les cavaliers venait l’âne monté par les mannequins du marquis et de la marquise. Lui en marche arrière et elle lui faisant face, c’était parfaitement ridicule mais c’était le but. Ensuite la musique, tambours, clarinettes et violons puis venait la foule hurlante, trépignante, excitée, rigolarde, exutoire à la peine et à la dureté des temps ces défilés grotesques étaient autorisés. Les débordements autres que verbaux étaient rares, les dindons de la farce étaient les pauvres gens pris à parti, ils s’en tiraient avec une forte honte, désignée à la vindicte populaire. Puis on passait à autre chose.
Moi de ce regroupement le hasard me fit placer à coté d’un homme, en premier lieu je ne le reconnus point mais à son sourire je sus qu’ il était le père de Rosalie. On se glissa au fin de cortège puis on se laissa distancer.
Les bruits de la musique s’éloignèrent, la troupe carnavalesque ne fut qu’un point à l’horizon. Nous ne nous étions encore rien dit, le père de ma fille avait changé avantageusement, ce n’était plus le haricot monté en graine, plein d’acné, empêtré dans sa jeunesse, timide, pataud avec les femmes.
Il était séduisant, costaud, parlant un langage clair et imagé, une barbe de quelques jours lui donnait une masculinité attirante.
J’en avais les jambes qui flageolaient, le désir montait en moi, incontrôlable. Je ne savais pas si il s’en apercevait mais irrésistiblement nous nous rapprochions.
La campagne était déserte, tous les paysans étaient au carnaval, nous avions le ciel et la terre pour nous. Nous trouvâmes un coin de verdure, les oiseaux chantaient, les frondaisons des arbres bourgeonnaient, certains arbustes fleurissaient et embaumaient l’atmosphère. Tout concourait à l’amour, au désir. Je bus sa bouche et me tordais sous ses caresses, il souleva doucement ma robe et mon jupon et me prit tendrement. Par un savant va et vient il m’amena doucement à la jouissance, enfin j’étais une femme, cela dura me semble t’ il une éternité, enchanteresse, sublime. Il me rejoignit et dans un immense spasme nous unirent notre plaisir.
Mais il était temps maintenant que nous nous séparions, curieusement je n’ai pas osé lui parler de Rosalie. Devait il le savoir, devais je révéler ce que j’avais toujours tu?