LES LETTRES A NINI, dans la territoriale, épisode 8

Ma douce Nini

Excuse moi pour l’absence de courrier mais quelques événements indépendants de ma volonté me firent interrompre l’envoi de mes lettres.

Figure toi que je ne suis plus caporal et que sous la férule d’un gradé on m’a reclassé comme deuxième classe.

La bonne nouvelle ma très chère c’est que l’affaire me fait muter dans un autre régiment qui se nomme le 140ème territorial. Ce n’est plus un régiment d’active, chez les pépères je serais moins exposé.

J’espère que tu vas bien j’ai senti comme une légère lassitude dans ta dernière lettre, soit courageuse cela finira bien par finir et tout reviendra comme avant. Vous me manquez et il m’arrive de pleurer comme un jeune couillon. Comme quoi ambiguïté humaine on peut bien chialer comme un môme et éventrer de sa  » rosalie  » le ventre d’un père de famille allemand.

Avec ce changement je ne pense pas avoir de permission tout de suite, alors reçois par milliers mes doux baisers. Serre fort les petits

Ton homme qui t’aime

Daniel.

Pour un changement ce fut un changement, je passais d’une angoisse permanente de la mort à une sorte de détente.

Je ne me demanderai plus chaque jour si j’allais finir la journée, si une mine allait m’enterrer vivant, si un tireur isolé allait jouer à pile ou face avec ma tête ou si une patrouille teutonne entreprenante n’allait pas nous surprendre et nous égorger comme des cochons.

Non maintenant même si je restais dans le secteur des armées je n’étais plus en première ligne, car mon nouveau régiment le 140ème territorial était affecté à l’entretien des routes et à la coupe du bois.

D’un soldat entraîné à donner la mort je me transformais en cantonnier et en bûcheron. Il n’y a pas de sot emploi. Une guerre moderne entraîne de multiple déplacement, hommes , munitions, ravitaillements, matériaux divers et variés. C’est un véritable va et vient, les lourds charrois et les nouveaux camions automobile détruisent inexorablement le réseau des routes et des chemins. Alors chaque jour, nous réparons, nous refaisons telles des fourmis industrieuses.

Nous sommes dispersés en compagnie avec des secteurs différents, mais le labeur et le même, pelles, pioches, haches, cognées. Le travail est dur et laborieux, les journée sont longues, de notre travail la vie des premières lignes en dépend. Au début j’ai eu des ampoules aux mains car les longs mois dans les tranchées me les avaient fait devenir comme celles d’un tabellion. Mais elles retrouvent peu à peu la corne que j’avais lors du temps bénis des moissons.

Je suis dans le secteur de La Neuville les Bray dans la Somme au nord d’Amiens pour le service routier de la 6ème armée.

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