Un homme adultère ne risquait pas grand chose si ce n’était le mécontentement de son épouse, pour la femme c’était autre chose, prison et répudiation étaient l’aboutissement d’une tromperie.
Moi ma veuve elle était libre, le seul problème était que je pouvais l’engrosser. Dans une petite communauté saunière comme la notre sa réputation en aurait pris un coup.
Mais il faut croire que nous avions de la chance, elle resta plate et moi ma femme soulagée que je m’endorme le soir fit semblant de ne rien voir. Peut être d’ailleurs n’avait elle rien remarqué.
Quoi qu’il en fut Marie tomba enceinte et m’annonça la bonne nouvelle après les fêtes de la nativité de l’an de grâce 1738.
Peut être avait elle prié mais le samedi 1 août 1739 fut jour de liesse pour notre foyer, enfin j’étais récompensé par l’arrivée d’un garçon. Comme voulait l’usage il porta mon prénom qui accessoirement était aussi celui de son parrain Pierre Bourgeois saunier de son état. La sage femme s’extasia devant les bourses bien dessinées de mon fils en me disant pas de doute c’est bien un mâle.
Moi je partis en courant dans tout le village gueuler l’arriver d’un petit Gautier. Comme si la venue de mon fils était l’arrivée messianique d’un nouveau prophète. Je bus un nombre important de verre d’eau de vie et c’est avec peine que je tenais sur mes jambes lors du baptême qui se fit dans la soirée du jour même.
Le curé Guerin qui lui même taquinait le bouteillon ne remarqua rien mais la marraine Marie Pedeneau s’en offusqua telle une grenouille de bénitier.
Quoi qu’il en fut j’étais enfin comblé, un garçon à qui je pourrais transmettre mes marais et mon savoir.
Bon nous n’en n’étions pas là il fallait que l’enfant survive, ce n’était pas une évidence car chez nous les petits mouraient fréquemment et le passage entre la petite enfance et l’enfance était périlleux.
Ma vieille mère serait chargée de sa surveillance, de toutes manières elle ne pouvait rien faire d’autre. Moi j’avais besoin de Marie car nous étions en pleine récolte.
Elle reprit sa place à coté de moi et sa voix mélodieuse qui accompagnait toujours son labeur, retentit de nouveau à mes oreilles.
Le temps était suspendu à mon bonheur, un fils, une femme à l’apothéose de sa beauté, des beaux marais donnant un beau sel prisé par tous, des paysages magnifiques aux couleurs changeantes.
Je me délectais des odeurs venues du large emportées par les vents. Marie avec sa culotte de marais tapinée, blanche des traces de sel qui se déposaient dessus et enveloppant ses jupes avait remonté les manches de son corsage. Sa tête couverte d’un bonnet de coton était ainsi protégée du fort soleil qui dardait sur nous. A l’aide de son sourvon elle remontait le sel sur le chemin, je m’arrêtais de travailler et à la dérobée je l’observais benoîtement.
Sur un bossi nous surplombant quelqu’un d’autre nous observait. J’en eus un frisson c’était Catherine. C’est vrai nous n’avions jamais rompu mais je m’étais imaginé qu’ayant un fils elle comprendrait que je ne puisse plus la fréquenter. Cela n’avait rien à voir en fait.
Ma femme l’aperçût et lui fit signe, elles se connaissaient, comment avais je pu l’ignorer.
Quelques instant plus tard je me retrouvais avec ma femme et ma maîtresse en train de déguster quelques bulots, j’étais infiniment gêné,mais je fis bonne constante.
Quand elle repartit et qu’elle me fit à plus tard, un frisson de désir me parcourra l’échine, je n’en n’avais pas fini avec les complications.
Un jour que j’étais en période de garde à proximité de la pointe des baleines, une silhouette m’apparut le long de la côte, je faillis hurler au qui vive quand je reconnus la belle Catherine. Que venait elle me relancer alors que j’étais revêtu des attributs de la milice. L’affaire eut pu être sérieuse pour moi si l’on m’avait vu discuter avec une femme pendant mon tour de garde. Et encore si nous n’avions fait que bavarder, mais je ne sais ce qui nous prit, l’interdit sans doute.
Je posais mon fusil et dans les genêts face à la mer nous eûmes un moment d’extase. Pour sur si l’on comparait cela avec mes rapports avec ma femme dans notre chambre, sur notre paillasse entourée de rideaux avec l’impression d ‘ être surveillés par ma mère. Mais tout de même quelle imprudence,je risquais la prison pour cela et la mise au banc de la société communale.
Je me promettais de ne jamais renouveler l’expérience, mais ce ne fut que veines promesses.
En fin d’année nous nous sommes une fois de plus retrouvés pour élire les fabriqueurs. Ce fut mon commandant de milice qui fut élu, il était maître chirurgien, pour une fois qu’un élu n’était pas un marchand de sel.
Son adjoint Louis Huguet par contre l’était, il faut bien dire que la majorité des notables était liée au trafic du sel.
Si ma fille n’avait pas été précoce mon fils Pierre le fut, à même pas un an dans la ruelle derrière la maison il fit ses premier pas. Je n’étais pas peu fier, ma mère me ramena sur terre en me faisant remarquer que même les idiots marchaient et qu’il ne fallait pas que je m’attache autant à un à si petit être.
Elle avait raison ma mère on ne devait pas s’attacher aux enfants le 21 octobre 1740 ma fille fut prise de spasme, elle ne passa pas la journée. Je ne m’étais jamais vraiment attaché à cette fillette mais je fus peiner de la peine qu’eut ma femme.
Nous l’avons veillée cette drôlesse, dans son sommeil éternel, elle était maintenant très belle. Ses traits reposés ressemblaient à ceux de sa mère. Le lendemain dans son linceul blanc recouvert de la terre sablonneuse des Portes elle partit pour le paradis.
Bon moi, le paradis, j’étais septique, j’avais eu l’occasion de creuser une fosse au cimetière , croyez moi un corps en décomposition n’a rien de paradisiaque.
Ma femme me traitait de bougre d’idiot en m’expliquant que seule l’âme montait au ciel, foutaise et encore foutaise de la prêtraille.
Un jour que nous allions nous rendre à l’aisine pour y prendre nos chevaux, une rumeur monta dans le village, tout le monde courait en direction de la côte et du hameau la Rivière.
Nous apprîmes qu’une baleine venait de s’échouer sur la plage un peu en dessous de la pointe du Lizay. Même si l’endroit s’appelait la conche des baleines peut d’entre nous pouvait dire qu’ils avaient vu des cétacés et encore moins en avoir vu mourir sur notre sable.
Avec Marie nous fîmes comme tout le monde et on se précipita en remettant notre travail pour plus tard.
Arrivés sur les lieux, chacun s’évertuait d’approcher au plus près, je restais avec Marie assez loin pour admirer le spectacle.
Une monstruosité, purulente et nauséabonde, la bête devait être morte depuis un moment et des prédateurs avaient déjà prélevé leurs écots.
Longue certainement de plus de 25 mètres, la créature malgré sa décomposition restait impressionnante.
Les villageois tels des charognards évaluaient ce qui pouvait être source de profit, moi sagement assis sur la dune j’assistais à ce carnaval en me disant que jamais je ne toucherais pareille charogne.
Elle resta plusieurs semaines à se décomposer, quelques paysans avides avaient tenté de prélever quelques vestiges à ce monstre des océans mais certains en furent malades et on oublia bientôt la charogne.
Un matin du poste de garde de la tour des baleine, les factionnaires de la milice constatèrent que la grande marée de la veille avait nettoyé la plage. Rien ne subsistait à part notre souvenir.