Il faut que je vous explique, notre île était divisée en deux, la baronnie qui couvrait la majeur partie de l’île avec Saint martin, la Couarde, la Flotte, Sainte Marie, l’autre partie où nous nous trouvions s’appelait la seigneurie et comprenait Ars, les Portes et Loix.
Cela m’importait peu, les terres que je saunais, ne m’appartenaient pas et je ne connaissais pas réellement les propriétaires, nous avions tous à faire à des intermédiaires, à des marchands et à des contrôleurs. Alors ces appellations qui sentaient bon la noblesse me laissait aussi indifférent que le crottin de mon cheval.
Le 1 mai 1738 ce fut le branle bas de combat à la maison, ma vieille mère courait partout et semait la panique, heureusement la sage femme arriva et prit les choses une fois de plus en main.
J’obtins de haute lutte son autorisation pour rester dans la pièce, la matrone souleva la robe de ma femme et l’examina, c’est pour bientôt déclara t ‘elle doctement.
Marie assise le dos relever par son oreiller, les jambes légèrement relevées acceptait avec résignation que la sage femme lui pratique un attouchement avec ses mains à la propreté douteuse.
D’un autre coté la pauvre avait été appelé alors qu’elle tirait le lait d’une de ses vaches. Nous avions l’habitude de cette femme, elle savait s’y prendre. De plus elle seule pouvait accoucher une femme dans le village car elle était la seule à qui le curé avait délivré le droit d’effectuer des baptêmes en cas de péril de mort de l’enfant.
De bonne moralité, mariée ou veuve et surtout bonne chrétienne, voilà un viatique suffisant pour exercer ce noble art.
Marie poussa bien fort et fut d’un courage exemplaire, moi je guettais et je gênais surtout tout le monde.
Puis ce fut le drame une donzelle toute rose arriva et braya immédiatement. Encore un coup pour rien, je partis aussitôt boire un coup à la taverne sans plus regarder ma fille, que ma femme nomma Gabrielle.
J’étais anéanti, comment la nature avait elle put me faire cela, le parrain l’ Étienne Rousseau lui il avait une flopée de garçon, la marraine Marguerite Peneau également alors pourquoi pas moi ?
Je me réfugiais dans le travail et aussi dans les tours de garde que j’effectuais toujours avec la milice.
Plusieurs fois il me vint même l’idée que cette drôlesse ne devait pas vivre, je savais que ce n’était guère paternel ni chrétien, mais bon les mauvaises pensées on en a tous.
Par contre quand elle mourut le 27 mai après une courte poussée de fièvre et une éruption boutonneuse je me sentais complètement responsable. Une mauvaise pensée pouvait elle tuer, j’en étais confondu et je ne savais que faire. Me confier à Marie, elle m’aurait tué, quand à ma mère elle n’aurait encore une fois rien compris. Il ne me restait qu’une solution, aller confesser mon crime au curé.
Le bon père fut surpris de me voir car en général je ne me confessais qu’à Pâques. Dans le confessionnal de bois de chêne je déballais mon désamour pour les filles et mon envie obsessionnelle d’avoir un garçon pour me succéder. Je lui avouais aussi tout ce que j’avais de mauvais en moi. Je fut absous et m’en tirais avec quelques paters et quelques avé Maria.
Pendant ce laps de temps je ne m’étais pas occupé de ma Marie qui pourtant se morfondais de tristesse.
Nous eûmes du mal à surmonter ce malheur mais tous les sauniers que nous connaissions avaient perdu des petits en bas age et tous étaient en train de besogner leur marais ou bien leur terre.
La mort faisait parti intégrante du paysage de notre vie.
En attendant j’observais à la dérobée ma fille Marie Catherine, elle marchait enfin mais restait malgré tout bien malingre, non seulement j’avais une fille mais elle serait non mariable si elle ne se fortifiait pas un peu.
Nous avions acheté avec les bénéfices de notre dernière vente une vache que nous avions fait venir de la campagne Rochelaise. Vous parlez d’une épopée que de faire venir des bêtes sur pieds, elles étaient embarquées à la Repentie et ensuite débarquées près du banc des bûcherons.
On peut dire qu’il n’y avait pas d’élevage dans l’île, alors vous pensez, nous avons été un peu vilipendés. Notre vache nous servit d’appoint alimentaire et l’on confectionna du beurre. Marie et ma mère le vendirent sur le marché.
Au niveau de nos relations avec la Marie ça battaient un peu de l’aile nous nous aimions toujours certes mais cette impossibilité d’avoir un garçon nous bloquait un peu.
Je crois même que nous forcions à avoir des rapports fréquents, alors évidemment on se lassait un peu.
Un jour que ma femme était partie ramasser du sart sur l’estran, je me rendis à mon marais pour y relever quelques chemins qui menaçaient de s’effondrer je rencontrais la veuve d’un saunier nommée Catherine. On se connaissait mais nous n’étions liés par aucune parenté, on discuta de choses et d’autres et je crois dire que cela nous procura un certain bonheur.
Catherine était un petit bout de femme d’une trentaine d’année, brune, le teint mat, le nez pointu d’une fouine et une bouche sensuelle qui appelait aux baisers. Ses petits seins faisant saillie dans son corsage et sa descente de rein m’avaient retourné les sens.
Marie me trouva de la vigueur et au vrai j’en avais à revendre. Dès lors je ne me préoccupais que de revoir mon apparition.
Je n’eus aucun mal à provoquer une rencontre par contre pour être seuls c’était plus compliqué.
Un jour que je me trouvais dans l’une de mes aires saunantes entrain d’abattre le voile de sel avec mon simoussis, j’entendis la voix de Catherine. Elle se trouvait en face de moi mais de l’autre coté, j’abandonnais immédiatement mon ouvrage et la rejoignis. Nous étions seuls, aucun autres sauniers ne tiraient du sel à proximité, le soleil tapait dru à peine tempéré par la brise qui venait du Fier. Elle me proposa une goulée d’eau fraîche ce que j’acceptais avec gratitude tellement j’avais chaud.
Chaleur dut au travail mais aussi à cette apparition. Pour la remercier je lui déposais un baiser sur les lèvres. Elle les entrouvrit et nous commençâmes le combat de l’amour.
Le risque d’être surpris était grand alors nous dûmes sauter quelques étapes, je la poussais à l’intérieur de ma cabane à outils. Du foin au sol nous servit de paillasse, je lui baissais sans plus de façon sa culotte des marais dévoilant sa belle toison noir. Je la pris comme un hussard prend une femme, comme un marin prend une catin ou comme un maître prend sa servante.
Je crois qu’elle en éprouva du plaisir, en tout état de cause nous nous revîmes aussi souvent que nous le pûmes.