En mai 1871, nous discutions avec le beau père à coté du puits, eh oui nous étions rabibochés. Il tirait sur sa pipe et racontait en rigolant qu’une paysanne du village lui avait montré involontairement son cul en tombant dans un fossé.
Nous rigolions bien quand soudain il se toucha la poitrine, aucun son ne sortit de sa bouche il s’écroula comme une masse, raide mort. J’ hurlais et appelais, les femmes sortirent et ne purent que se lamenter. Le tisserand était mort. Avec un voisin je le portais sur son lit de mort.
Le décès fut déclaré, le curé prévenu vint à la maison avec un enfant de cœur. Je réglais avec le charpentier le problème de la caisse en bois. Ce dernier me la confectionnerait et me la livrerait le lendemain à la maison.
On fit la toilette du mort, enfin pas moi mais la Justine et l’Anastasine ainsi que la petite Osithe ,Il fallait bien qu’elle apprenne .Le plus dur fut de lui mettre ses beaux habits il était déjà raide comme une bûche. Quel dommage de gâcher des beaux habits qu’allaient pourrir dans la terre froide et humide du champs clos.
Pendant la veillée funèbre, la vie ne s’arrêtait pas de tourner les enfants couraient, se chamaillaient et se promenaient autour du grand père mort. Le village défilait, les femmes priaient et nous les hommes on buvait la goutte. Au soir j’étais un peu pompette. La nuit les femmes veillèrent et moi je m’écroulais sur la table d’un sommeil profond. Le lendemain on mit Florentin dans son lit de bois, on le recouvrit d’un drap et ainsi s’en fut. Le cortège se forma avec le curé et son aide, la famille au complet se rendit à l’église pour une cérémonie puis au cimetière.
Au retour un repas attendait les proches, on but un coup à la mémoire du défunt, ainsi soit il .
Chacun s’en retourna chez soit et l’Anastasine seule dans son grand lit pleura, petit Louis se glissa dans la couche de la veuve et par sa petite chaleur l’apaisa.
Dans ma couche je fus surpris lorsque Justine se cala le long de moi, je l’ai prise dans mes bras et nous nous endormîmes ainsi.
Le lendemain ayant reprit mon pacage j’étais avec mes bêtes. Je vis arriver la Justine avec un panier plein d’un bouteillon de cidre, d’un morceau de lard, d’un oignon et d’une belle miche de pain. Je fus surpris, qu’avait elle fait des enfants pour cette escapade inhabituelle. Les aînés gardaient leurs frères et sœurs sous la vigilance de l’Anastasie. Ce furent des retrouvailles magnifiques, ma Justine amoureuse comme aux premiers jours s’offrit à moi plusieurs fois dans la nuit, simplement sous la lune avec comme matelas la douceur du pré vert.
Arrondie, fatiguée, vieillie, je l’aimais ma bonne femme.
Malheureusement je lui fis le seizième. Bien qu’elle fut résignée, elle fut très affectée par ce manque de chance, encore une fois elle devrait se traîner, être fatiguée, avoir les jambes enflées et bien sur grossir et encore grossir.
Mais cette fois Justine ne put compter sur la présence d’Anastasine car cette dernière avait quitté la maison pour cohabiter avec sa fille et son beau fils. En effet malgré que nous soyons proches et que la vie avec elle se soit bien passée, maintenant qu’elle était veuve, elle n’avait plus rien à faire avec nous.
Ce fut donc les filles de la maison qui aidèrent leur mère, encore une fois Osithe mais aussi Marie et Léonie.
Paul arriva à la maison en février 1872, bien sur la sage femme était présente mais les filles aidèrent de leur mieux.
Le bébé naquit sans problème et alla rejoindre le berceau familial. Je me perdais un peu dans les prénoms, Édouard, Justine, Henri, Osithe, Léon, Edmond, Jean, Eugénie, Marie, Léonie, Severin, Arsène, Paul, Louis, Marguerite et Paul.
Fidèle à notre façon de fonctionner, un enfant arrivant , un enfant partant, ce fut Marie qui se retrouva comme servante de ferme, elle eut plus de chance car elle se retrouva à proximité de chez nous et put rentrer en son foyer le soir. Bien sur comme les autres enfants employés un peu partout elle ne toucherait pas ses gages avant 21 ans. Le travail des enfants étant le complément de celui des parents.
Mais comme je vous l’ai dit, la situation économique des tisserands à domicile périclitait, ma femme toujours grosse et alitée ne pouvait suffire à répondre aux commandes des fournisseurs. Elle ne fut donc plus fournie en ouvrage et dut chercher du travail ailleurs. Seulement voilà à 45 ans, vieillie prématurément, grosse et chargée d’une famille nombreuse, elle ne trouva pas. Les tisserands n’avaient plus de travail et sa santé précaire ne lui permettait pas de se louer dans une ferme. De toutes façons ouvrière spécialisée, le métier de paysanne elle ne pouvait le connaître. Alors ce fut les vaches maigres et on gagea Léonie à Graimville .
Heureusement encore une fois que mes dons de guérisseur nous permettaient d’améliorer l’ordinaire.
Mais la grande nouvelle, ou grande mauvaise nouvelle comme on voudra fut qu’un soir on vit débarquer la Justine, ce n’était pas normal et je sus instinctivement que quelque chose n’allait pas.
- quoi qu’ tu fais là, la Justine
- j’suis renvoyée
- Quoi
- Le maître y m’a mis à la porte
- Pourquoi donc
- Père je crois que je » promène »
- Que tu promènes
- Ben que j’sois prise
- et qui qui qu’ c’est le père
- j’sais pas
- Comment ça qu’tu sais pas
- Nom de dieu tu n’es qu’une traînée, je savais qu’t ‘avais le diable au cul
- qu’est qu’on va faire avec ton bâtard.
- Bah père on va l ‘élever
- Jamais
- père j’crois bin que vous êtes aussi un » point voulu ».
Quelle insolence, je lui mis deux torgnoles et je la mis dehors.
Pour le coup la mère prit la défense de la fille.
- Si tu la mets dehors je pars avec
- et ou qu’tiras ma pauvre femme ?
- T’es qu’un monstre et ta mère si je me souviens bien elle est restée chez le père Nicolas
- Il a pas renié que je sache
Au fond de moi je savais qu’elles avaient raison, il nous fallait trouver une solution. Ce fut ma femme qui la trouva.
Nous étions en relation avec la veuve de son frère, une brave femme qui mariée au Théodore Gréaume était veuve depuis 4 ans. Peut être accepterait elle de la prendre et de recueillir le rejeton.
Elle accepta et la fautive fut conduite à Montivilliers, c’était loin et la réputation de la famille Orange ne serait pas trop écornée. Bien qu’évidement les exploits de la fille du berger étaient connus de tous et toutes, mais surtout de tous.
Elle accoucha d’un garçon en Janvier 1873 il mourut peu après, Édouard et Justine jamais ne virent leur petit fils
Ooh qu’el bonheur ul plaidissible !!!
Merci infiniment pour un si beau partage.
Je je sais pas si vous avez racontez votre histoire avec d’autres membres de votre famille ..
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