LE BERGER ET LA FILEUSE , Épisode 4, La rencontre avec ma femme

Je l’ai vue la première fois à une noce où j’étais invité et où elle se trouvait en tant que membre de la famille. Nous avions dansé au son d’un violon, et nous nous étions un peu échauffés l’un l’autre , en tout bien tout honneur évidement car ses parents ne la lâchait pas du regard. Au jeu de la séduction, j’avais ma chance et je la pris. En fin de soirée, caché derrière une haie vive je bus à sa bouche et elle but à la mienne. Pour une première rencontre c’était déjà une grande victoire.

Nous décidâmes de nous revoir , mais il fallait marcher sur des œufs car à Auberville la Renault je serais considéré comme un  »horsain » et les gars du pays n’apprécieraient pas mon intrusion sur leur terrain de chasse.

De plus je n’étais pas tisserand et cela était un handicap.

Avant de poursuivre il est bon de vous décrire ma belle: elle était blonde avec de longs cheveux noués en forme de tresses que contenait difficilement son bonnet, elle avait un type nordique qui descendait des anciens peuples qui étaient venus du nord. Elle était plutôt grande, une poitrine bien grasse et de fortes hanches. Moi je n’aime pas les maigrelettes , alors les femmes avec des appâts cela me rend un peu fou. Les yeux de ma future  » fème  » étaient bleus, son nez retroussé était  tacheté de taches de rousseur, sa bouche aux lèvres charnues découvrait une dentition non gâtée,  pas très fréquente il faut bien le dire. Seules ses mains étaient  déjà abîmées mais je me rendrais compte plus tard que le travail à la lueur pale des chandelles lui avait brouillé la vue.

En fait elle contrastait avec moi qui ‘étais petit, râblé et les jambes arquées. Mais ce qui jurait le plus, c’etait mes cheveux couleur de corneilles, une peau brune qui aurait pu me faire passer pour un  » maure  » et mes yeux d’un vert kabyle . Quand j’étais petit on me disait méchamment que ma mère s’était fait prendre par un espingouin de passage au Havre ou par un esclave de la cote d’Afrique.

Pure méchanceté j’avais simplement le type bas normand, ce qui pouvait déjà être un problème en pays de Caux. A l’époque j’avais déjà la barbe drue et dans ma bouche manquait quelques dents. La faute au manque de soins comme on dirait bien plus tard.

Bon j’avais des vues sur une belle, mais au niveau expérience de la gaudriole mon expérience était proche du néant. Il serait bien bon que je me déniaise pour ne pas paraître trop bête lors de ma nuit de noces. Je savais comment une femme était faite car la belle Marie ne m’avait rien caché de son corps. Je savais que certaines se refusaient pendant carême.  Il fallait donc que je me hâte.

C’est à ce moment que je me suis souvenu que j’étais grand valet et que dans les jeunes servantes de ferme il y en avait de bien affriolantes.

Seulement je ne voulais pas faire comme le grand Jean avec Marie, heureusement parmi elles se trouvait une journalière récente veuve avec des enfants à charge. Il me fallait une femme et elle avait envie d’un homme. Mais à vrai dire ce qu’elle voulait c’était  surtout  garder son emploi de subsistance.

Dans un coin de la grange à foin, elle s’offrit à moi et me laissa la découvrir. Au début, elle me guida mais nature n’est point sotte et même un idiot trouvait comment si prendre. Ce fut un délice même si ma Jeanne avait la réputation d’être un peu souillon. Peu m’importait d’ailleurs son physique, elle m’apportait son expérience et moi je resterais toujours en contact avec elle, mais cela on verra plus tard.

Je fis donc la cour à ma belle, cela dura un moment car il fallait quand même que je me présente au père avec quelque chose de substantielle.

A chaque rendez vous ma conquête se dévoilait, elle n’était point timide, après la messe on se promenait, nous nous bécotions et nos baisers enflammaient nos sens. Nous restâmes sages.

Si je voulais la posséder il fallait que je rentre en négociation avec son père. J’engageais un marioux, car le normand est susceptible et la coutume est la coutume. Malgré mon statut d’orphelin de mère et mon manque de père j’avais par mon travail plutôt bonne réputation. Sérieux, travailleur et point coureur de jupon, sauf avec ma journalière qui de temps en temps me permettait de patienter .

Tout fut examiné, le père Gréaume était un fin négociateur, il m’en a fallu des tractations et des coups d’eau de vie pour qu’enfin un jour on se tope dans la main.

On eut dit des négociations pour un mariage princier, moi j’avais ma force de travail mais pas de terre

Le père Gréaume fit monter les enchères et toutes les économies que je possédais furent mises dans la balance. Mais cochon qui s’en dédit, Justine amènerait une belle dot, la réputation de la famille était en jeux. Tout à chacun aurait lieu d’admirer ou de se moquer de se que la famille mettrait dans la charrette. Tout d’abord la mariée fournissait un lit avec son tour de lit en coton bleu, des couvertures de lit essentiellement en laine, il aurait plus manqué cela qu’une fille de tisserand n’amène point de tissus. Ensuite la famille donnait une vieille armoire ancestrale et brinquebalante, la mariée pourrait y mettre son trousseau, draps, chemises, mouchoirs, coiffes, bonnets, jupons, tabliers. Justine y travaillait depuis son enfance et avec l’aide de la couturière du village une sienne cousine , elle travaillerait d’ arrache pied jusqu’aux noces pour fournir le complément de ce que son père avait négocié. L’inventaire ne s’ arrêterait pas là, un coffre, des cuillères, des fourchettes en étain, des assiettes en étain et en faïence, de même quelques chaises et un rouet pour filer.

Bon soyons clair, tout cela était avance sur héritage mais point don. Pour l’argent Édouard, Pierre Gréaume et le Marioux s’accordèrent.

Mais fille promise n’est point prise,  ne croyez pas que les noces allaient se passer aussitôt.  Mais nous on avait plus besoin de se cacher, notre liaison était connue et acceptée. Au marché j’ai acheté à un colporteur un bel anneau doré et une belle indienne de Rouen. Justine était vraiment heureuse, cela mettait un peu d’amour dans toutes ces tractations bassement matérialistes.

Ma Justine travaillait avec ses parents et son frère Augustin, ils étaient tisserands, l’atelier se trouvait dans la maison, je vous en expliquerai le fonctionnement plus tard .

Le père Gréaume s’appelait Florentin, il avait été domestique comme moi, puis comme le marché du tissage était florissant il avait abandonné le travail de la terre. Comme beaucoup d’autres d’ailleurs. Il avait même été difficile de trouver de la main d’œuvre pour la terre. Mais qu’on ne s’y trompe pas tous ces tisserands ou toiliers ou trameurs gardaient contact avec la terre nourricière, un lopin de terre, un poulailler, une vache ou bien un cochon. Ils pouvaient en cette époque passer de l’une à l’autre de ces activités.

Pour mon compte je préférais être en extérieur, plutôt que de me tuer quinze heures par jour sur un ouvrage à se détruire les yeux et à respirer les poussières de coton ou de lin.

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