A la ferme du moulin ma situation s’améliorait, en grandissant je devenais un bon valet capable de rivaliser avec n’importe qui. On ne m’importunait plus dans ma couche et enfin on me payait maintenant des gages. Il faut dire qu’un autre souffre douleur était apparu, moi ce n’était pas mon problème mais avec le recul je pense que j’aurai du protéger ce petiot comme j’aurais aimé que l’on me protège.
Marie était devenu une femme, cela ne changeait rien ou presque à notre relation. Un dimanche nous avons décidé d’aller au bois des loges, il y avait une petite mare et nous décidâmes de nous y baigner. Marie sans y voir du mal se mit nue devant moi avant de plonger dans l’eau. C’était la première fois que je voyais une femme entièrement dénudée. Bien sur j’avais avec les autres valets observés en cachette les servantes à la toilette et rignochés devant les alignements de derrières quand elles se soulageaient. Mais là je restais comme un imbécile, surtout quand elle me demanda de la rejoindre. Pudiquement pour cacher mon émoi j’enlevais mes vêtements. Marie riait aux éclats de me voir si embarrassé. Je la rejoignis dans l’eau. Un des meilleurs moment de ma jeunesse. Il ne se passa rien, nous nous fîmes sécher sur le duvet mousseux de l’herbe fraîche.
A la ferme je me spécialisais bientôt à la garde des moutons, le vieux berger en titre me forma et je devins peu à peu savant en la matière . Un peu sorcier, un peu voyant, un peu rebouteux, mais surtout colporteur de nouvelles, il me livra tous ses secrets. Je l’aidais mais je n’avais pas le titre de berger, j’étais toujours un simple domestique de ferme.
Bon il faut avouer que nous étions à peu près payés correctement, car la terre manquait de bras à cause de ce foutu tissage. L’age d’or était passé pour les métiers manuels à domicile mais ce travail de forçat persistait dans notre région.
Puis on me fit comprendre que me balader avec une fille ne se faisait pas et que je devais rester avec les autres valets après messe.
Pour sur nous prenions du bon temps, on jouait à la choule, deux équipes souvent de deux villages différents s’opposaient avec une balle que l’on devait ramener dans le camps adverse. Cela finissait souvent mal, bagarre, règlements de compte entre prétendants, rivalités ancestrales entre communes. Un jour j’ai terminé avec un œil fermé et avec le bras immobilisé. Il a fallut que j’aille voir mon ami le berger pour qu’il me remette d’aplomb. Le maître avec mon bras pendant, a bien failli me renvoyer.
Bon ce n’était pas tout le temps ce jeu virile qui nous occupait, au cabaret on jouait aux dominos ou à l’aluette . J’étais assez bon à ce jeu de carte et je gagnais bon nombre de rincettes.
Mais quand je pouvais je m’échappais avec Marie, notre relation prenait un autre tour, de moins en moins fraternel et de plus en plus amoureux. Si, il y a quelques temps j’avais pu poser ma tête sur son corps nu sans que mes sens réagissent, maintenant le moindre contact m’électrisait, j’avais envie d’elle. Je lui volais un baiser, une petite caresse, j’attendais la suite avec avidité. Marie aurait bien succombé en me donnant sa » dame du milieu », mais son sens inné de la mesure l’en empêchait.
Si il lui venait d’être pleine, elle serait irrémédiablement chassée de la ferme, puis vouée à une indigence qui menait souvent à se vendre aux marins du port du Havre. Elle n’était point orpheline, mais son père jamais ne consentirait à me la donner pour épouse. J’étais trop jeune, pas assez établi, sans le sou, sans famille. Mon tuteur Nicolas n’aurait pas consenti non plus, pensez donc une moins que rien déjà grosse, une sale petite servante dévergondée qui montait son jupon à tout va.
On résista à la tentation mais le jeu était dangereux. J’en saurai plus sur elle que son futur mari et elle que ma future femme. Confidence de jeunesse, amour de printemps, temps de l’irraisonnable, un jour elle disparut.
Ce fut Jean le grand valet qui a la soupe du matin nous avertit que Marie avait fauté et que le maître l’avait renvoyée. Nous sûmes bien plus tard que le vainqueur de la virginité de la servante n’était que Jean lui même. Un dimanche soir saoul il goguenarda ou nous expliquant qu’il avait coincé la pucelle à l’étable et qu’il l’avait forcée. Rétive, la bougresse selon ses dires avait fini par y trouver son bonheur. Je lui aurais bien fait fermer sa grande goule mais devant l’assistance lubrique et complice du grand valet cela m’aurait coûté une raclée et un renvoi.
Je me suis lâchement tu et je me suis plongé dans le travail comme un forcené. J’augmentais en force et je devins le roi de la faucille et de la faux, je tuais tout le monde au travail et le maître me fit miroiter la place de grand valet si elle venait à se libérer.
Elle se libéra ,Jean se maria et prit métayage avec son beau père.
Fini la soupe froide mangée sur mes genoux, c’était moi qui repliait mon couteau et qui donnait le rythme de la journée. Bien sur je dormais encore à l’écurie mais ma place était meilleure.
Mes gages avaient encore augmenté, avec un peu de patience et en économisant je pourrais me trouver une épouse.
Je n’avais pas de terre et aucune perspective d’en avoir, il fallait donc que j’ai un petit pécule car sans cela aucun père ne me donnerait sa fille.
Pourtant j’avais remarqué la fille d’un tisserand du village d’à coté, elle était joliette et rudement bien tournée.