LE ROMAN DES MORTS, Épisode 48, 1918 Peut être un espoir

Benjamin Sorlin

Benjamin, même si il a le sang de la peur qui lui parcourt les veines, n’en tient pas moins son poste. Il se comporte avec bravoure et lorsque arrive l’heure de la relève il écrit fièrement à Adélia, qu’il vient d’être cité à l’ordre du régiment

 » Chef de pièce d’une bravoure froide et d’un dévouement absolu. Pendant les opérations d’août et de septembre 1917 a su malgré la fatigue, les pertes et le bombardement ennemi, exiger de ses hommes un tir précis et un effort ininterrompu. »

Il lui annonce également qu’il va changer de régiment et passer au 286ème d’artillerie.

Il ne va pas être dépaysé car ce nouveau régiment est la scission du 86ème et les hommes vont être les mêmes.

Lui il est affecté au 2ème groupe et il sera chargé de desservir des mortiers de 220 à tir rapide.

Il rejoint son groupe au ravin de la dame, au nord de Verdun. C’est la même vie que précédemment. Les boches bombardent avec des gaz et des servants sont sans cesse évacués. Ce n’est d’ailleurs qu’un échange de bons procédés car le régiment rend coup pour coup.

L’hiver arrive et les soldats commencent à souffrir du froid, mais aussi ils souffrent d’un mal plus difficile encore à combattre que les engelures. Les hommes vont pour la plupart passer un 4ème Noël loin de chez eux.

C’est terriblement long mais l’espoir subsiste d’une chute rapide des empires centraux. D’autant que les américains vont bientôt être à pied d’œuvre et que la disproportion des forces va jouer en notre faveur.

En attendant de pouvoir faire le vaisselier d’Adélia, Benjamin s’est reconverti au travail sur métaux. Ils ont des douilles d’obus par milliers et les meilleurs d’entre eux en font des merveilles. A la prochaine permission il en offrira un à son petit.

Par contre Benjamin se désolidarise des soldats qui vendent des souvenirs d’ennemis morts. C’est un véritable marché et les hommes prennent des risques inutiles pour aller quérir sur un pauvre malheureux un casque ou une baïonnette.

Pour lui c’est comme violer un cimetière, le corps d’un homme est sacré fusse-t’-il prussien.

1918 au Gué d’Alleré

Le maire n’a pas de mort à déplorer dans sa commune en ce début d’année, il se prend à espérer qu’il n y’ en aura plus.

Le village est plongé en fait dans une sorte de torpeur, la couleur qui prédomine est le noir. Certaines veuves qu’ un excès de pudeur n’honore pas, ont été aperçues en douce compagnie.

Gougaud que cela ne regarde en rien s’indigne et commente. Au vrai, il est assez mal placé lui qui c’était mépris sur l’une d’elles.

La plus virulente est sans doute la maman de Marcel Boutin. Elle semble épier toutes les veuves du canton, se renseigne sur toutes, et cancane sur le moindre soupçon d’une présence masculine dans l’espace vital de l’une d’elles.

Elle s’occupe comme elle le peut sans doute, car son mari erre comme un malheureux dans le village. On le voit souvent traîner derrière l’église où la mairie a aménagé une aire de sport pour les écoliers. Il y passe des heures à regarder les enfants. Quand on l’interroge sur le sujet il dit qu’il regarde ses fils et qu’il en est fier. Qu’il croit les voir cela ne fait aucun doute, mais les parents des gamins se plaignent de la présence d’un adulte qui observe leurs enfants. C’est au maire à qui incombe la corvée de dire à Émile que les gens ne veulent plus qu’il passe des heures ici. Le pauvre bonhomme regarde l’officier municipal et des grosses larmes coulent dans ses yeux.  »je suis d’accord avec vous monsieur le maire mais je veux être là si mes deux fils reviennent. »

Gougaud est atterré par ce que vient de lui dire le pauvre Boutin, pour un peu il pleurerait avec lui, comme un couillon sur ce banc.

Adélia, elle se démène comme une diablesse pour ouvrir un nouveau café, on se doute que la concurrence n’est guère d’accord mais bon il faut bien que tout le monde vive. Elle virevolte, joyeuse comme une jeune épousée. Elle montre à qui veut la voir la lettre où son mari est cité à l’ordre du régiment.

Beaucoup dans le village hausse la tête, des citations, des croix de guerre ils en tombent comme à Gravelotte et c’est tellement courant au bout de quatre ans de guerre qu’on regarde cela comme des hochets.

Loetitia Tirant dans un élan de gentillesse lui dit même au lavoir, quand ton bonhomme sera crevé comme le mien tu pourras te torcher le cul avec sa citation.

Les deux manquent de se mettre une peignée.

Loetitia justement est de celle que la guerre a mis dans une situation difficile mais qui compte bien en tirer profit en s’émancipant de toutes contraintes maritales.

C’est elle qui a été aperçue par un villageois avec un homme et qui fait courir le quand dira t ‘on.

Oui c’est bien elle qui revoit le douanier de temps à autre. Pour l’instant rien que du platonique. Elle ne veut pas précipiter le don qu’elle pourrait faire de son corps.

La folie qui l’habitait juste après la mort d’Édouard et qui l’avait fait se donner à Henri lui est bien passée.

Ils discutent ensemble de longues heures et elle ne se serait jamais crue capable de soutenir des conversations aussi longues. Mais François Ferré a voyagé, vu du monde et à une vision moins étriquée que celui qui n’a pas quitté le bord de la Rouillière. Elle boit donc ses paroles et se noie des belles choses que lui récite le charmeur.

Un soir sans qu’elle y prenne garde il lui a pris la main, cela l’ a transpercée, l’a bouleversée, mais aussi fait douter d’elle même.

Puis un autre jour ce fut un baiser qu’il tenta de lui voler. Elle le repoussa gentiment , mais elle sut dès lors que sa carapace était brisée.

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