LE ROMAN DES MORTS, Épisode 10, Benjamin au dépôt d’artillerie de La Rochelle

Départ de Benjamin Sorlin pour le dépôt d’artillerie à la Rochelle

Le lendemain c’est le départ, ses doutes ont repris et Benjamin doit encore et encore la rassurer. Bientôt il reviendra, une permission et il la serrera de nouveau dans ses bras.

Il a décidé de faire le chemin à pieds, il n’est pas seul à se rendre la bas, le 123ème régiment y rassemble ses hommes. Sa besace est bien lourde, Adélia l’a surchargée de victuaille. Il pourrait traverser la France entière qu’il ne souffrirait pas de la faim, cela le fait sourire et d’ailleurs il s’aperçoit que chez bon nombre de mobilisés il en est de même. Les mères, les fiancées, les femmes comme pour exorciser le départ des êtres aimés ont fait montre de surabondance.

Adélia a décidé qu’elle l’accompagnerait jusqu’au moulin David. Cela forme une belle cohorte, des vieux, des vieilles, des jeunes, des enfants entourent de leur amour ceux qui partent pour défendre la patrie.

Mais Adélia n’est pas la seule femme qui accompagne des yeux Benjamin. Elle ne voit rien, ne se doute de rien mais une autre pleure, une autre se tourmente.

Il n’est plus qu’un point à l’horizon lorsqu’elle se décide à rentrer, Marie la femme d’Emmanuel Hillaireau marche à ses cotés, son homme aussi est parti. Que de femmes seules, pense un jeune godelureau en s’imaginant des choses.

Benjamin que la marche n’effraie pas avance d’un bon pas, ceux de Saint Sauveur, de Ferrières, rejoignent les fils du Gué d’Alleré. Puis on récupère les gars de Nuaillé et de Longèves. Des cavaliers couverts de poussière les dépassent sans les saluer, une automobile brinquebalante et roulant à peine plus vite qu’au trot d’un cheval les oblige à se ranger sur le coté. Le pilote, manteau et bonnet lève le bras en guise de remerciement. Les soldats rient de bon cœur, devant un tel accoutrement, eux ils ont chaud alors ce pauvre type sur son carrosse à moteur, imaginez.

C’est enfin la Rochelle, quartier de Cognehors, la porte Dauphine puis les casernes.

Certains sont saouls comme des cochons ayant vidé les litres de vin pour s’alléger.

Les plantons font un peu la moue devant cette débauche, cela commence bien.

On les prend en charge, ils traversent une longue cour puis se heurtent à un bâtiment immense. Haut de plusieurs étages, percé de multiples fenêtres, il se dresse, fier de sa récente construction. Les dortoirs sont tout en haut, l’escalier est dur à monter après plusieurs heures de marche.

Benjamin redécouvre l’endroit, il le connaît, car ses périodes d’instruction se sont passées ici. Il essaye de prendre un bon lit mais la chasse au bonnes places est dure.

Enfin installé Benjamin prend quelques minutes pour observer le spectacle, des dizaines de lits tous identiques, un poêle au fond de la pièce et des paysans hébétés de se retrouver là.

Même si l’essentiel de l’effectif est du département de la Charente Inférieure, il y en a quand même bon nombre qui en sont étrangers.

Chacun se regroupe par pays, les gars de Vendée, ceux des Deux Sèvres et ceux de Charente. Les locaux forment bien sûr un bloc à part.

Par la fenêtre, Benjamin voit les toits de la ville, mais pas la campagne d’où il vient.

Au delà des bastions ne s’étendent que des petits villages agricoles, bandes de terres cultivables et marais.

Il ne voit pas la mer, d’ailleurs il s’en moque, il ne l’a guère vue jusqu’à présent et il s’en est très bien passé.

Mais assez rêvassé, les ordres pleuvent, les capo aboient, il faut se transformer de péquin en militaire. La transition est dure, Benjamin regrette aussitôt les ordres d’Adélia et les coups de torchon qu’elle lui assenait quand il rentrait avec ses croquenots plein de terre.

Il sourit, elle lui manque déjà.

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