LE ROMAN DES MORTS, Épisode 8, le 21ème régiment d’infanterie coloniale

Marcel Boutin, 8 août 1914 Paris, 21ème régiment d’infanterie coloniale

Marcel Boutin comme ses camarades est fin prêt pour le départ et comme les autres il ne sait pas quelle va être sa destination. Il n’est pas d’usage de prévenir le troupier de l’endroit où on le mène se faire tuer.

Définitivement pris par la fièvre de combattre, il est comme l’ensemble de ses camarades impatients d’en finir avec les germaniques qui osent défier le coq Français.

Si il est heureux d’aller combattre , il pense aussi à ses parents qui maintenant sont comme tous les français au courant de la guerre. Il sait que sa mère va pleurer toutes les larmes de son corps et que son père pataud ne saura pas la consoler.

Mais son esprit ne se tourne pas uniquement vers ses parents, une petite aventure qu’il a eu avant de partir du village lors de sa permission le fait sourire et lui tire quelques regrets.

Cette histoire est sans conséquence pour sûr, mais le regard qu’il a vu dans les yeux de celle qui lui tenant la main sur le chemin charbonnier lui chavirait le cœur.

Certes lui en espérait plutôt une relation physique qu’un véritable amour. Mais cupidon décocha une improbable flèche et ce qui se passa sous les couverts des arbres de la terre des eaux mortes lui fit regretter son retour à la vie de la caserne.

Nous sommes le huit août 1914 et Marcel voit la grille de la caserne s’éloigner direction les quai d’Ivry où va se faire le départ en train. Comme la veille pour les premiers départs du régiment, la foule est au rendez vous. Femmes, enfants, vieillards, tout le monde les presse, les congratule, les encourage. Bientôt ils se retrouvent tous couverts de fleurs, Marcel en a de piqué sur son képi, une véritable couronne orne sa ceinture. Les jeunes femmes leur sautent au cou et les couvrent de baisers, si la pudeur et l’incongruité du lieu ne les retenaient pas elles se donneraient en cadeau aux futurs vainqueurs. On sent un érotisme guerrier à ces embrasses, ces caresses, ces regards. Mais pour des mères de famille et des épouses le ressenti est différent, sous la joie point la peur et la résignation.

Sur le quai les wagons sont chargés, il fait soif et des débrouillards ramènent des bidons de bon pinard. Des inscriptions explicites couvrent maintenant les voitures, vive la France, mort aux boches, à Berlin, vive Poincaré.

Chacun monte et s’installe, le confort est rudimentaire dans ces wagons à bestiaux, mais enfin la paille est propre.

Comme pour se donner du courage ou récompenser la foule, les soldats entonnent la Marseillaise et le chant du départ.

La victoire en chantant nous ouvre la barrière 

La Liberté guide nos pas.


Et du Nord au Midi la trompette guerrière
A sonné l’heure des combats.


Tremblez ennemis de la France,
Rois ivres de sang et d’orgueil 


Le Peuple souverain s’avance
Tyrans, descendez au cercueil 

Marcel en a la larme à l’œil, quand reverra t’ il son village d’enfance et ses rives aux chênes têtards.

Puis le silence se fait, vaincu par la fatigue, le vin, l’ivresse du départ, bercés par la mélopée des sifflement de la machine à vapeur, ils s’endorment comme des enfants.

Mais le voyage traîne un peu, les provisions s’épuisent, certains ont la nausée et les odeurs du bac à merde commencent à incommoder.

Marcel s’efforce encore une fois de penser à autres choses, les jambes blanches de sa nouvelle amie, la voix grave de son père qui houspille sa mère pour rigoler ou le sourire de cette dernière quand son bonhomme un peu gris chante des couplet grivois.

Enfin ils arrivent, gare de Mussey dans la Meuse, le village est triste et sinistre, on quitte la joyeuseté de la capitale et on se retrouve dans le trou du cul du monde.

Mais les stratèges de l’état major ont sûrement choisi cet emplacement pour une bonne raison. Les trois bataillons sont répartis dans les villages environnant, celui de Marcel va à Révigny sur Ornain. La bataille des jambes continue, pour être un bon troufion il faut avoir des jambes solides. Heureusement la plupart sont paysans et sont de rudes gaillards.

Le lieutenant Grundfelder  apprend aux hommes qu’ils font partis de la 5ème brigade du corps d’armée coloniale dépendant de la 4ème armée commandée par le général de Langle du Carry.

C’est gentil mais les soldats se foutent bien de l’organisation de l’armée, eux cherchent la roulante car sans rata pas de soldat.

Marcel comme beaucoup se méfie des officiers qui ont des noms à consonance germanique, le lieutenant et un autre officier de réserve qui se nomment schoeffer également.

Pas de schleus en vue mais.

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