Petit, mais grassouillet, visiblement il ne demandait qu’à vivre. Décidément la chance se retirait de sa vie d’autant que sa fille n’avait pas non plus l’intention de passer l’arme à gauche.
Oh il saurait bien lui rendre la vie dure , histoire de ne pas ouvrir les cuisses à tout venant. Puis peut-être qu’il trouverait un idiot pour l’épouser et lui redonner une honorabilité.
C’était donc un garçon, il fut sommairement nettoyé, langé et abandonné dans le vieux berceau de la famille. Il resta comme abandonné mais deux formalités d’importance restaient pour clôturer l’épisode de cet enfant naturel.
La première était la déclaration de l’enfant à la mairie. Pierre se tortura l’esprit toute la journée, normalement l’aîné d’une fratrie portait le prénom du père.
Les heures passèrent, Pierre espérait qu’il passe dans la journée comme cela il aurait économisé la peine de le nommer.
Mais en fin d’après midi sa femme la Marie Pasiot insista, » va donc le déclarer, c’est obligatoire ».
Le pauvre s’en fut accompagné de François Sauton et François Baherne à la maison commune.
Chapeau bas, il entra comme on entre au purgatoire.
Ses sabots crottés laissaient de larges traces sur les vieilles dalles cirées, cela rajoutait à sa gène.
Derrière la vaste table du conseil l’attendait monsieur le maire. Pierre toujours prit de panique devant une autorité, se rapetissait au fur et à mesure. L’homme qu’il avait devant lui n’était pas seulement le premier magistrat de la commune de Gourville mais aussi le maître du logis de Montaigon et accessoirement l’employeur de Pierre. Ce noble homme était l’un des maîtres de la région et portait le nom d’Auguste Babinet de Rancogne.
- Alors père Barit
- euh
- Il faut que tu lui donnes un prénom, dépêche toi.
Le grand père dansa d’un pied sur l’autre
- Allons j’écoute
- Bah Pierre.
Le maire nota, l’affaire était faite l’enfant et la famille étaient en règle. Il ne restait plus qu’à élever et nourrir cet imprévu.
Bizarrement le petit Pierre n’eut pas de nom de famille sur son acte, rien il restait Pierre et seulement Pierre.
La liste des naissances en fin d’année ne reprenait que le prénom de Pierre et la table décennale fera strictement la même chose.
Il ne sera pas Pierre Barit fils de Marie ni Pierre Barit petit fils de Pierre.
Pourtant et contre tout espoir l’enfant se mit à vivre puis à grandir, celui qui lui avait donné son prénom mourut en 1834.
Les deux avaient eu le temps de se connaître et peut être de s’aimer.
Marie Barit ne trouva pas d’homme à marier, sans doute le scandale avait-il été trop fort, elle resta à Gourville et le hameau de Montaigon devint un peu comme sa prison. Elle mourut en 1873 au foyer de son fils et de sa belle fille.
Mais reprenons le cours de la vie de notre mal nommé.
Travailleur, paysan aimant la terre il trouva lui aussi l’âme sœur.
Le 30 juin 1851 à la mairie de Saint Médard notre héros convole avec Henriette Charpentier, le maire monsieur Normand, sans plus s’inquiéter ne mentionne évidement que le vocable Pierre.
Pierre, fils naturel âgé de 30 ans, fils de Marie Barrit et de père inconnu.
C’est donc Pierre qui passa contrat de mariage devant notaire et qui épousa Henriette Charpentier.
Il est vrai que le maire de Gourville qui signa le certificat pour le mariage n’était autre que Babinet de Rancogne celui qui avait établi l’acte de naissance.
Il est aussi remarquable que tous les enfants naturels de Gourville se virent amputer d’un nom de famille sur les recensements de 1841 et 1846 et sur les mandatures respectives de Babinet de Rancogne.
Mais reprenons, le quatre avril 1852 Jeanne ou Henriette Charpentier c’est selon, donne naissance à une fille prénommée Célanie le père n’est autre que Pierre. On nommera donc cette petite fille Célanie Pierre.
En 1857 notre Pierre à un fils, cette fois il sera prénommé Amiaud Félix avec comme nom de famille celui établit de Pierre.
Quoique à y regarder de plus près apparaît le vocable d’Amiaud qui semble être le surnom du chef de famille.
Mais est-on si sûr car sur les recensements notre Pierre se donne Amiaud comme nom de famille et ce du recensement de 1861 à celui de 1886.
Il est donc vraisemblable que les habitants du village aient appelé Pierre par son surnom Amiaud.
Bien évidement nous n’avons aucune idée du pourquoi il se nommait ainsi mais Amiaud se trouve être un nom de famille assez fréquent alors peut-être que finalement son géniteur se nommait ainsi.
Mais en 1888 le héros de notre histoire décède et encore une fois et officiellement n’apparaît que le vocable Pierre. Devant la mort comme devant sa naissance il n’y a aucune complaisante c’est Pierre et uniquement Pierre
» Le 8 mars 1888 décès de Pierre fils naturel, il est âgé de 67 ans, fils de Marie Barit et de père inconnu. »
Sur déclaration de son fils qui ne se nomme plus Amiaud mais Félix Pierre.
La boucle est bouclée, le croyez vous?
En 1884 Félix se marie à Mons commune voisine de Gourville avec Alexandrine Delouche, on lui attribue le nom de famille Pierre avec comme prénom Amiaud Félix, enfin on voit quand même une hésitation. Ce sera la dernière car les enfants de Félix se nommeront tous Pierre.
Pierre Clémentine née le 21/08/1892 à Gourville mariage sous le même nom en 1912
Pierre Clémentin le 14 mai 1887 à Gourville mariage sous le même nom en 1915
Mais pour ne pas faire simple et entretenir la confusion le 19 octobre 1900 Félix déclare un enfant de lui et d’Alexandrine, qui prend le nom de Amiaud et le prénom de Pierre, à moins que cela ne soit l’inverse . De toutes façons sur les recensement ce sera Lucien Amiaud
Eh oui, pour finir sur les recensements de Gourville la famille de Félix se nomme Amiaud.
On constate que près d’un siècle après la funeste naissance de cet enfant naturel, la famille en est encore perturbée dans l’attribution de son nom.
Mais qu’on se rassure Lucien Amiaud meurt le 13 octobre 1920 à Mons en se nommant Lucien Pierre.
Mais pour être encore plus précis et augmenter la perplexité de tous il faut savoir que la fille aînée de Pierre et de Henriette donnait comme nom Amiaud sur les recensement de la commune de Vouharte où elle vit avec son mari Pierre Gaulier. Enfin par sur tous cela serait trop simple.
Encore une excellente histoire ! Bravo et merci
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Je plains celui qui se risquera à faire la généalogie de la famille.
Il va s’emmêler les neurones!!😄
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Je connais bien ce cas de figure. Mon arrière grand père, né de Père inconnu (comme ses 5 frères et sœurs) mais le seul non reconnu par sa mère, Marie DRU, ne porte, sur son acte de naissance qu’un prénom Claude. Quand il se marie, son épouse porte son prénom en nom de famille, les 3 filles du couple de nommeront également Claude. Dans la famille, on l’appelait Claude dit DRU.
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