LES BROCANTES TOMBEAUX DES SOUVENIRS, LA TANTE GABY

 

Gabrielle Marqueyssat

Alors que s’étirait le chemin de mon dernier crépuscule, une balade dominicale me mena au pied des vénérables tours renaissance du châtelet de Matha.

Une brocante s’étendait à ses pieds, les marchands et autres brocailloux avaient déballé leurs étals.

Achalandés des objets les plus divers; ils nous attendaient nous les acheteurs du matin avec une avidité de début de journée. Entre gens du même monde ou entre gens simplement mus par les mêmes passions, les affaires se nouaient et pièces et billets changeaient subrepticement de main.

Le froid était vif mais personne ne semblait y prêter attention tant la recherche de la perle rare minimisait nos ressentis.

J’avais déjà fait mes affaires lorsque en un ultime passage je vis, groupé au pied d’un vieil écritoire, un tas de vieilles photographies. Au vrai le croyez vous, elles n’attendaient que moi. Mon imagination se mit en route et je pensais aussitôt que le destin les avaient mises devant mes yeux afin que je tire du néant une dernière fois le visage de ces pauvres décédés. J’en étais sûr quelque chose  m’avait dirigé vers cette table où des centaines d’objets hétéroclites attendaient que quelques amoureux ne leur redonnent une seconde vie.

Je me saisis avec ravissement de ces bouts de destinée. La première photo était celle d’une petite fille, âgée de quatre ou cinq ans vêtue d’une robe et d’un petit bonnet. Le personnage avait été placé sur un fond représentant une rue de village.

Mais ce qui m’intéressa le plus ce fut le nom de famille qui était écrit sur le verso de la photographie. J’entrevoyais aussitôt les possibilités de narration.

Je continuais la prospection, une jeune femme sur une petite photo carte, là aussi un prénom, c’était le même que la petite fille. Sur une autre, bien plus tardive apparaissait une femme d’age mur avec trois enfants , là encore le prénom était mentionné.

J’avais donc trois photos de la même personne à des ages différents. J’étais aux anges.

En rentrant chez moi, je me fais donc le dur constat que dans cinquante ans ou peut-être moins, personne ne trouvera de tels trésors, car nos souvenirs sont maintenant irrémédiablement enfermés dans une puce de téléphone ou d’ordinateur. Mais ainsi va la vie, ni revenons pas.

Elles sont maintenant étalées devant moi, la petite fille s’appelle Gaby Marqueyssat, ouf le nom n’est point commun.

Ensuite nous avons tante Gaby, puis tante Gaby, avec Roger, Gisèle et Hélène.

Je commence mes investigations avec la photo qui me semble la plus ancienne. Elle a été prise à Paris chez Camille Gratiolet, c’est un photographe de Villeneuve sur Lot qui exerçait au 131 avenue de saint Ouen au début du 20ème siècle.

Cela me paraissait naturel de commencer par celle-ci car c’était Gaby enfant.

J’avais donc un nom et un prénom, mais j’avais plus que cela. Sur une carte dont je vous parlerai plus tard j’avais aussi une adresse.

La famille de Gaby habitait donc sur Cognac place François Premier

Immédiatement je me rendis sur les registres de recensement. Ce ne fut pas long et je trouvais toute la famille. Gaby était Gabrielle et avait vu le jour à Bordeaux .

L’enquête se poursuit sur Bordeaux avec les tables décennales, il y avait trois sections, il fallut donc trouver la bonne. Ceci fait je découvre ma Gabrielle Marqueyssat.

Je me rends maintenant sur le registre de naissance, elle est née le 20 octobre 1901 de Joseph qui est mécanicien et de Jeanne Poujoula tailleuse d’habits. Lui est de Bordeaux, elle de Villeneuve sur lot. Gabrielle a une sœur aînée qui se nomme Irène.

Il n’y a aucun doute c’est la même famille tout correspond.

Je retrouve l’acte de mariage des parents puis je retourne sur Cognac où j’étudie l’évolution de la famille. Joseph est garagiste et la famille s’est agrandie d’un garçon prénommé Marcel.

Tout le monde vieillit, et Irène et Gabrielle deviennent employées de banque à la société générale de Cognac. C’est déjà surprenant pour cette époque.

Vient la grande guerre et ses affres. Au début je vous ai parlé d’une carte où j’avais trouvé l’adresse de la famille. En fait il y en a trois.

Ce sont de biens chastes missives de militaires en peine de cœur et de vie. Deux sont destinées à Gaby qui n’a que dix sept ans, l’amoureux se nomme Alois et signe » votre petit ami » . Il est au front en ce mois d’août 1918. A t-il survécu, se sont -il revus ?

L’autre carte qui représente une jeune fille est écrite d’une superbe écriture,  » chère amie les souvenirs vont de l’un à l’autre. « Je me rappelle et on ne reste que un sentimant douce dans le cœur. Je vive dans l’espérence, souvenir de Alois. » C’est mignon, tendre et plein de fautes.

Puis il me faut bien continuer, Gaby a contracté mariage à Saint Gervais maintenant commune de Nanteuil en Vallée dans le département de la Charente. C’est facile il en est fait mention sur l’acte de naissance.

Nous sommes en 1926 et l’heureux élu se nomme Petit Jean Eugène George, il est né le 10 mars 1900. Contrairement aux usages le mariage a lieu dans la commune de l’homme, c’est bizarre mais pourquoi pas.

Maintenant comment poursuivre, je n’ai plus la possibilité de lire les registres mais il me vient une idée. Une dernière source.

Le livret militaire du marié me donnera peut-être des renseignements.

J’ai de la chance et la vie de Gabrielle se déroule comme un tapis, en 1927 la famille est à la Roche sur Yon, puis l’année suivante ils sont sur Poitiers où le mari de Gabrielle est répétiteur au lycée. Elle est employée à la banque de France.

J’apprends aussi qu’ils auront 5 enfants et qu’en 1965 ils se retireront sur Bayonne.

Gabrielle Marqueyssat épouse Petit décède à Bayonne le 18 juin 1990.

Voila je pense avoir fait revivre cette petite fille et je vais m’intéresser aux autres photos.

L’une d’elle ancienne a été prise 31 cours de l’intendance à Bordeaux, au recto une inscription  » tante Gaby. Au début j’ai pensé que cela pouvait être ma Gabrielle mais ce portrait de femme ne pouvait correspondre car le photographe de cet atelier est mort en 1912 (Jules Fourie ).

 

 

 

Gabrielle Poujoula épouse Sans

Puis qu’elle ne pouvait être Gabrielle Marquessat, qui était-elle ?

La réponse je l’obtins sur une autre photo qui représente une femme dans la plénitude de sa beauté. Aucun doute c’est la même femme que sur le portrait.

Mais j’ai de la chance cette fois je trouve son nom de femme inscrit sur l’arrière de l’épreuve.

Immédiatement je retourne sur les tables décennales de Bordeaux et j’obtiens les renseignements que je cherchais.

Tante Gabrielle est Gabrielle Poujoula née à Villeneuve sur Lot en 1872, c’est la sœur de Jeanne Poujoula la mère de notre petite Gabrielle Marqueyssat.

Elle est modiste et son mari Pierre Sans est employé de banque, le mariage a eu lieu le 04/10/1894.

Tante Gaby est donc la tante de Gabrielle, Irène et Marcel Marqueyssat.

Tante Gaby

 

Si Jeanne et son mari sont partis sur Cognac la tante Gaby est restée à la même adresse toute sa vie.

Les recensement jusqu’en 1936 nous apprennent qu’elle vivait au 77 de la rue Mondemart.

Le couple eut deux enfants, Gaby resta modiste et lui finira courtier. Ils sont tous les deux morts après leur fils René en 1936. Mais je n’ai encore pas terminé de lire le registre du cimetière où se trouve le caveau familial de la famille Sans.

Voila une petite histoire tirée d’un de mes achats en brocante. Si quelqu’un connaît cette famille qu’il me contacte car je possède d’autres photos que j’investigue et qui non pas encore livrées tous leurs secrets mais qui sont liées avec la famille de ma Gaby.

Notamment trois ou quatre photos de Daniel de Saint Aulaire et de Louis de Saint Aulaire. Je n’ai pu encore les identifier, mais ce Louis était le parrain d’Irène Marqueyssat.

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