UNE ÉPIDÉMIE DANS LE VILLAGE DU GUÉ D’ALLERÉ, A LA FIN DU GRAND SIÈCLE, ÉPISODE 2

 

D’Aubons s’en va mais il sait qu’il va revenir, car d’un œil, il a vu les autres enfants du couple.

Il a l’habitude d’enterrer les enfants mais à chaque fois il a quand même un petit pincement au cœur.

Le lendemain comme prévu il arrive chez les Juteau mais ce qu’il redoutait, était arrivé, la petite Catherine une espiègle gamine de dix ans avait choisi le silence de la nuit pour fausser compagnie à la vie. Cette fois le curé en était sûr, arrivait une nouvelle épidémie, une nouvelle vague de mort de tristesse et de dévastation. Simon et Catherine étaient entourés des leurs, ils avaient déposé Catherine et Jean sur la même paillasse. Le curé fit une prière on mit les deux enfants dans un linceul de lin blanc et on les porta en terre.

Toute la population du Gué d’Alleré les accompagne sauf les gens du château qui par peur de contagion se terrent dans leur demeure. Aucune compassion, aucune pitié, du moment que Simon paye ses impôts. Les Poirel se moquent bien de leurs serfs.

Trois jours plus tard la mort s’arrête chez d’autres malheureux, Louis Turgnier laboureur à bras voit son fils Elie disparaître, cette fois c’en est sûr le mal circule. Le petit qui vient de mourir était en pleine santé enfin comme peu l’être un enfant famélique. Il a sept ans et comme la fille des Juteau on aurait pu croire que sa destinée oscillait vers les vivants.

Le temps de s’améliore pas, le ruisseau de l’abbaye est chargé d’eau, le gué du ruisseau va bientôt être impraticable. Des paroissiens viennent à la cure mendier, déjà, l’hiver n’est point arrivé.

Le mercredi 13 octobre 1700 c’est le tailleur d’habit Mathurin Guenon qui vient quérir le prêtre, c’est la petite Anne âgée de huit ans qui vient de succomber. D’Aubons suit le père la tête basse il est las de tant de petits morts.

La petite est portée en terre le jour même à quoi bon traîner.

Pour l’instant la mort ne rode que sur le Gué d’Alleré, les hameaux sont épargnés, La Moussaudrie, Mille écus, Rioux.

Mais le lendemain il faut se résigner Mille écus et ses mauvaises maisons laissent passer la maladie.

Marie Anne Chabourny un bébé de quatre mois vient de mourir des mêmes symptômes. C’est peut être moins grave ce n’est qu’un bébé encore aux langes mais Françoise Guenon la mère hurle de douleur, elle est inconsolable Pierre devra immédiatement se remettre à l’ouvrage pour pallier à ce manque.

Au cimetière de Mille écus d’Aubons aperçoit un petit monticule de terre, c’est là que repose Laurent Merle le petit de Jean et de Suzanne Rozeau, peut être que ce décès à déjà un rapport avec la flambée de disparitions.

Mais le malheur continue de s’abattre sur le village, le 15 octobre  c’est Marguerite Rouault, trois ans, que le curé porte en terre, cette fois le seigneur Louis Poirel s’émeut. Mais sans se préoccuper de ses paysans il monte en carrosse et s’en va rejoindre La Rochelle pour fuir cette possible tragédie.

Le même jour, la mort retourne chez Mathurin, après sa fille c’est son fils Pierre qui succombe. Les parents n’ont plus de larmes.

La population devient inquiète, s’énerve, le châtelain est parti. Ce peuple dur et fier se sent démuni .

Le seize octobre arrive à la cure, Pierre Margat, encore,  non pas cette fois, cela sera un baptême, une petite fille prénommée Jeanne comme sa marraine Jeanne Berthonière .

Mais la ronde macabre se poursuit, voilà qu’apparaît de nouveau Simon Juteau, il vient presque en voisin, sa mansarde se trouve sur le chemin qui mène à l’abbaye, cette fois c’est sa petite Magdeleine âgée d’un an et demi. Je leur conseille de fuir, d’aller se réfugier ailleurs, mais pauvres parmi les pauvres ils n’ont personne chez qui aller.

Le village est triste et lugubre, il tombe des cataractes d’eau, le ruisseau gronde , les prairies sont inondées, le chemin principal n’est qu’un vaste bourbier, quand à la place du château elle n’est que flaque.

Comme une immense faux qui fauche d’un coté et de l’autre le curé doit retourner à Mille Écus, héla c’est encore chez Pierre Chabourny, là aussi deuxième mort en une semaine, Jean un an et demi.

Heureusement la terre n’est pas gelée, les fossoyeurs non pas de difficulté à creuser. Au château de Mille Écus, Françoise Émilie Gobert fait appeler d’Aubons, doit-elle s’inquiéter pour sa vie, doit-elle fuir car elle vient d’apprendre que la famille du seigneur du Gué est partie sur la Rochelle. Le curé avec tout le respect qu’il doit à la châtelaine, ne sait pas trop quoi lui dire, pour l’instant aucun adulte n’est mort. Il doit sans doute s’agir d’une poussée de maladie infantile.

Rien ne s’arrête, le mois d’octobre 1700 est pour le curé le pire de sa vie.

Le dix neuf retour chez Louis Turnier la petite Marie, cinq ans gît sur son humide grabat. Il ne peut qu’apporter un secours spirituel, la médecine des hommes est impuissante à juguler les fléaux de la mort des enfants. De toutes manières il n’y a pas de médecin ni de chirurgien dans la région et de toute façon, une saignée ou un lavement n’ont jamais guéri un enfant.

Le vingt et un octobre Jacques Fournat, dix ans, puis Barthélémy Guilbaut, cinq ans. Le Gué d’Alleré, Mille écus, bizarrement aucun mort à Rioux, la contagion s’arrête t’ elle au bord du ruisseau ?

Jusqu’ à présent la mort avait frappé chez les miséreux, la voilà qui maintenant s’attaque à l’aisance, Magdeleine huit ans fille de Pierre Margat et de Jeanne Berthouet le grenotier s’écroule elle aussi en pleine enfance.

La méchante, comme semblant avoir oublié quelqu’un s’en retourne chez les Juteau et leur vole le petit Jacques Moulin un an et demi qui est en nourrisse chez eux.

Puis enfin sans que l’on sache pourquoi l’épidémie semble s’essouffler, moins de morts, c’est certain mais quand même, ultime poussée, elle frappe encore chez notre grenotier Pierre Margat et leur dérobe le petit Jacques dix ans et fierté de la maison.

A la fin de novembre décède Pierre Barreau, il a les mêmes signes que chez les enfants, à quarante cinq ans il abandonne sa femme Jeanne Boucherie. Il est vrai que beau frère de Magdeleine Boucherie? il a assisté les Juteau dans toutes leurs épreuves, s’exposant énormément.

Le froid revient sur la contrée chassant peut-être les mauvaises miasmes. Le curé d’Aubons n’a plus à déplorer de mort jusqu’en avril de l’année suivante.

BILAN ANNÉE 1699

10 naissances

13 décès

BILAN ANNÉE 1700

11 naissances

23 décès dont 15 pour le mois d’octobre

BILAN ANNÉE 1701

11 naissances

8 décès

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