Ce qui est bien lorsque vous vous rendez à un mariage qui n’est pas le votre c’est que vous n’avez pas la responsabilité de l’organisation , ni les gros frais qui vont avec. Vous y allez avec un réel plaisir, détendus et prêts à faire bombance.
Ce fut comme cela que Stanislas prit l’invitation. » Nom de dieu cela fait longtemps que je n’ai pas dansé. »
Le mariage avait lieu le mardi à 10 heures du matin à la salle de la maison commune. Mon père pourtant invité déclina en prétextant un achat à Talmont. On se regarda qu’avait-il à acheter là bas.
Mon frère et le valet étaient aussi invités. Moi ma préoccupation était ma robe, j’avais légèrement grossi et j’avais l’impression que cette dernière allait craquer. J’aurais l’air bête si les coutures venaient à céder pendant que je dansais la ronde. Stanislas lui me voyait bien me ridiculiser , pour rire un peu. Par contre lui il ne fallait pas qu’un bouton lui manque au gilet et au pantalon, je suis point bégueule mais j’ai quand même ma fierté, il racontait bien n’importe quoi cette espèce d’andouille.
J’étais en pleine couture quand le petit valet vint frapper à la porte, il resta penaud devant nous, peut-être ne s’attendait-il pas à trouver Stanislas. Il se balança d’un pied sur l’autre en triturant son chapeau qu’il avait ôté comme chaque fois qu’il rentrait chez ses maîtres. Ben voilà j’ai point de sabots pour la noce et je peux quand même pas y aller les pieds à l’air. Normalement c’était le maître qui assurait l’entretien de son valet, mais mon père jugeait qu’il dépensait trop pour eux. Alors Aimé n’avait pas voulu s’attirer les foudres. Nous personnellement nous n’avions absolument rien mais Stanislas bonne pâte possédait des souliers et il se décida à prêter ses sabots au domestique. C’était assez cocasse de penser qu’après avoir partagé la même femme ils partageaient les mêmes sabots. Mais bon je gardais cela pour moi.
Le jour dit on se rassembla à la mairie d’Avrillé. Les mariés, de petits gens n’eurent pas droit à l’honneur d’être mariés par le maire. C’est l’adjoint monsieur Gouin qui officia. Cela ne changeait rien ils étaient de la même engeance, propriétaires et maîtres de tout et de tous.
Marie Jeanne la mariée était sublime, couturière elle s’était confectionnée une robe de princesse, son tablier rouge brodé était un régal pour les yeux de tous. Évidemment les hommes ne regardaient pas ses habits mais ses belles rondeurs. L’on eut dit une belle brioche gonflée à souhait. Sa poitrine que sa robe mettait en valeur était comme une offrande. Sa taille joliment tournée lui faisait un maintien de reine. Ses fesses sculptées, musclées attiraient l’attention des hommes. Stanislas, je l’entendis, murmura à Antoine » on doit être bien dedans » . Je lui mis une bourrade dans les côtes et il rigola de plus belle.
De plus, de haute taille elle dépassait d’une demie tête son futur. Le Tessier il faut bien le dire faisait un peu pale figure. Son costume était ce qu’il avait de plus traditionnel, mais sa façon de le porter le rendait gauche. Son visage à lui était du plus banal, on ne se retournait pas sur lui et ses insignifiants traits faisaient qu’on ne le remarquait pas. Il en allait différemment de l’épousée, sa beauté planait au dessus de tous, une statue d’église, un tableau des maîtres de la renaissance.
Antoine mon coureur de frère apprécia à sa juste valeur, il a intérêt à l’enfermer ou à bien la surveiller, car les cornes vont lui pousser. Une si belle femme dans le lit d’un journalier c’est un gâchis.
Je vous ai dit mon plaisir à venir à ce mariage et ce, pour deux raisons, je vais bien m’amuser mais je vais pouvoir aussi observer les gens qui m’entourent. J’adore cela, je peux comparer, me moquer, admirer. C’est un spectacle absolument gratuit.
Je vous ai parlé des mariés, mais voilà la mère du mariée, Marie Jeanne Favreau, c’est une journalière, elle demeure au village. Elle n’a qu’une soixantaine d’années mais paraît son siècle, elle trotte plus qu’elle ne marche, pourvu que je ne devienne pas comme elle.
Du coté de la mariée il n’y a plus personne, père et mère décédés, mais comme elle est majeur elle n’a pas de consentement à obtenir, juste le sien cela peut simplifier et supprime les désaccords.
Maintenant passe le témoin Pierre Touvron, on le connaît bien il est métayer à la Guignardière, c’est un copain de ripaille de mon père et comme ils ont le même propriétaire ils se côtoient forcement.
C’est un rude bonhomme bien campé sur des jambes arquées, travailleur infatigable et buveur effréné
Le second témoin s’appelle Denis Rivalin c’est le frère du marié, il ne porte pas le même nom car ils n’ont que leur mère en commun. Il est journalier, je le connais un peu moins . Brave homme aux dires de tous, une tête un peu drôle, un gros nez, des yeux un peu bridés assez bizarres et une bouche en cul de poule. Se redressant comme un coq tant il était fier de participer à un acte officiel. La mariée ayant peu de famille prit un cousin éloigné pour son témoin. Personne ne le connaissait vraiment, un fermier de Moutier les Maufaix, paraissant assez imbu de sa personne et regardant les gens présents en se demandant pourquoi il venait se commettre en une telle compagnie. Pour terminer Pierre Aimé Ydaix lui aussi journalier sur la commune. La rumeur lui prêtait le fait qu’il aurait convoiter Marie Jeanne, probablement des idioties. Je le voyais mal assorti avec une telle jeunette, elle jeune, lui vieux, elle belle lui moche, elle célibataire et lui marié. Ils étaient amis et cela ne nous regardait pas de savoir comment.
Le père Gouin fit son discours, fidélité, mutuelle assistance, consentements. Les deux dirent oui et s’en était fait de leur vie. Une chaîne en fer n’était pas plus solide que les liens qui venaient d’être noués. Quand vous avez un mari il faut le garder, pour le meilleur et souvent pour le pire.
On sortit de la mairie, et l’on reforma le cortège. Un violoneux nous entraîna joyeusement, n’étant pas de la famille proche l’on se mit en fin de cortège. On dut faire grimper quelques vieux sur une charrette, c’en était pitoyable, mon dieu ce que c’est de vieillir.