UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 43, la noce.

 

Il faut bien dire que nous avions grand faim, médire sur son monde ouvre l’appétit. Les mariés malgré leurs faibles moyens avaient fait les choses bien, une grande table de bois avec une jolie nappe, des assiettes qu’ils s’étaient fait prêter. Nous commençâmes par de magnifiques pâtés. Nous n’étions guère habitués à telle opulence, les terrines furent promptement avalées, on aurait dit un vol de mouettes un jour de semailles. Le vin coulait dans nos gosiers avec la rapidité d’un fleuve en cru. Je m’aperçus quand il alla pisser que le Stanislas,  il ne marchait guère plus droit. Nous avions à peine commencé la noce que ce bougre de cochon était déjà à moitié saoul. Les danses commencèrent, et je fus entraînée dans cette farandole. Mon mari tanguait comme un navire en haute mer ce qui je dois le dire le rendait très drôle. Moi je me grisais de cet amusement et lui avec l’effort se dégrisait de son enivrement. Du coin de l’œil je vis le petit valet qui chantait louange à une grande brindille de son age. Que pouvait-il lui trouver, pas de taille, pas de sein.

On regagna nos places, pour les volailles, il n’y avait pas à dire les choses étaient bien faites. Tout le monde s’amusait, les chants arrivèrent et l’on fit un tour de table de chansons paillardes. Mon Stanislas en entonna une bien grasse, j’étais morte de honte , mais lui en grand benêt rigolait à s’en fêler une côte.

Tout l’après midi on ripailla et l’on dansa, les hommes étaient maintenant fin saouls et mon mari ne faisait pas exception. Antoine mon frère avait disparu depuis un moment, mais Aimé me renseigna à ce sujet. Le coureur avait flairé une bonne affaire et une pauvre malheureuse peut-être enivrée allait lever son jupon.

Aimé continuait sa cour auprès de la jeunette, peut-être que je ne lui suffisais pas. Stanislas en se relevant venait de dégringoler, cela fit rire l’assemblée mais moi j’eus honte. Il m’empoigna sur la piste de danse , je ne voulais pas, il se donnait en spectacle et on riait de lui. Certes il n’était pas seul à être dans cet état, je pense que le marié s’était aussi fait surprendre par le traitre vin blanc. A moins qu’il ne récupére, il n’allait pas lui faire grand mal à la Marie Jeanne.

Mais le tournoiement de la ronde fit rendre ses dernières armes à mon mari, il héla Aimé pour qu’il prenne sa place et me fasse danser. Prendre sa place il en était bien question effectivement. Le pauvre arriva la mine contrite. Visiblement la danse n’était pas son fort et comme lors de notre première fois je dus prendre les choses en main. Après quelques pas il n’eut plus qu’yeux que pour moi. Fini la gamine, il se sentait en confiance dans les bras d’une vraie femme. Moi aussi maintenant je lui appartenais. Il fallait faire pourtant bonne contenance nous étions au milieu de la foule. Au milieu mais pourtant seuls, je le déshabillais des yeux, la tête me tournait, je faillis tomber mais il me retint . Je sentis son corps adolescent se raidir au contact de ma lascive poitrine. On reprit notre place Stanislas n’avait rien vu car en pleine discussion sur les vendanges qui venaient de se terminer.

Heureusement notre attention fut détournée par l’arrivée de la brioche. Quel ravissement que de voir le marié portant à bout de bras cette gigantesque brioche, pesant bien ses vingt kilos, il la fit tourner habillement au son du violon. Puis chaque homme la fit tourner également, je redoutais ce moment, mon idiot serait -il capable de tenir ce gâteau à bout de bras en tournoyant. Miracle ou habitude de l’ébriété il tint ferme et montra ses talents de danseur. Aimé et cela l’arrangeait ne fut pas considéré comme un homme, il ne fut pas convier. Cela me fit sourire car je pouvais le dire c’était bien un homme. Ensuite on plaça la mariée au centre de la brioche et quatre hommes la soulevèrent pour également la faire tournoyer.

Nous étions tous heureux, chacun oubliait ses peines et ses tracas, heureux moments de liesse qui faisaient pendant à la dureté de nos vies.

Chacun eut son morceau et toujours avec ce vin blanc du cru nous nous délectâmes. Moi même je dois dire j’étais un peu grise, sans boire autant que mon mari je m’étais surprise à boire ce breuvage que pourtant je n’aimais guère. Il circula un alcool de fruits beaucoup plus fort, le bouilleur de cru en était assurément fier, mais bon dieu que c’était fort. On dansa fort tard, je n’avais plus de force et mes jambes se refusaient maintenant à toutes poursuites. Stanislas dormait sur sa chaise, en face Aimé me fixait et semblait me quémander la faveur de mon corps. C’eut-été une folie que je faillis commettre tant ses yeux m’appelaient. En effet subitement je  l’invitais du regard à me suivre.

Je pris la  direction du bois Fourgon. Mais avant qu’il ne me rattrape et que nous fussions réunis, mon frère Antoine était sur mon chemin. Il revenait de je ne sais où, ayant le sourire d’une bonne fortune. Il me demanda où j’allais et je prétextais une envie pressente. Il me dit va, je t’attends, c’en était fini de ma dangereuse escapade. Lorsque je revins à table, Aimé était à sa place et mon mari réveillé. L’on rentra tous ensemble, mon père avait couché ma petite sœur et le bébé dormait.

Le lendemain mon père nous secoua pour aller au labeur. Stanislas avait une triste allure, moi bien qu’un peu fatiguée je pus me remettre sur pieds bien plus vite.

Après une si belle noce il nous faudrait rendre l’invitation aux mariés et les faire venir à notre table.

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