UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 38, la recherche du fugitif

 

Mon père continua de chercher son fils, je ne sais ce qu’il en aurait fait mais il ne le trouva pas.

C’était bientôt les vendanges et malgré tout, il était préoccupé par le fait d’avoir un travailleur en moins dans ses rangs de vignes. Il serait difficile de trouver un remplaçant à mon frère car à-peu-près toutes les métairies avaient quelques arpents à vendanger.

N’allez tout de même pas croire que notre vignoble était grand, rien à voir avec celui de l’Aunis qui se trouvait un peu plus au sud, ni celui plus lointain du Bordelais. Moi ces vins je n’en avais jamais bu et à ma connaissance Stanislas non plus. Non nous, nous buvions notre piquette locale peu alcoolisée et souvent coupée d’eau.

L’affaire avec mon frère passait au dessus de toutes les préoccupations. Mon père, mon frère ainé et Stanislas étaient inaccessibles à mes sentiments.

Moi mes problèmes étaient toujours les mêmes, insolubles, impénétrables à toutes logiques. Je n’étais au fond qu’une petite métayère, mariée à un homme plein de défauts mais que j’aimais. J’étais mère de famille et responsable d’un foyer avec quatre hommes et un valet. Je faisais ce qui il y avait à faire et de plus je me définissais comme une bonne chrétienne, je ne manquais aucune messe, je faisais mes Pâques et me confessais souvent.

Tout cela était mon bon coté qui formait un contraste évident avec mon coté obscure. J’étais adultère avec un gamin de dix sept ans et j’étais absolument folle de son corps. Une obsession totale, dévorante, j’aurais fait des lieux pour me donner à lui. Ce n’était plus possible, il fallait que j’arrête cette folie.

C’était peut-être le moment, il gisait depuis quelques jours au fond de sa paille. Ne pouvant se lever à cause des douleurs. Mon père n’avait pas donné de verdict quand à son avenir chez nous, l’affaire était délicate. Aimé avait une famille qui n’apprécierait pas la correction qu’il avait reçu pour rien.

Se faire chasser d’une place n’était pas rien et de plus travailleur solide et ponctuel il avait une solide réputation. La rumeur lierait son renvoi avec l’affaire d’Augustin et cela n’était pas bon pour nous.

D’ailleurs, lui, voudrait-il rester avec les deux brutes, lui demanderait-on son avis?

Je fus chargée tacitement de m’occuper de lui, vous parlez d’un supplice de tantale. Le corps que vous désirez est là à votre merci.

Les premiers jours je l’ai fait manger, du pain avec du lait et un peu de farine, une bouillie pour enfants en somme. Je l’aidais à se lever pour satisfaire à ses besoins, mais un jour étant retenue plus longtemps que prévu je ne suis pas venue en temps et en une  heure et le pauvre c’était un peu souillé.

Alors que je le lavais, mes démons revenaient toquer à l’huis de mes envies. Cet attrait démoniaque ne me lâchait pas. Je souhaitais qu’il parte et c’était sans doute la meilleure solution mais je souhaitais aussi qu’il reste et c’était la pire des solutions.

Cela étant posé il me restait mon autre problème, elle ne venait toujours pas, rien désespérément rien. Je gardais cela pour moi, trop tôt pour se prononcer sur quoi que ce fut.

Morosité sur la Gaborinière et afflux de nouvelles diverses, tout le village savait maintenant que mon frère était un fils de Sodome de la pire engeance. Tous savaient que mon père le cherchait et tous croyaient plus ou moins savoir où il se cachait . Pour un peu ces idiots d’un autre age auraient organisé une battue. Incroyablement sûrs de détenir le bon, ils étaient prêts à ressusciter les colonnes de Tureau pour battre la campagne. Mettre le feu à la récolte, brûler les granges, couper la forêt pour débusquer le coupable et se sentir le justicier. C’était en l’occurrence comme exorciser ses propres démons. Nous étions tous un peu coupables de quelque chose, en actes et en pensées, alors il était pratique de tuer les déviances des autres pour ne pas voir les siennes propres.

Mais heureusement le petit frère restait introuvable à la furie des hommes. Pour combien de temps là était le mystère. Je n’avais qu’une hâte c’est que tous fussent occupés aux vendanges. Mais en attendant je me devais discrètement d’aller le trouver pour voir si il avait besoin de quelque chose et aussi pour lui dire que je l’aimais.

Un matin le père Murail vint chez nous, il avait sa tête des mauvais jours et l’on eut dit qu’il surjouait un rôle tant sa moue était dédaigneuse en passant notre porte.

En quelques mots embarrassés il déclara à mon père que la mauvaise réputation qui entachait la famille Herbert m’était en péril le fait qu’il donne la main de sa fille à son fils.

Mon père faillit s’étrangler et manqua de mettre dehors l’incongru. Sa fille était une putain qui s’était donnée avant le mariage et il venait nous en remontrer, et bien soit, elle garderait son bâtard et resterait vieille fille. Les mots furent âpres et violents mais finalement les négociations ne furent pas rompues, le Murail voulait faire monter les enchères et retourner la position incommode de sa fille.

 

.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s