J’avais nous ne l’avions vu verser une larme. Il n’avait pas pleuré pour la mort de maman et pas la moindre expression de chagrin ne l’avait surpris lors du décès de sa seconde épouse. Ma sœur regardait ce papa qu’elle vénérait avec un drôle d’air puis elle pleura à son tour. Voyant cela il l’invita à monter sur ses genoux et retrouva pour calmer la petite un semblant de sérénité.
Son fils qu’il chérissait avait fait acte de manquement à son égard, jamais il ne pardonnerait, plutôt le tuer si il lui remettait la main dessus.
Pendant quelques jours il fut tenté de prévenir les gendarmes pour qu’on lance à ses trousses la maréchaussée. Il était mineur et n’avait aucun droit de disposer de lui même. En tant que père il pouvait le faire emprisonner où hospitaliser chez les fous. Finalement il n’en fit rien ou plutôt si, il fit pire. Il le raya tout bonnement de sa mémoire. Il n’avait plus qu’un fils. Balayé, nettoyé de sa mémoire , il l’ensevelit sous des monceaux d’opprobre.
Il n’était plus un fils, il n’était plus un homme digne de la terre qui le portait et le nourrissait, il n’était qu’un sale dépravé, qu’un inverti, qu’un malade nourrit en son sein.
Mon père et Stanislas fuirent le village mais moi je me devais bien d’aller à la messe.
Je dois dire que c’est en tremblant que je m’y rendis , j’allais recevoir de plein fouet la haine villageoise pour tout manquement à l’ordre normal des choses. Certes je n’y pouvais rien, mais je représentais la famille. Pour un peu c’était moi qui aimait les personnes de mon sexe. On m’insulta, on cracha par terre et on se signa. Mais ce qui me fit le plus mal fut le comportement de mes amies qui ostensiblement sur le banc d’église s’écartèrent de moi. A la sortie de l’office je ne traînais point sur la place et je rentrais en courant. A la maison personne, les hommes n’étaient pas là, je me rabattis dans la grange où le valet au repos rêvassait. Il fut mon soutient, fondant en larme je répandis mon désespoir sur ses épaules d’enfant. Il but mes larmes comme un jeune amoureux, me caressa les cheveux et m’apaisa par quelques paroles dignes d’un sage dont les cheveux auraient blanchi par l’étude.
Je me devais de me reprendre, ma famille n’aurait pas toléré de me voir ainsi dans les bras d’un domestique étranger à la fratrie, m’épanchant et révélant nos tristes secrets de famille.
Le meilleur moyen était encore de faire semblant
Mon père et mon mari étaient en chasse et dès le dimanche comme les messieurs du château ,ils partirent pister le gibier. Aucune trace de mon frère, l’inconnu qui avait dénoncé Augustin n’était apparemment qu’un membre supplicié de la famille du partenaire de mon frère. Lui voulait les tuer, les faire pendre et les exposer à l’ancien supplice du carcan. Je ne connaissais pas les intentions de mon père et le ramener ne ferait sans doute qu’empirer les choses. Mais bon leur mal fierté ne s’accommodait que d’une vengeance. En mauvais chasseurs ils revinrent bredouilles. Après quelques verres pour épancher leur soif et leur haine ils se persuadèrent qu’Aimé savait où il se trouvait. Ils le sortirent de la grange pour le faire avouer. La scène était dramatique, il leur faisait front sans peur ni crainte. Je n’arrivais pas à savoir si il savait mais mes hommes eux ne le crurent pas et après les invectives vinrent les coups. A chaque fois plus pesants, ils s’acharnèrent, Aimé tomba à terre se lova comme un bébé et attendit la fin qu’il prévoyait prochaine. Le drame était proche et je me mis entre eux et leur martyr. Se dégrisant ils comprirent et m’aidèrent à l’emmener dans la grange. Si l’enfant portait plainte c’en était fait d’eux et de leur avenir. Mon père m’ordonna de le soigner.
Il râlait comme un enfant, son visage était tuméfié, bleu, presque noir. Un filet de sang coulait de sa bouche et je crois même qu’une des dents qu’il avait de si belles, était cassée. Un de ses yeux était presque clos. J’avais mal pour lui, j’avais de la peine pour mon père qui pourtant n’était jamais violent. Avec un torchon humidifié je nettoyais tendrement le sang qui maintenant formait comme une croute. Calé dans sa paillasse il ne pouvait bouger, mais je me devais encore d’examiner son torse et son ventre. Le soulevant avec précaution je lui enlevais sa chemise. Son torse de jeune homme était aussi tuméfié que son visage. J’avais maintenant aussi mal que lui. Je le sentais en ma possession et une envie de lui prit possession de mon corps. Je pense qu’il le comprit, il me sourit et me murmura, je sais où se trouve Augustin.