UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 35, le cousinage

 

Laissons un peu tous mes soucis pour parler de la marotte de mon père. Celui ci aller savoir pourquoi était fier de son patronyme comme si il se fut appelé Capet, Bourbon, Bonaparte ou Orléans. Sans savoir réellement, pour lui tous les Herbert des environs étaient ses cousins. Cela aurait pu être vrai si il n’avait pas été si nombreux. Le ridicule ne tuant pas il avait pris l’habitude de leurs dire’ bonjour cousins.’ Certains avaient fini par croire à une parenté lointaine d’autres n’appréciaient guère ce cousinage avec finalement des gens d’assez peu.

Comme je vous dis il y en avait un peu partout dans le village, celui qui le prenait le mieux s’appelait Pierre Herbert, c’était l’un des aubergistes du village.Il lui répondait lui aussi avec un franc  » un bonjour cousin » . Par contre Marie Anne son épouse visiblement n’appréciait guère ce cousinage par alliance. Mon père qui savait que cela l’irritait, insistait lourdement.

Puis il y avait Auguste son frère, lui ne répondait carrément pas, il faut dire qu’il était meunier et devait sans doute se croire un peu supérieur. Supérieur je ne pensais pas mais plus riche certainement car il était propriétaire du moulin Boisseau ce qui n’était pas rien. Mais là aussi son épouse semblait par mariage épouser la superbe du mari et la Viaud comme je l’appelais me tournait le dos dès qu’elle me voyait. Il faut dire que nous n’apportions pas notre blé à moudre chez eux, ceci expliquant peut-être cela.

Ce n’était pas tout il y avait aussi Jean qui tenait la métairie de la Mancelière, ses terres étaient plus étendues que les nôtres. Ce diable de bonhomme en était à son troisième mariage, lui vieillissait mais ses femmes rajeunissaient, peut-être que cela avait un rapport avec l’extension de ses métairies. Un bonjour cousin ne l’engageait à rien alors il répondait de même, cela s’arrêtait là.

Jean avait un frère qui était bordier à la Marsaudière, il se prénommait Pierre. Lui il était plutôt sympathique sa femme aussi. Avec un grand sourire il répondait au salut de mon père. Ils n’étaient pas cousins mais leurs rapports auraient pu faire croire le contraire. D’ailleurs ils buvaient des coups ensemble et mon frère Augustin fréquentait l’un de leur fils.

Pierre était aussi plus pauvre que nous, une borderie est plus petite qu’une métairie et peut se tenir avec moins de monde. Est-ce communauté de pauvreté, qu’il nous rendait joyeusement son salut ?

Bon maintenant si mon père appelait ce petit monde cousin il pouvait quand même saluer quelqu’un qui était de son sang. En effet il y avait ma tante Modeste, elle ne l’était sûrement pas mais elle était l’authentique sœur aînée de mon père. Hormis le fait d’avoir le même sang qui coulait dans leurs veines il n’avait pas grand chose en commun. Elle était plus âgée que lui et mariée à Joseph Durand le métayer de la Grignognière. Nous allions rarement là bas , c’était tant mieux car mon oncle me faisait peur avec sa grosse voix de stentor et son physique de débardeur. Je me rappelle quand même des noces de leur fille Marie Jeanne avec Joseph Caillaud , j’étais jeune fille et j’avais eu mes premiers émois de femme en dansant avec mon cousin René.

Il faut qu’en même que je vous raconte cela c’était l’année d’avant mon mariage avec Stanislas. Nous avions dansé, bu et encore dansé. Les noces chez nous sont toujours occasions de rencontre et bon nombres de jeunes y trouvent leurs futurs. Moi je ne cherchais rien car le Stanislas me faisait déjà la cour, mais il n’empêche que le René tenta une approche, disons assez franche des relations entre cousins. Ma taille ne lui suffisait, alors bêtement je lui offrais un baiser. Le baiser ne lui suffisant plus il me prodigua quelques caresses. Je commis la sottise de les accepter et échauffé il en voulut plus. Dire que je n’avais pas envie de lui en réfléchissant avec le recul serait mentir. Le bougre de coquin me souleva le cotillon, j’ai senti le vent frais sur mes fesses nues, cela m’a dégrisée. Je l’ai repoussé et je me suis rajustée, ensuite, bien j’ai aidé au service et ce fut plus sage. Depuis le cousin René il me fait un peu grise mine et il n’est pas venu à mes noces en prétextant je ne sais quoi.

Leur famille se complétait par mes cousins François, Julien et Augustin, nous nous croisions souvent, à l’église, au champs et au lavoir, mais jamais nous ne faisions travail commun ni ne nous rendions le moindre service.

Pour clore le sujet des Herbert, il y avait aussi la Louise Goupilleau, une sale bonne femme qui bien heureusement n’avait rien de commun avec nous et la Rose Vrignon qui n’en avait pas plus mais qui avait le mérite au moins de m’être sympathique.

Donc beaucoup de Herbert mais peu de notre lignée. Le père lui s’en foutait, alors bonjour cousin et bonjour cousine et toujours avec un grand sourire

 

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