UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 33, monsieur le régisseur

Il y avait aussi le moulin de la Maquinière tenu par le père Mathé Louis un vieux grigou assisté de ses freluquets de fils Pierre et Jean.

Non, nous sur ordre de monsieur notre propriétaire nous devions aller au moulin à eau de la Guignardière, remarquez cela nous arrangeait il était aussi le moins loin. En cette saison le ruisseau de la Guignardière entraînait à peine la roue mais bon ce n’était pas notre problème mais plutôt de celui de Auguste Bertrand et de son beau père Joseph Morineau.

La Maquinière appartenait en propre à la famille Mathé et le moulin Boisseau appartenait à la famille Herbert et Guesdon mais les moulins à eau et à vent de la Guignardière appartenaient à monsieur Luce.

Auguste Bertand jeune homme qui faisait l’affaire car il avait marié la fille du Joseph attendait les bras croisés les clients, blanc de farine il ressemblait à un spectre. Il faut le dire son bonnet qu’on aurait dit de nuit ne le mettait guère en valeur.

Il aida Stanislas à descendre les sacs de grains, on repasserait le lendemain et la messe serait dite.

En moi même je me disais en parlant des gens du château, qui il faut le rappeler, possédaient la moitié du village, quelle belle vie ils doivent avoir. Ne pas avoir à cuisiner, ne pas s’occuper de sa maison, avoir une femme de chambre qui vous habille.  Ces messieurs et ces belles dames n’avaient pas non plus à s’occuper de leur merde. Leur divin pot de chambre était évidement vidé par leur domesticité.

Je préfère mon travail à celui de la domesticité d’un château.

A la Gaborinière chacun est occupé par ses tâches et personne ne semble se préoccuper des autres. C’est peut être bien ainsi, mais cela laisse l’impression que nous sommes des bêtes de somme uniquement préoccupées de travail , de sommeil et de mangeaille.

L’exception serait sûrement Aimé, le pauvre il me tourne autour et me fait pitié, il aimerait réitérer notre soirée. Moi mon corps aimerait aussi , mais j’avoue que j’ai un peu peur d’être surprise par quelqu’un. Comme un chat et une chatte en chaleur nous nous tournons autour, Aimé ne me renifle pas le derrière mais!!!

Stanislas cet après midi c’est fâché après lui, jugeant qu’il n’était pas à son travail. Pour sûr le pauvre enfant ne peut pas penser à tout.

On a apprit qu’Antoine avait fait une virée à Talmont pour voir sa belle, mais que le comité de réception n’avait pas été à la hauteur de ses espoirs.

Marie Rose enceinte jusqu’aux yeux ne veut plus être touchée avant qu’il ne la marie. Au train ou vont les choses il ne va pas se satisfaire tout de suite.

J’en rigole mais cet idiot pourrait bien aller chasser sur d’autres terres et vraiment compliquer les choses. Mon père veille au grain mais il ne peut être toujours derrière lui.

Monsieur Hiss l’administrateur des terres du château a convoquer tous ses métayers.

Mon père a tempêté en disant qu’il avait autre chose à faire mais bon quand les maîtres ont décidé, on s’exécute.

Le jour dit c’est la grande messe, il faut être petite souris pour voir ces humbles se prosterner presque à terre. Un seul mot du maître et votre vie peut en être changée, vous pouvez perdre votre métairie et la possibilité de travailler sur la commune voir sur celles des environs. Chez nous la révolution est passée par là comme dans le reste de la France, mais rien n’y est changé. Les terres n’appartiennent pas à ceux qui les cultive, les riches ont leur banc à l’église. Ils n’ont plus le droit de vie ou de mort sur nous, mais je dirais qu’ils ont encore le droit de vie. J’en viens à espérer que mes enfants sortiront de notre condition. Non pas que je n’aime pas la terre qui nous nourrit mais seulement j’aimerais qu’elle m’appartienne. Alors ils étaient là ceux de la Gaborinière, ceux de la Pierre, ceux de la Cornetièe, ceux de la Porte, ceux des grandes et petits Vélisières, ceux des Chagnollières, ceux de Beaulieu et ceux du bessay. Chapeau à la main, tête baissée et écoutant religieusement les dires du régisseur. Il y a du bon d’ailleurs car nos paysans les pieds dans le passé et la tête tournée du mauvais coté ne sont pas des précurseurs, de sont pas des innovateurs. Alors en savant de la terre monsieur Hiss donne ses ordres, instruit nos ignares. Tout y passe, rotations des cultures, fumures des terres, choix de nouvelles semences, jachères, prairies artificielles, variétés de légumes, races du cheptel. Mon père en est abasourdi de tant de connaissances, lui qui prend facilement les bourgeois aux mains blanches pour des imbéciles, là il est obligé d’en rabattre de sa superbe.

Messieurs Luce et Juchereau vivent de leurs terres et entendent qu’elles leur rapportent, donc les métayers suivent les consignes et c’est peut être tant mieux.

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