UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 33, l’assomption

 

Non moi la fête de la vierge cela me parlait, elle nous représentait en quelques sortes, elle avait donné la vie à Jésus et nous, nous donnions la vie à nos petits. C’était pareil, le culte de la mère de Dieu était un peu le culte de la femme, de la fécondité, de la terre.

Ce jour là précisément on fêtait sa montée au ciel, elle allait rejoindre son fils et notre père à tous. Son corps et son âme montait au ciel comme le fils à l’ascension, on appelait cela assomption. C’était la commémoration de la fin de sa vie terrestre.

Cela faisait encore une messe, j’y traînais le Stanislas mais je le vis bien sur son banc qu’il en profitait pour reluquer les femmes. D’ailleurs à la sortie  il s’échappa pour aller travailler, comme beaucoup d’hommes d’ailleurs. C’est bien gentil toutes ces fêtes mais si on a rien à manger….

Marie ou pas Marie les blés devaient donc être fauchés et bon nombre de métayers ne se présentèrent pas à l’église. Le curé fulmina mais le regard du châtelain qui savait bien où se trouvait les hommes lui fit changer la teneur de son sermon.

Mais bon une fête religieuse est une fête et une obligation. D’ailleurs le soir je suis retourné aux vêpres et le curé a organisé une procession autour de l’église. Rien de bien comparable avec celle de la fête de la saint Pierre, juste une petite balade, et quelques chants.

Les fidèles étaient les mêmes que le matin , essentiellement des femmes. Le châtelain n’y était pas mais notre maire monsieur Chabanon et sa femme Charlotte née Millet nous éclaboussaient de leur présence. Agissant comme des sangs bleus ils n’étaient somme toute que des enfants de la terre comme nous. Bien sûr monsieur Chabanon ne fauchait pas, et ne conduisait pas la charrue non plus.

Par contre il était propriétaire de belles terres ce que nous ne pouvions pas revendiquer.

Par dépit, nous disions que les terres qui n’appartenaient pas à monsieur Luce appartenaient à notre maire.

A les énumérer nous faisions le tour du village, les métairies de Beauchêne, de la Brissonière, de la Lévraudière, de la Mancelière, de la basse Maquinière, de Quineveau, de la Saminière et j’en oublie sûrement. C’était déjà beaucoup et d’aucun imaginait qu’il en possédait comme cela ailleurs en Vendée.

Donc le personnage était important, détenteur de l’autorité civile et principal employeur du bourg. Se mettre en disgrâce devant lui ou sa femme et c’en était fait de vous. Nous autres respectueux nous nous prosternions devant tant de grandeur. Stanislas lui, cela le rendait fou, cette distinction entre ceux qui portaient chaussures de cuir et ceux qui se chaussaient dans des sabots de bois.

A l’écouter quand il avait un verre dans le nez, il aurait fallu monter au château avec une fourche pour les mettre dehors. Le contraire en somme de nos ancêtres qui s’étaient portés au château pour qu’ils se mettent à leur tête.

Nous autres les bonnets blancs nous regardions avec envie les tenues de ces dames, celle de madame Chabanon toute en retenue était belle, mais celle plus exubérante de sa nièce Augustine nous laissait pantoises.

Un gars du bourg qui avait bourlingué nous disait qu’elle ressemblait aux belles du palais royal à Paris. Moi je m’imaginais des princesses mais Stanislas visiblement moins bébête que moi me détrompa en m’expliquant de quoi il en retournait.

Le couple habitait au logis de la Mancelière avec une petite domesticité, Marie Triau la servante et Jean Le bas le domestique.

Marie Voiret la petite servante du Charles Gouin bien renseignée, semble t-il, nous disait que la nièce du maire allait se marier avec un médecin de Talmont. Bon, si il arrivait qu’ils fassent leurs noces ici j’irais les voir passer cela ferait une belle distraction.

Mon Dieu ce qu’il faisait chaud ce jour de l’assomption, j’enviais les hommes qui pouvaient s’arrêter chez Herbert pour boire une lichée. Je dus ma contenter d’une goulée d’eau fraîche qu’à ce moment Désirée Morisset la femme du forgeron tirait du puits, qui se situait juste à coté de l’église. Dire qu’il y en a qui disait que cette eau était polluée par les morts du cimetière, moi je la trouvais bien bonne et certainement meilleure que celle de la Gaborinière ou notre fumier s’écoulait d’abondance. Je discutais avec Désirée de choses et d’autres, d’ailleurs elle me rappela que mon père était en dette chez eux, pardi tous payaient à l’année alors évidemment qu’on lui devait de l’argent, avait-elle le besoin de me le préciser.

Je n’avais guère envie de rentrer chez moi et je traînais un peu, mais bon il n’était pas convenable que je rentre après les hommes. D’ailleurs ma fille était seule et elle devait bien brailler.

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