UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 32, la petite robe.

 

Cela avait été décidé par les messieurs du château, mon père devait apporter la moitié du fruit de son premier battage.

Un métayer de la grande Vélisière, avait chargé ses sacs sur une charrette tirée par un cheval,en emmenant ceux de Caillaud il passerait ensuite prendre les nôtres.  Il allait également  faire ferrer sa bête chez Guillon Auguste au village et j en profitais aussi car je devais faire faire une robe à ma sœur.

Stanislas serait du voyage pour décharger les sacs de grains dans les remises du château.

On arriva là bas et surprise des surprises nous y vîmes la Céleste toujours aussi grasse, toujours aussi souillon mais de ventre rond elle n’avait point. Sa mauvaise graine était-elle tombée toute seule, comme un fruit gâté où l’avait-elle fait passer par quelques odieux moyens.

Je ne pouvais imaginer que madame Luce fut complice d’un avortement en la personne de sa fille de peine, elle était trop pratiquante. Bien qu’en réfléchissant je constatais que les riches avaient moins d’enfant  que nous autres les pauvres et qu’il y avait bien une explication. Je n’étais pas assez godiche pour m’imaginer que les hommes riches n’assouvissaient pas leurs instincts comme leurs jardiniers, leurs métayer ou leurs hommes d’affaires. Alors comment faisaient-ils ?

Bref la souillon avait ses jupons devant moi et je voyais bien à la tête d’enfarinée de mon mari qu’il était aussi surpris que moi.

Je l’interrogeais sur le sujet en introduisant le fait qu’on l’avait vue partir sur le chemin. Elle confirma qu’elle était bien partie mais qu’elle s’était rendue à Tours chez Monsieur Luce le père de notre maîtresse.

Ainsi des mauvais bruits avaient été colportés, je n’avais plus de raison de suspecter Stanislas mais là encore je devais me tromper lourdement .

Les granges du château étaient magnifiques, bien plus spacieuses qu’à la Gaborinière, mes frères et les valets auraient aimé y dormir.

Ce n’était pas tout, j’allais au bourg, Stanislas resta un moment à discuter avec Baptiste Rivière, le jardinier. Ils échangèrent des potins, des impressions et discutèrent de leur travail respectif. Stanislas était un peu jaloux de la condition de Baptiste, certes le jardinage dans un château était moins dur que les travaux dans une métairie. Je vis au loin que la femme du jardinier Hortense faisait des politesses à mon mari, décidément je voyais le mal partout.

Au village tous s’affairaient, enfin presque, car près de la gendarmerie se tenaient mesdames les femme de .

Il y avait la grande Marie Vergelin, une vieille jument aux traits durs et à la langue vipérine. Fière de son statut de femme du brigadier elle régnait sur les autres comme la reine Amélie sur les femmes des Tuileries. Peut être que sa merde sentait meilleur, allez savoir.

A ses pieds caquetait cette idiote d’Honorée, aussi bête que son âne de mari le François Desmarés, gendarme à pieds. Elle aussi , imbue de sa position avait la prétention de se croire différente de nous autres les cul-terreuses.

Il y avait aussi Olive Gaudillot une véritable saloperie qui jouait les gros bras au lavoir et à l’auberge quand elle venait dénicher son gendarme de mari qui lui peu bégueule acceptait de boire à la régalade avec nos hommes.

La moins méchante c’était la Rose Rozeau, peut-être venait-elle d’une métairie allez savoir. Aucune d’entre elles ne répondit à mon salut.

Foutues bonnes femmes, qu’elles restent entre elles et que leur mari nous foute la paix.

Ma couturière dans le sens premier du terme n’en était pas vraiment une, c’était la femme du tisserand Pierre Chauvière. Elle s’appelait Marie mais nous l’appelions la petite Marie car elle était fort fluette. Par contre ses talents à l’aiguille égalaient sa petite taille. Elle avait une petite clientèle mais n’en vivait pas car pour la majorité d’entre nous nous faisions nos travaux d’aiguille nous même, alors forcément cela ne se bousculait pas à son domicile.

Moi je n’étais pas des plus douées. J’avais récupéré dans une vieille robe que m’avait donné la cuisinière du château un bout d’étoffe qui me semblait-il permettrait de confectionner quelque chose de beau pour ma petite poupée. Mon père avait donné son accord et j’avais pu soustraire quelques sous à la vente du lait.

On discuta un moment, on but même un peu de vin arrosé d’eau et surtout on se mit d’accord pour le prix de la confection. Promis craché la petite pourrait apparaître à la messe de la sainte vierge avec sa petite robe neuve.

Je repassais devant les femmes de gendarmes toujours aussi affairées à ne rien faire. J’entendis un tiens voilà la cocue. Comme je n’allais me colleter avec les princesses au milieu du village je passais ma route. D’ailleurs je fus rejointe par Marie Jeanne Delhoumeau, cela faisait un moment que nous ne nous étions pas croisées et l’on causa un long moment au pied de l’église.

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