UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 26, La fontaine saint Gré

 

Pour être agité la maisonnée l’était, Marie Jeanne, Louise et moi nous nous étions données rendez vous à la maison. C’était une affaire de femmes qui ne concernait que nous. Nous étions bientôt le 29 juin c’est à dire le jour du pèlerinage de la fontaine saint Gré.

La nuit était presque tombée lorsque l’on se mit en route en direction de Fontaillé, en vérité une bonne marche. Nous étions gaies, joyeuses, comme des drôlesses allant à un premier rendez vous.

La chaleur commençait à descendre mais encore aucune fraîcheur véritable. Le ciel nous offrait un tapis d’étoiles et l’on voyait avec clarté l’étoile dite du berger. Prés du château de la Guignardière un groupe de  femmes se joignit à nous, dont la Céleste et la cuisinière. Mais fait plus surprenant était la présence de madame His, la femme de l’homme d’affaire de monsieur. J’appris qu’elle se nommait Désirée. Pourquoi cette presque bourgeoise marchait-elle avec nous comme s’encanaillant avec la plèbe?

On entra dans le bourg, il y avait déjà une grande presse de bonnets blancs. On se saluait, on s’appelait, chacun essayant de retrouver une connaissance. Maintenant éclairée par des chandelles, la foule se pressait à petit pas.

On laissa le village et l’on aperçut dans l’obscurité le moulin de la Guignardière, il y a avait là sur le chemin la Rose Boissard et la Marie Mathé les deux servantes du moulin.

Au niveau de la grande ferme de l’Erautière cela formait comme un troupeau de robes noires, Henriette la maîtresse de maison ouvrait la marche, flanquée par sa belle mère la vieille Jeanne. Les deux filles de la maison, Marie et Marie Aimée fermaient la marche. La Menanteau femme de peu, journalière au jupon troué se joignit à nous.

Une grande partie du village du moins les femmes, se trouvait là, mais nous n’étions pas les seules car des centaines d’étrangers au village, venaient effectuer ce pèlerinage.

Un peu comme à la saint Jean, le curé n’appréciait guère ce que nous allions faire mais le clergé avait après tous ces siècles de pèlerinage retourné la situation à son profit et en tirait ma foi une source de dons appréciables.

Nous l’appelions la fontaine du pied de la vierge, l’endroit était magique, enchanteur mais aussi un peu inquiétant. Moi je n’y mettais jamais les pieds en dehors du pèlerinage de la saint Pierre.

Il courait des bruits sur cette petite étendue d’eau et je craignais d’y rencontrer la dame blanche.

Stanislas disait en plaisantant, moi la dame tu sais ce que j’y ferais, oh oui que je le savais. Il ne ferait rien car c’était un véritable couard pour ces choses là, le surnaturel, les garnaches, les fées, et même les morts eh bien notre héros il en faisait dans ses chausses.

Vous vous doutez bien que nous ne connaissions personne au village qui avait croisé la dame blanche en étrain de laver son linge à la fontaine. Mais dans le doute nous nous abstenions de traîner par là. Pour sûr le lieu n’était pas désert car il y avait des habitations pas très loin qui s’appelaient justement les Maisonnettes.

Mais pour cette nuit du 29 juin nous ne risquions absolument rien tant nous étions nombreux. L’eau qui était miraculeuse pour les maladies respiratoires et pour les enfants qui avaient du mal à marcher ne l’était que ce jour là avant la levée du jour. C’était ainsi et pas autrement sans qu’on sache pourquoi. Le curé qui pourtant avait réponse à tout ne le savait pas non plus. Par contre, pour lui et certains savants notre fontaine avait pu être un ancien baptistère qui aurait servi au baptême des populations primitives d’Avrillé. Il rajoutait aussi que les menhirs qui entouraient la fontaine étaient encore bien plus anciens et dateraient du temps des païens. Sans que l’on sache très bien pourquoi la fontaine portait aussi un autre nom, la fontaine saint Gré. Même les plus érudits ne savaient d’où sortait ce saint, quoi qu’il en soit la fontaine saint Gré, la fontaine du pieds de Marie où la fontaine de Fontaillé cela attirait bien du monde.

A la lumière des flambeaux les rochers qui émergeaient de la surface de l’eau semblaient danser. Les gens se taisaient comme respectueux du lieu, certains entraient en prières d’autres tremblaient presque et s’inquiétaient de la silhouette des arbres qui faisait des visages effrayants. Le vent léger faisait frisonner ces grimaces inquiétantes. Quelques femmes plus craintives que d’autres crurent reconnaître la fameuse dame. Une autre plus pieuse se prosterna de tout son long en croyant voir notre sainte vierge. L’hystérie devenait vraiment collective et j’avais maintenant hâte de quérir cette eau. Ce n’était pas facile d’approcher d’autant que cette eau encore une bizarrerie devait être recueillie avec une cuillère. Nous finîmes par y parvenir sans tomber à l’eau. Demain nous irions à l’église pour faire bénir nos fioles aux pieds de la statue de notre sainte mère. Toute la nuit ce ne fut que défilé, demain après la messe aurait lieu la procession du curé puis cela serait la foire à la gagerie dans le village.

Chez moi tout le monde dormait, enfin peut-être car Stanislas n’était pas là. J’espérais qu’il soit ivre dans un fossé .

Une réflexion au sujet de « UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 26, La fontaine saint Gré »

  1. Tres beaux recits,qui rappellent la vie quoditienne de. vos (nos )ancêtres.
    Dans leurs labeurs et leurs souffrances
    Qui les rendent.humains dans leur vie qui semble banale .
    Un recit réaliste et bien ecrit.

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