UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 23, La laideur de la céleste.

Beaucoup de paysans vivaient de la vente du lait, cela nous dégageait quelques liquidités, oh pas grand chose, de toutes manières nous n’avions besoin de rien.

Ce n’est pas que je ne voulais pas mais l’idée d’aller au château pour amener le lait à notre seigneurie me rendait un peu furieuse. Je n’en avais pas après notre maître bien sûr car il était bon, mais il y avait de grandes chances pour que je rencontre celle qui m’avait volé  mon mari.

Je ne savais comment je réagirais, et surtout cela me tourmentait énormément.

Rien que de savoir que je devais faire ce déplacement j’en avais mal au ventre.

Le château se trouvait à l’entrée du village, il m’en imposait, enfin il nous en imposait à tous. D’abord le propriétaire possédait la moitié des terres environnantes et nous lui devions notre travail et nos maisons, ensuite la demeure nous stupéfiait par sa taille et sa munificence.

La bâtisse était  de style renaissance, renaissance de quoi mystère? Enfin bon elle avait trois étages, un nombre de fenêtres incalculable, surtout pour moi qui ne savais pas compter, mais gardons cela pour nous. Les ouvertures n’étaient pas comme dans nos métairies, grandes et hautes avec des meneaux.

Je restais aussi béate devant les cheminées, une vraie forêt. Le lierre qui recouvrait presque en entier la Guignardière lui donnait un petit air de maison abandonnée, c’était beau et chaque fois que j’approchais de ces murs mes jambes flageolaient un peu.

Le parc n’avait rien à envier à la construction, des grands arbres, une pièce d’eau où l’on pouvait mener sa barque et des communs où nous autres les gueux nous aurions pu vivre à cent. La Gaborinière était couverte de chaume comme beaucoup de toits par chez nous, par contre ici c’était de l’ardoise, cela reflétait à la lumière comme une étendue d’eau sous le soleil de midi.

Madame la femme de monsieur se nommait Clémentine, elle avait du goût et un amour pour les arbres qui venaient des contrées lointaines. Elle en avait disposé harmonieusement dans tout le parc, on ne voyait ces espèces qu’ici, cela était à la fois inquiétant et féerique.

Elle était la fille de monsieur notre propriétaire Victor Parfais Luce de Tremont qui était receveur des finances de Vendée et elle était mariée avec monsieur Juchereau Denis Amédé.

Lui on ne le voyait pas beaucoup ou alors de loin sur son cheval ou dans sa voiture attelée. Il allait certes à l’église, mais il s’entourait d’un tel manteau d’importance qu’il semblait n’être pas parmi nous. Il croyait sans doute être supérieur ,l’était sans doute par le poids de sa bourse mais l’était-il par son âme.

Lorsque j’arrivais je croisais le jardinier, Baptiste Rivière, il ratissait l’allée qui menait au somptueux escalier en fer à cheval. Un ancien soldat des armées de l’empire nous disait qu’au château impérial de Fontainebleau il en existait un bien plus grand et bien plus beau mais bon il serait vint de comparer la Guignardière à un château de roi.

Le Rivière, il me toisa comme si il était le maître, il faisait moins le malin quand il croisait Stanislas.

C’était  fou comme les domestiques de château s’identifiaient à leurs patrons, ils devenaient aussi fats et vaniteux qu’eux.

Bref sans même me dire bonjour il me désigna l’office. Là bas la grosse Hortense sa femme m’attendait les mains sur les hanches comme si l’avenir du monde reposait sur mes pots à lait.

Elle était peu amène,une vraie saloperie qui venait de la grande ville et qui comme son mari tentait d’épouser une allure aristocratique.

Tapie dans l’ombre la cuisinière Marie Gueriteau, forte femme, courte des jambes et dont la poitrine d’une opulence de prince débordait en cascade rebondissante de son corsage. Elle paraissait âgée mais au village on disait qu’elle était encore de bon commerce avec les hommes. Pour les hommes je ne sais pas mais ce débordement de gras et de chair me dégoûtait bien un peu. Mais je m’égare. La cuisinière était contrairement aux autres, toute bienveillance et lorsque des ventres creux se présentaient à l’office, ils en repartaient les mains bien garnies. Elle me salua gentiment et me demanda des nouvelles de ma petite.

Alors que j’allais repartir je tombais enfin sur l’objet des désirs de mon mari. Les bras m’en tombèrent, je n’avais pas fait la relation. Ce n’était que la Céleste, la fille de peine, une bonniche de bas étage. Antoine disait même qu’elle avait été paillasse à soldats avant d être sortie du ruisseau par madame qui souvent faisait œuvre de charité.

Je la fixais comme on fixe un ennemi, rien en elle était joli, son visage déjà rougeaud, un nez fort, une bouche mauvaise aux dents gâtées. Seules ses yeux sauvaient sa vilaine face on eut dit qu’elle les avait volés à quelqu’un. Plutôt grande, d’une corpulence de palefrenier, mais sans poitrine. Mon dieu qu’un homme devait s’embêter à jouer avec de si petits tétons.

Son aspect n’avait donc rien de bien plaisant et je me trouvais désarmée devant elle, comment lui en vouloir. Mais mon cerveau me jouait des tours, j’étais arrivée avec le secret espoir de la battre et maintenant je ne la considérais plus comme une voleuse d’hommes parce que c’était un laideron. Vraiment il fallut que je me fasse violence pour ne pas en avoir pitié.

Sur le chemin du retour mon raisonnement changea et je la voyais maintenant toute honte bue, nue devant mon mari et le satisfaisant avec amour et technicité.

C’était décidé la prochaine fois que je la voyais je lui extirpais les boyaux de son ventre de femme à homme marié.

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