UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 23, nettoyage de printemps

 

Nous allions maintenant rentrer dans le mois de juin, ce n’est pas forcement la période que je préférais, la lumière commençait à être trop vive, j’aimais mieux la douceur du soleil d’octobre ou bien la pâle lueur des journée encore fraîches de la fin mars. Les fortes chaleurs me plaisaient moins que les fraîcheurs automnales. Bon ne boudons pas quand même pas le divin spectacle des blés qui se paraient de leur belle couleur blonde. On pouvais par cette vision des épis ondulants s’imaginer l’odeur de bon pain, celle qui résulterait de l’alchimie des savoirs. Connaissance et amour des terres du métayer, techniques ancestrales du meunier et la fusion de l’ensemble par la cuisson réussit réalisée par l’artiste boulanger.

J’étais une sorte de poétesse ou plus simplement une contemplatrice de notre nature. Je n’étais pas la seule , vous auriez du voir mon père qui triturait les épis de ses blés . Il s’agenouillait au milieu de ses terres comme il se serait agenouillé à l’église, il reniflait en expert le fruit de ses récoltes, jamais une femme n’avait pu être gratifiée de pareilles attention. Il était amoureux, fou amoureux de la moindre plante qu’il avait semée. C’était beau et moi je lui portais une certaine vénération pour cela. Le savoir fou de son travail, le savoir s’occuper de ses sillons comme un orfèvre cisèle un bijou me comblait d’aise. C’était Jacques Herbert , c’était mon père.

Il était fondamentalement différent de mon mari. Stanislas savait pour sûr travailler aussi, mais il ne le faisait pas en amoureux, il le faisait comme un employé. La terre n’était pas sa compagne mais sa patronne. Il y puisait sa subsistance mais pas l’essence de sa vie. Il était plus jouissif, plus joueur, il fuyait la terre lorsqu’elle ne l’appelait plus alors que père s’y vautrait langoureusement comme un amant dans la couche de sa maîtresse. Forcément la nature rendait au centuple à mon père l’amour qu’il lui portait, alors que les champs semés par mon mari paraissaient comme vexés d’avoir été piétinés par les sabots impurs de Stanislas.

Cela le foutait en rogne surtout lorsque mes frères se moquaient , en fin du moins Antoine car Augustin ce genre de considération lui passait au dessus de la tête.

Sa réputation en était aussi amoindrie et franchement je ne sais pas si sans mon père on confierait une métairie à Stanislas. Cela on le verra bien mais je crois que j’allais déchanter dans les années à venir.

Les journées étaient belles en juin sans aucun doute mais en contre partie très très longues. Nous nous levions vers 4 h 30 pour que les hommes soient au champs dès la levée du jour, pas une minute à perdre. Le soir nous ne nous couchions jamais avant que la lune en sa lueur ai remplacé les rais du soleil. Nous étions épuisés et nous ne faisions pas long feu. En ces soirées je rêvassais moins, mon esprit allait à l’essentiel et comme Stanislas je m’écroulais dans un court sommeil tourmenté par l’idée que le lendemain il faudrait recommencer.

En cette période de l’année je faisais aussi mon grand nettoyage dans la maison, je fis tout sortir par Augustin, table, buffet,coffre et lits.

Je balayais soigneusement, par endroit la terre battue était humide et cela collait au balai de paille .

Même au plus fort de l’été on eut dit que la maison respirait et qu’elle exhalait quelle vapeur. L’atmosphère restait donc toujours chargée d’une humidité de grotte.

Il était aussi le moment de refaire nos paillasses, nos matelas étaient fait de grands sacs que l’on bourrait de paille d’avoine. Chaque mois je la retournais et je la tapais mais bon là il était grand temps de la changer car nous sentions le bois. Pendant que j’ôtais cette poussière mon frère était chargé de chauler les murs intérieurs de la maison. A l’aide d’un grand pinceau il barbouillait le bas des murs d’un lait de chaux que mon père avait acheté. C’était comme un rituel mais cela contribuait à assainir notre habitat. Certes ce n’était pas le château de la Gribaudières et le docteur qui était venu une fois nous visiter avait dit que nous vivions dans un trou à rat et que ce n’était pas étonnant que l’on meurt de maladie chronique. De quoi voulait-il qu’on crève cet idiot?

De plus ce cher bourgeois avait rajouté que nous étions pires que des bêtes à nous entasser dans une seule pièce et que les incestes répétés faisaient de nous des tarés. Si je n’avais pas été aussi respectueuse de sa condition je lui aurais bien craché au visage, pour qui nous prenait-il ce gougeât.

Le soir quand tout le monde est revenu la maison sentait le propre, j’avais laissé la porte ouverte en grand, avec comme inconvénient que les poules s’enhardissent à rentrer.

Il restait aussi le problème de la cheminée qui tirait mal, la fumée noircissait la pièce et parfois quand il y avait du vent des volutes acres nous faisaient tousser. Mais bon il fallait bien s’en accommoder, en période de froid pour nous chauffer et le reste du temps ma fois pour faire cuire nos aliments. Outre le fait que je crevais de chaud à m’affairer autour de ma marmite j’étais constamment asphyxiée. Ce qui me valait parfois les douces réflexions de mon mari, tu sens le graillon ou bien tu t’es endormies le cul dans la cheminée.

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