UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 22, le paradis

 

Ainsi la corvée de linge se trouvait transformée en fête pour nous. Dans chaque maison l’eau chauffait et les senteurs de propre envahissaient l’atmosphère se mélangeant avec un raffinement exquis au parfum des fleurs sauvages qui maintenant pullulaient.

La journée était finie, il convenait de faire refroidir le linge.Le lendemain ont repris notre labeur et par opposition avec la chaleur de la veille nous appelions ce moment là  le paradis. Ce n’était pourtant pas une journée facile.

On retira du cuvier tout le linge, il fallait l’emmener à la rivière pour le battre et en extraire toute la lessive. Ensuite nous le rincions à grande eau et nous l’essorions. Nous mettions le linge dans une grande brouette et dans des grands paniers. C’était lourd et là encore on se retrouvait entièrement trempées. Heureusement la rivière n’était pas très loin, malheureusement pour nous la meilleure place était prise et il s’en fallut de peu pour que Marie Jeanne comme une poule qui protégeait ses petits ne se mette à piquer du bec pour un emplacement qu’elle considérait indûment comme le sien.

On alla finalement plus loin, le problème était récurent et des demandes avaient été faites à la mairie pour qu’on nous construise un lavoir. Le spectacle de tous ces culs féminins penchés sur les rives de notre ridicule cour d’eau était un brin comique. Il y en avait des petits , des gros, des durs, des mous, des culs de pucelle et les postérieurs de celles qui avaient de nombreuses fois vu le loup.

Cela chantait, criait , rigolait, une société en miniature, groupe de femmes que rien ne retenaient, sans tabou, ni religion, une fraternité de dures au mal. Seuls quelques jeunes gamins impubères étaient tolérés en ce harem de vendéennes, il eut été dangereux pour un homme de s’ immiscer parmi nous. Une vieille au visage tanné qui avait connu la révolution nous racontait un jour qu’un meunier du voisinage voulant se rincer l’œil,c’était en un tour de main retrouvé tout nu et jeté au ruisseau.

Nous ne savions si cela était racontar ou pas,  mais la cacochyme se refusa à nous révéler le nom du bonhomme. Alors nous pour rigoler nous citions tous les meuniers que nous connaissions. Chacune rajoutait quelques choses à ces évocations savoureuses.

Battu, rincé, le linge se devait d’être propre,il était la vitrine de nos ménages et plus d’une réputation tombait devant un drap taché. Un linge peu soigné valait une réputation de souillon au dessus comme en dessous. Le plus dur était encore l’essorage, pour les grosses pièces nous nous mettions à chaque bout et on tordait. Mon Dieu quel bon moment.

Dans la semaine nous avions fait le linge des trois ménages, cela faisait quand même un gros tas, heureusement nous avions dans l’ensemble des armoires bien remplies. Le lin grossier de nos draps et torchons était inusable et nous le cumulions de génération en génération.

Nous autres, Louise, Marie Jeanne et moi qui partagions la lessive, nous avions donc peu de secret entre nous, l’intimité du lavage de nos culottes nous rapprochait infiniment. Nous étions comme des sœurs et nous nous faisions confiance. C’est d’ailleurs Louise qui m’avait prévenue pour Stanislas et Victoire.

Bon ce n’est pas tout mais ce linge il faut bien le faire sécher, c’est Augustin qui pour m’éviter de porter une lourde charge était venu m’aider à ramener nos nippes. Car pensez donc j’avais toujours mon bébé avec moi. Les anciennes ne comprenaient pas pourquoi je ne le laissait pas à la maison. Cela j’avais du mal a mis résoudre et je ne le faisais que très rarement.

Augustin eut droit à quelques commentaires salaces, moi j’aurais aimé que l’une de ces veuves l’attire dans ses rets et le déniaise pour qu’il sache qu’il n’ y avait qu’une inclinaison possible.

A la maison j’étendis mon linge pour qu’il sèche bien sûr et qu’il blanchisse. Ma plus grande pièce celle dont je me servais pour les grands repas des moissons, je l’étendis à même le grand pré. Elle serait prête à être rentrée le soir même. Pour le reste j’en mis partout suspendu à la haie, sur la barrière qui mène au jardin. Une procession n’aurait pas eu autant de tentures que métairie en lessives. Moi je trouvais que cela donnait comme un air de fête à notre chez nous.

Au fait je ne crois pas vous l’avoir dit,mais ce troisième jour se nommait le paradis. Cela allait que nous étions fin mai car l’eau du ruisseau nous paraissait douce, mais en d’autres moments il n’en était pas ainsi.

Comme souvent chez nous, on se rassemblait pour fêter la fin de cette buée en un bon repas, chacun pour que les frais soient moins lourds, amena son panier.

Avec la chaleur et le vin nous étions tous un peu alanguis, alors Louise d’une voix qu’elle avait très belle entonna quelques chansons douce d’autres fois

Tout en passant près d’un petit bois (bis)
Tous les coucous chantaient (bis)
Et dans leur joli chant disaient
coucou coucou coucou coucou
Et moi je croyais qu’ils disaient
Coupez y l’cou coupez y l’cou

Et moi je m’en cou cou
Et moi je m’encourais

La journée se termina ainsi, ma petite sœur s’était endormie la tête sur mes genoux, les hommes allèrent donner à boire aux bêtes et nous pour une fois avions la part belle et soyez en sur cela ne durera pas.

Moi j’étais toujours en froid avec mon bonhomme rapport avec ce que vous savez mais un instinct que je ne contrôlais pas me fit doucement rapproché de lui. Il râla que je prenais trop de place et que je lui donnais chaud mais au son de sa voix je perçus que cette chaleur ne lui déplaisait pas.

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