La journée du lundi ne vit pas le retour de mon mari, disparu, comme envolé. Mon père un peu inquiet envoya mes deux frères s’enquérir discrètement si quelques connaissances n’eussent pas croisées le vagabond.
Ils revinrent avec quelques indications, le traître aurait été vu sur le chemin de Poiroux, accompagné d’un boit-sans-soif notoire. Mon père en fut soulagé et en rigola. Moi j’étais un peu moins enthousiaste, après tout c’était l’argent du ménage qui disparaissait dans le corsage opulent de la femme de l’aubergiste.
Le soir je le vis arriver de loin, à n’en pas douté il ne venait pas du coté de Poiroux mais plutôt de son exact contraire. Je le sentis ou le ressentis, Stanislas embaumait la femelle, une odeur que je reconnaissais être celle de l’amour. Parfum de sueur animale qui exhalaient de sa mine réjouie. Je l’aurai giflé, griffé, mordu, émasculé tant j’étais jalouse qu’il me préfère. Devant mon air de tempête, bizarrement je me retrouvais seul avec lui. Il eut peur de ma détermination, de mes cris, de mes pleurs, il avoua tout.
Les bras m’en tombèrent ce n’était pas Victoire, celle là pour sûr il l’avait eu mais c’était bien fini non c’était une jeune domestique du château. Je le menaçais d’aller le dénoncer auprès de monsieur Luce, mais il rigola en me disant qu’un homme avait des besoins et qu’il les satisfaisait où bon lui semblait. Force est de dire que j’étais estomaquée. Nous étions quand même un jeune couple et mon physique n’avait rien à envier à beaucoup d’autres.
On se battit froid toute la soirée, je ne risquais pas à lui céder tant que je sentirais l’odeur de l’autre.
Comme pour noyer ma peine ou pour me punir de ne pas tenir correctement mon bonhomme mon père m’envoya enlever les chardons dans un champs de blé.
Dans notre société nous les femmes n’avions pas voix au chapitre, un homme qui se galvaudait avec une autre femme n’était après tout qu’un pauvre malheureux que sa femme ne contentait pas, bah voyons. Si l’affaire s’était sue j’aurais été vilipendée, chahutée, moquée. Pire que tout dans les jours qui suivirent j’avais l’impression d’entendre le mot cocu résonner sous mes pas. C’était insupportable et je me surprenais à pleurer lorsque je me mouvais en quelques lieux. Plusieurs choix s’offraient à moi, reprendre un ascendant amoureux sur mon mari, ou bien tuer dans l’œuf sa nouvelle idylle en éliminant ma concurrente. Je ne savais à qui m’adresser pour les questions d’alcôves, Louise et Thérèse visiblement n’en savaient guère plus que moi. Devais- je alors laisser faire mon mari, obtempérer à tout ce qu’il me commandera. M’avilir comme une fille à soldat et me soumettre à l’ensemble de ses désirs, non et encore non.
J’irais trouver cette fille de rien et je lui dirais son fait, voilà tout.
En attendant j’étais de corvée de chardon, pourquoi en ce champ il y en avait-il toujours autant.
Au bout d’un couple d’heure j’avais les mains en sang, mon jeune frère qui semble t-il était soumis aux travaux de femme avait les siennes dans le même état.
Nous avions beau nous cracher dans les mains cette foutue mauvaise plante nous écorchait vif.
A la dérobée j’observais ce frère, il n’avait évidemment rien en commun avec Antoine son aîné. Nous nous retrouvions en ses jolies traits aucun de ceux plus rugueux de l’autre. On eut dit qu’un peintre avait bâclé le travail sur l’un et peint une œuvre d’art sur l’autre. Si nous n’avions pas su qu’ils étaient des mêmes parents aucun signe n’aurait pu nous l’indiquer. L’un était beau, l’autre laid, l’un avait les cheveux couleur blond de paille l’autre d’un noir de jais. Augustin était fin et élancé, Antoine était gros gras et petit. Disons le dès maintenant Antoine ressemblait à une gargouille grotesque qui sortait des entrailles de l’église et Augustin ressemblait quand à lui à notre madone.
En tout lieu autre que le notre Augustin eut pu se faire une place mais ici son visage de fille impubère le laissait en proie à toutes les saloperies les plus diverses.
D’abord les deux frères ne s’aimaient guère et l’aîné depuis son jeune age avait pris l’habitude de mettre des raclées à son puîné. Corrections jamais rendues tant la différence de force était flagrante. Je m’interposais souvent mais malheureusement je n’étais pas toujours là. D’autre part les deux dormaient dans le même lit et il ne s’y passait pas toujours des choses très catholiques.
Antoine traitait son frère de fils de Sodome, je n’avais aucune idée de ce que cela voulait dire et je me mis en quête de le demander à monsieur le curé.
Vous auriez vu sa tête, j’ai cru qu’il allait éclater, écarlate qu’il était le bon prêtre. J’ai su tout de suite que j’avais touché du doigt quelque chose de terrible. Ma fille, ma pauvre fille me dit-il en me prenant les mains. Vous avez commis un péché mortel, vous devez vous en laver. Qu’est ce qu’il me racontait , de quel péché me parlait-il je n’avais rien fait. Dans le confessionnal il me demanda de raconter ce que mon mari m’avait fait. Oui mais voilà que dire, c’était à ne rien comprendre. Je sentais qu’il s’énervait et ses paroles devinrent plus crues. Enfin je compris et c’est moi qui eut le rouge aux joues. Je m’enfuis presque de l’église, le père Gauthier en demeura sur son séant.
Le frère aîné disait donc haut et fort que son cadet avait des mœurs interdites, je devais tirer cela au clair avant qu’une catastrophe n’arriva.
Seulement traiter de ce sujet n’était pas facile.