UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, SEMAINE 12, L’ANNONCIATION

 

Nous sommes le vendredi 25 mars , c’est la fête de l’annonciation, nous allons tous à la messe c’est important pour nous les chrétiens.

Enfin mon père hurle après ces bondieuseries et la journée qu’il va perdre en travail. Stanislas lui se réjouit sans que je sache pourquoi. Mon frère lui a décidé de faire une grande toilette car il doit après l’office voir sa presque promise. Malgré le froid, le torse nu dans la cour il se lave à grande eau pour sa belle. Moi je trouve cela mignon mais les autres hommes se moquent en disant que c’est la forte odeur d’un homme qui séduit les femmes.

Bref on se prépare mais il faut aussi que j’explique à ma petite sœur se que représente cette célébration. C’est évidemment assez compliqué mais en gros lui dis je, c’est ce jour là que l’ange Gabriel a annoncé à Marie qu’elle porterait en elle le fils de dieu tout en restant vierge ou pour simplifier qu’elle serait la mère du fils de dieu. Thérèse me regarda avec des yeux plein de tendresse et me demanda se qu’était être vierge. Voila j’étais dans l’embarras, mon père faillit répondre de façon plus imagée mais je réussis à le faire taire.

Cette conception virginale lavait aussi le péché originel d ‘Ève, je n’étais pas d’accord avec ce point car Adam avait sûrement bousculé les choses. Ce n’était qu’un homme après tout et je pense qu’il était  fait dans le même moule qu’un  Stanislas.

Tout cela pour dire que la messe était d’importance et que nous n’avions pas intérêt à manquer ce moment. Les récalcitrants seraient montrés du doigt et croyez moi le curé savait le faire.

Ce fut mon jeune frère qui se trouva de garde pour les bêtes, à chaque fête et aussi chaque dimanche dans toutes les fermes un ou une était désigné pour assurer les tâches obligatoires.

Certain s’arrangeait de cela et beaucoup de galants se rencontraient ainsi sous couvert d’obligation.

Mon frère que les soins aux animaux ne passionnaient guère soupira et faillit se prendre un coup de pied au cul par le père.

L’annonciation avait toujours lieu un 25 mars sauf si cela tombait un dimanche. Moi comment je vous l’ai déjà dis j’adorais les messes. Non pas les longs serments où monsieur le curé dénonçait nos turpitudes mais plutôt les parties chantées. Le curé avait son missel posé sur son pupitre et nous déversait à belle voix les mystères de la religion.

Moi en ce jour un peu spécial j’irais également aux vêpres, seule évidemment car emmener les hommes deux fois à la messe eut tenu du miracle.

L’église Saint Gilles d’Avrillé n’avait rien de monumentale, en forme de croix avec deux chapelle sur le coté. Elle a été construite il y a bien longtemps. Notre clocher s’est écroulé sous le règne de l’imposteur et n’a jamais été reconstruit , cela nuit un peu à l’ensemble et fait que nous ne voyons pas notre église de loin.

Ce soir là je rentrais donc à la nuit tombé, Stanislas disait que ce n’était pas prudent mais que pouvait-il m’arriver. Mais je n’étais pas la seule femme à cheminer et à rentrer des vêpres

En arrivant à la Gaborinière tapis le long de la grange j’aperçus Aimé, il profitait des dernières lueurs du soleil qui prenait repos derrière la grande haie. Instinctivement je m’approchais de lui pour le saluer sachant que la table familiale ne lui était ouverte que le midi et que le soir il se contenterait d’un morceau de pain frotté d’ail, d’un bout de fromage et de quelques noix. Rien ne sortit de ma bouche mais instinctivement nos mains s’effleurèrent. Soudain j’entendis derrière moi la voix de mon mari, il fut sur nous sans que nous l’ayons entendu arriver. Nous avait-il vu esquisser ce petit geste de tendresse ?

Rien ne prêtait encore à conséquence mais je fus prise d’une confusion qui aurait pu paraître évocatrice. Heureusement Stanislas ne brillait pas d’un intelligence remarquable et ne devina pas mon trouble.

D’ailleurs il fut particulièrement avenant et gentil car voyez vous en ce jour de l’annonciation il était de tradition que le carême fut levé. Une aubaine pour les amoureux de l’alimentation carnée mais aussi pour les amoureux tout court.

Au lit nous attendîmes que le silence se fasse, que les enfants dorment d’un sommeil profond et que mon père émettent enfin les premiers sons d’un ronflement libérateur pour nous.

Stanislas fut pris d’un appétit démesuré, on eut dit qu’il était en manque depuis bien longtemps. Un ogre, un animal, Priape en action il fut tout à la fois. J’ose avouée que j’en fut également satisfaite et que le plaisir me vint à plusieurs reprises. Mon corps s’était-il donné à celui qui me possédait légalement ou bien à celui qui hantait mes pensées les plus profondes et les plus intimes.

Le lendemain, un calme parfait recouvrait de silence la campagne. Nous étions inquiets, aucun oiseaux ne chantaient de mélopées matinales, même nos poules pourtant habituellement entreprenantes n’apparaissaient. Le coq fier et méchant devenu peureux ne nous menaçait pas de ses ergots et restait terré sous son toit. Il en était de même pour nos animaux, effrayamment, peur, instinct. Le calme était tout relatif soudain un vent venu de nul part leva ses bras comme pour tout enlever. Une tempête océane, forte et méchante frappait à l’huis de notre campagne. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire tout vola autour de nous. Nous courions comme des fous sur notre aire fin de mettre à l’abri ce que nous imaginions pouvoir s’envoler. Des êtres s’ébranlant pour la danse de Saint Guy n’eussent pas paru plus ridicule. Mon bonnet vola et mon père perdit son grand chapeau, bientôt nous ne pûmes plus rien faire et nous trouvâmes qu’il fallait mieux rentrer chez nous. Tels des animaux nous nous blottirent l’un contre l’autre pour former bloque face aux élément déchaînés.

Le temps dura et dura encore, rien ne semblait apaiser le courroux des éléments. La maison tremblait, vieille et vénérable résisterait-elle, son toit de chaume presque neuf serait-il soufflé comme un fétu de paille par un vent de moisson?

Je me mis à prier et les hommes agenouillés en firent autant. Leur ferveur me surprit, devant l’adversité et la force du ciel redeviendraient-ils des enfants de dieu.

Puis comme la tempête était venue , elle repartit, effacée, disparue en une étrange évanescence.

On se précipita dehors, deux grands arbre centenaires avaient chu, une partie du toit de la grange s’était soulevée et pendait comme suspendu le long d’un mur de refend. Le toit de la soue n’était plus mais les cochons ne semblaient guère en être affectés. Aucun animal n’avaient été blessés et là était l’essentiel. La tempête avait avancé comme dans un couloir et les dégâts étaient fort nombreux.

Les Rameaux arrivaient et nous ne pourrions pas travailler aux réparations alors il fallait s’y mettre immédiatement.

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