UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, Semaine 9, une lente agonie

La lente agonie

Ce jour là elle ne mangea pas, rien à faire, elle me regardait de ses yeux mornes, je fus tentée de lui pincer le nez pour introduire une cuillerée dans la bouche comme on fait aux enfants mais un dernier relent de compassion m’arrêta.

Puis ce fut le changement de son pansement, ce n’était guère ragoutant que toute cette purulence.

La certitude c’est qu’elle n’attirerait pas les hommes de ce coté là avant un moment.

Une sorcière du village d’à coté était passée voir Marguerite et avait assuré à mon père qu’elle s’en sortirait, je n’étais pas aussi optimiste mais bon c’était elle la femme de science.

Les soirées étaient mornes, mon père s’énervait déjà sur la soupe maigre et réclamait du lard,nous n’en étions qu’au début de cette période de carême alors il fallait mieux prendre son mal en patience.

Au lit ce fut Stanislas qui se joua d’insistance, que croyait-il que j’allais oublier mes préceptes religieux pour la satisfaction de ses sens .

J’avais de surcroît mes menstrues, mais le bougre ne semblait pas rebuter par cette impureté.

J’eus beaucoup de mal à repousser ses avances, lui étant près à explorer d’autres voies. Victoire se refusait-elle aussi à lui ou bien poussait-elle le vice à avoir ses indispositions en même temps que moi.

Il finit par s’endormir et moi je pus rentrer dans mes pensées les plus profondes, comme d’habitude tout se mélangeait, mes frissons quand je voyais le petit Aimé, l’agonie de ma belle mère, les problèmes d’argent de la métairie, les infidélités présumées de Stanislas. Je finis par ranger tout soigneusement en mon esprit, demain serait un autre jour.

Le lendemain alors que les hommes n’étaient plus là, j’entendis les sabots d’un cheval dans la cour. C’était pour le moins inaccoutumé car aucune de nos connaissances ne possédait de cheval. Échevelée, souillon je me précipitais à l’extérieur et je tombais nez à nez avec monsieur Luce.

Revêtu de ses habits de chasse, notre maître s’apprêtait à franchir le seuil de notre métairie , enfin de sa métairie. Il ne cessait de m’impressionner, généralement quand on le croisait il ne s’adressait qu’à mon père, vous pensez bien qu’un conseiller de la cour du roi ne s’abaisserait pas à parler à la fille de l’un de ses métayer.

De fait il ne venait pas pour moi mais pour ma belle mère. Il avait entendu par son régisseur que la femme de Jacques Herbert ne se remettait pas de ses couches et il venait simplement prendre des nouvelles. Il pénétra dans notre sombre antre en portant son mouchoir sur son nez.

Moi je n’y prêtais plus attention mais tout portait à croire que la fière Marguerite sur sa paillasse exhalait un joli fumet. Elle qui se serait donnée à n’importe quels cavaliers, qui se serait pâmée pour le sourire d’un monsieur, de la voir fantôme d’elle même, incapable de répondre aux questions c’en était attristant même pour moi

Notre propriétaire observa cette femme autrefois si belle et si avenante il ne sut que dire mais en sortant me dit je vais vous envoyer mon médecin.

Lorsque je racontais cela à mon père il pâlît étrangement et je me souvenais soudain que Marguerite avait travaillé au château pour monsieur. Je crus voir une lueur de haine passer dans les yeux de papa.

Peut-être que mon imagination me jouait des tours, je voyais le mal partout et surtout de ce coté là. J’avais un flair infaillible pour deviner les travers et les secrets de chacun. Cela venait peut-être de la pratique de la confession, je voyais bien comment le curé s’y prenait pour nous faire avouer nos fautes présumées.

J’étais décidée à en avoir le cœur net et lorsque mon père fut sorti je m’approchais de la presque morte.

Je me fis mielleuse, et toute gentille, je le remontais son oreiller, je la fis manger un peu de panade et l’air de rien je la flattais d’avoir eu une si honorable visite. En hochant la tête elle en convint . J’en vins à lui demander le pourquoi, car à ma connaissance le châtelain ne se déplaçait pas pour si peu de chose. Je vis à ses yeux  qu’elle n’avait sans doute pas connu monsieur que de loin. De ma voix doucereuse je lui demandais de me raconter. En un dernier effort elle le fit, murmura, chuchota,cela fut dur, pénible. Elle m’avoua tout en me faisant jurer de ne rien révéler au père. Oui elle s’était donnée ou pour être précise elle n’avait pu le repousser. Cela je le comprenais, tant était forte l’emprise qu’avaient sur nous les hommes de pouvoir. Visiblement il n’y avait pas eu à conséquence et les faits s’étaient arrêtés bien avant que mon père ne lui tourne autour. Il n’empêche que si il l’avait su l’affaire ne se serait pas faite. Mon père par principe ne serait pas passé derrière son patron, il en aurait eu  trop honte.

Mais à voir sa tête des mauvais jours je pense qu’il avait flairé quelque chose

Comme délivré Marguerite s’endormit.

 

 

 

 

 

 

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