UN MARIAGE AU CHÂTEAU DE MILESCUS, PAROISSE DU GUÉ D’ALLERÉ, ÉPISODE 1

 

Mais aujourd’hui était jour extraordinaire, non seulement pour lui mais évidemment et infiniment plus pour la population de la noble demeure.

Sa carrière en temps qu’ecclésiastique commençait maintenant à s’allonger, il avait été vicaire à Surgères et depuis maintenant quatre ans il officiait comme curé en la paroisse du Gué d’ Alleré et annexes.

L’endroit et les habitants lui avaient bien plu, il faut dire que le Gué d’alleré avait la particularité intéressante d’avoir trois paroisses en une seule. Le village n’était pas bien grand, loin de là, mais son histoire dont il ignorait les aboutissements avait fait qu’il s’était formé en trois entités. Il y avait le bourg principal, avec l’église Saint André et son cimetière, puis une église et un cimetière au hameau de Rioux et pour terminer, une église, un château et un cimetière au hameau de Mille écus.

Il enterrait, baptisait et mariait indistinctement en un lieu ou un autre en fonction de l’endroit où habitaient ses ouailles.

Bien que les familles se mélangeaient indistinctement au gré des mariages, quand vous étiez de Rioux, vous n’étiez pas du Gué et quand vous étiez de Mille écus vous n’étiez pas de Rioux.

Le curé s’amusait de la situation mais s’en agaçait aussi parfois. Les querelles qui découlaient de cette particularité pouvait virer au tragique comme au comique. Si ces territoires ne dépendaient pas de la même seigneurie, les habitants qu’ils soient sous la tutelle de celle de Mille écus, de celle du Gué d’Alleré ou bien même sous la dépendance de l’abbaye de Benon, n’en étaient pas moins miséreux et pressés par les impôts les plus divers.

Le village où se trouvait sa cure s’était développé le long d’un petit ruisseau et plus particulièrement d’un endroit où l’on pouvait le passer à gué . Une petite église et son cimetière, une maison noble le long du cours d’eau et quelques maisons blotties frileusement autour. A la sortie du village en allant sur Saint Sauveur de Nuaillé tournaient les ailes du moulin David. Le seigneur du lieu s’appelait Louis Poirel, le curé avait de bons rapports avec lui bien que le maître du village fut parfois distant.

De vastes prairies humides séparaient le bourg principal de son hameau de Rioux, les eaux débordantes du ruisseau de l’abbaye déposaient un fertile limon et assuraient une récolte abondante qui faisait appeler l’endroit » les jardins du Roi » .

Le chemin qui menait à la paroisse de Rioux était souvent impraticable et le curé d’Aubon crottait ses souliers plus que de raison en allant administrer les sacrements à ses paroissiens.

Pour venir à Mille écus le chemin était plus praticable, on montait par le moulin de Mille écus.

Celui ci dominait les prairies humides des ruisseaux du Gigan ( le Curé actuellement ) et de l’abbaye. Une fois au sommet de cette modeste côte, il suffisait de se laisser couler le long des vignes qui poussaient sur le coteau pour arriver au modeste ensemble qui formait Mille écus.

Le château de mille écus avait depuis longtemps perdu la fonction de défense qu’il avait autrefois. Il en restait des douves encore pleine d’eau en cette période mais qui seraient presque à sec au plus fort des chaleurs de l’été et des tours pour moitié écroulées.

La demeure seigneuriale encore grande, avait elle aussi perdu de sa superbe, le curé se demandait pourquoi la fratrie qui possédait cette terre ne se mariait pas en la paroisse saint Barthélémy à la Rochelle où ils possédaient un hôtel. Il est vrai que le bon prêtre ignorant de la situation exacte de la famille ne pouvait leurs présumer des difficultés financières.

Coincé entre deux cours d’eau l’endroit était fort humide en hiver et souvent inaccessible quand les eaux montaient et envahissaient les prairies . D’Aubons se voyait mal vivre ici, même si parfois son presbytère souffrait également d’une inconvenance du ruisseau qui venait de l’abbaye de la Grâce dieu .

Prés du château se trouvait la chapelle elle aussi fort délabrée, c’est là qu’il allait unir les deux promis. Autour ce n’était que misérables baraques, à demi-enfoncées dans la terre, repliées sur elles- mêmes, aux maigres ouvertures . Des toits de jonc émergeaient des cheminées branlantes d’où s’échappaient les fumées odorantes d’un méchant bois vert.

Autour de la petite chapelle qui servait d’église, comme un vilain champs mal labouré. De ce lieu mal défini, surnageaient quelques croix de bois et de faibles monticules de terre encore mal tassés.

Il émanait de ce jardin sacré comme une tristesse indéfinissable qui finalement se mariait assez bien à cette pauvre seigneurie et à cet endroit lugubre.

Au soleil blafard qui  tentait de se faire jour parmi les brumes qui montaient du ruisseau et essayait désespérément de réchauffer quelques êtres blafards .

Mal nourris, pieds nus et vêtus de méchantes hardes, ils formaient toute la population de Mille écus. Presque tous laboureurs à bras, ils attendaient déférents mais transis, l’arrivée des invités de la noce.

Le meunier Jean Aurard s’était mis un peu en retrait, personnage important et moins famélique, il n’en attendait pas moins ses maîtres avec autant d’impatience que les presque serfs qui l’environnaient.

André Poitou parlait à Jean Cholet, les deux hommes faisaient les cents pas pour se réchauffer en agitant leurs bras.

Suzanne Rozeau, la femme au Laurent Merle se lamentait de la dureté des temps auprès de Françoise Guenon la femme au Chabourny.

Barthélémy Guilbeau force de la nature morigénait ses drôles en leur promettant force torgnoles si ils n’arrêtaient pas de gauger dans les flaques d’eau encore prises par la gelée du matin.

Barthélémy n’avait jamais frappé l’un de ses enfants et ils en profitaient jusqu’au moment où Anne Nolet leur mère leur administrait à chacun une calotte afin qu’ils se tiennent enfin tranquilles.

Mais un bruit de cheval hennissant leurs fit tourner les têtes. Enfin le spectacle allait pouvoir commencer. Le cavalier pénétra dans la cour du château et Anthoine Berthomet l’un des serviteurs du lieu se précipita pour récupérer le cheval.

L’homme que tous attendaient, était le marié. Le noble homme se nommait Jacques Mignoneau écuyer, seigneur des vignaux, capitaine au régiment de Périgord. En descendant de sa monture il n’eut aucun regard pour ces gueux qui pourtant l’attendaient avec impatience.

Lui, rejeton d’une vieille famille protestante qui avait comporté un maire de La Rochelle, héritier d’un proche du grand Jean Guiton, lui même officier de sa majesté n’avait évidemment que faire de cette plèbe.

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