UNE VIE PAYSANNE, ÉPISODE 66, la vie à Sablonnières

Femme de Jules Joseph Perrin

Commune de sablonnières, ferme de la belle étoile .

1904

Papa était parti un beau matin alors que nous l’avions ramené à la maison pour lui apporter des soins. La veille au soir alors qu’on l’entendait râler dans la pièce voisine nous nous étions dit qu’il ne ferait plus de vieux os.

Alors que je tentais de lui faire avaler de la soupe il m’avait demandé comme une ultime grâce de l’inhumer à Verdelot. Pas de problème majeur à cela ce n’était pas si loin.

Comme il n’était pas bien je me décidais à le veiller, à l’ombre de ma chandelle j’ai vécu ses derniers instants, à quoi pensait-il, que ressentait-il ? Rien dans ses yeux ne me donnait de réponse. Bizarrement ma loupiote s’est éteinte, quand je l’ai rallumée,  il était mort.

Son âme avait-elle éteinte la lueur pâle de mon éclairage, j’en frissonnais et dans un cri je réveillais la maisonnée.

On l’enterra à Verdelot près de maman avec la famille réunie, Louis, Marie et Jules , on se promit de se revoir comme à chaque enterrement et comme dans chaque famille en sachant pertinemment qu’il n’en serait rien.

Il me tardait maintenant de rentrer pour récupérer Gaston mon dernier né que j’avais laissé en nourrice chez une connaissance.

Oui, comme je vous en avais parlé ce que je redoutais, était bien arrivé. Le Jules a qui il répugnait d’interrompre l’acte m’avait ensemencé une neuvième fois. Cette fois ci serait la dernière, tant pis il n’aurait qu’à aller en voir une ailleurs.

Mon fils aîné Achille avait- été exempté de service militaire, c’était tant mieux car le père avait besoin de lui. Dans les journaux, on parlait que le service militaire allait devenir obligatoire, plus de tirage au sort et plus d’exemption, c’était égalitaire, c’est sûr mais tous nos jeunes allaient devoir partir. J’espérais que la loi n’atteigne pas mon second fils André qui bientôt atteindrait ses vingt ans.

On avait mis mon fils Charles en apprentissage chez Métais le maréchal ferrant, car au grand désespoir de Jules il n’était pas capable de tuer un cheval.

Alors on fit l’opposé et il fut chargé d’apprendre à en prendre soin.

Mon mari disait qu’on en ferait pas grand-chose de ce gosse, toujours à traîner, toujours à courir derrière les filles et toujours à faire des crises. J’entendais bien les récriminations de mon bonhomme, mais quoi faire quand le ver est dans le fruit. On avait beau le talocher, le punir rien ni faisait, à l’école il était bon à rien, quoique l’instituteur lui reconnaisse une intelligence certaine.

René lui comme ses ancêtres s’activait comme petit valet dans les fermes du coin, lui au moins n’avait pas le vis rivé au corps.  Pour les autres ma foi ils allaient encore à l’école de monsieur Rayé.  Mais pour Jules cet élément de modernité n’allait pas sans répugnance. Germaine ma fille allait l’école des filles chez Léontine Nolin, celle là trouvait grâce aux yeux de Jules car elle était mignonne, je t’en foutrais moi une gamine qu’elle était.

Le village commençait à bien changer et nous avions à disposition des choses que seuls les habitants des villes pouvaient acheter. Avant, nous devions attendre le passage des colporteurs, maintenant chez Louis Laurent nous trouvions plein de babioles pour nous faire belles, on appelait cela des nouveautés, cela venait de Paris. Moi je n’avais pas de sous et pourquoi se faire belle pour se tremper les mains au bateau lavoir que la commune nous avait installé sur le Morin.

C’est bizarre mais j’aimais ce bateau alors que j’aurais facilement pu aller aux lavoirs de Vautron , de la Noue où du bois Frémy. Ils étaient aussi gratuits mais bon nous les femmes on se repartissait par affinité. Certaines n’hésitaient pas à trimbaler leur brouette pleine de linge sur plusieurs kilomètres pour se retrouver avec des connaissances qu’elles aimaient.

C’était mon cas, Jules disait que j’étais bavarde comme une pie et que je méritais bien une trempe de temps en temps pour cela. Cela me faisait rire j’étais tranquille de ce coté là, il était doux comme un agneau, au contraire de beaucoup d’autres qui ivres bâtaient leur femme comme plâtre. Moi du Jules j’en faisais ce que je voulais, je le menais par la braguette et par le bout du nez.

Jules Joseph Perrin

commune de Sablonnière ferme de la Belle Étoile

1911

J’étais maintenant bien installé à Sablonnières, il me semblait que j’avais toujours habité cet endroit.

J’avais arrêté de faire l’équarrisseur, ce métier ne me convenait pas vraiment et un retour à la terre s’imposait.

Mon fils Achille qui équarrissait avec moi s’était lassé lui aussi et il jouait maintenant le domestique de ferme chez mon ennemi Picot au hameau de la Noue. Pour sûr ce n’était pas une grosse perte, il mangeait plus qu’il ne me rapportait. André lui aussi avait joué les traitres en se sauvant de mon emprise. Là aussi pas une grosse perte car ce foutu andouille avait trouvé le moyen pendant son service militaire de se blesser et d’avoir une invalidité. En bref tout le monde l’appelait le boiteux , heureusement que ce maladroit n’avait été incorporé que dans un service auxiliaire.

En ce moment le Charles lui était en train de se promener , sûrement à renifler les effluves d’un jupon féminin. Nous avions reçu une lettre de lui nous indiquant qu’il avait été réformé à cause de son épilepsie. Sur mes trois premiers fils pas un n’étaient capables de tenir un fusil, des bons à rien voilà tout. René lui le quatrième était maintenant une recrue au 154ème d’infanterie, il devait rejoindre son corps au mois d’octobre. Il était un peu inquiet de partir dans la Meuse, lui qui n’avait vu que le clocher de son village et celui de Verdelot.

Edmond, le suivant me servait de charretier, il maîtrisait mieux que personne les attelages, je dois dire qu’il me surpassait largement. Je crois que si je devais donner ma ferme c’est à lui que je la léguerai.

Pierre mon garçon âgé de quatre ans présentait quand à lui un réel retard, on eut dit un bébé. Il ne sortait guère des jupes de sa mère et quand je gueulais, il tentait réellement de s’y réfugier.

A part cela tout marchait bien, les terres de la ferme rendaient bien, avec ma Louise on formait un couple heureux, indestructible, nos ébats n’étaient certes plus aussi fougueux ni aussi fréquents, mais au moins nous étions libérés de la crainte de l’enfantement.

Quand à mon dernier fils le Gaston et aux dires de l’instituteur on pourrait aisément lui faire passer son certificat d’étude, il avait une bonne caboche. Par contre pour aider sa mère à l’étable ou au bois nous ne pouvions rien en tirer. Il avait toujours à lire quelques choses. Il n’y avait pas de livre à la maison alors le bougre lisait le journal ou bien des livres prêtés par le curé Lelong. Je n’aimais guère qu’il lise la vie des saints ou d’autres conneries du même genre, mais Louise me disait l’essentiel c’est qu’il apprenne.

On verrait bien mais pour en faire un paysan, il ne fallait quand même pas ce qu’ils appelaient le baccalauréat.

4 réflexions au sujet de « UNE VIE PAYSANNE, ÉPISODE 66, la vie à Sablonnières »

  1. Mon grand père Gaston le petit dernier a été clerc de notaire à Rebais après avoir eu son certificat d’étude, puis trouvant qu’il ne gagnait pas suffisamment sa vie il a été chef de bureau à la gare de l’Est, il s’est installé à Gagny en Seine Saint Denis en 1932 dans une maison où j’ai moi même habité jusqu’en 1976. C’est lui qui m’a élevée. Il n’aimait pas les travaux de la ferme, préférait lire. Il allait à l’école au village rejoignait ses camarades au Vautron mais avant il devait plonger seul un bois, il avait très peur. Son frère André lui avait confectionné une charrette en bois pour Noël. Le facteur passait de ferme en ferme avec son cheval, il arrivait souvent que c’est le cheval qui le ramenait à son domicile car dans presque chaque ferme on lui proposait un verre d’eau de vie. Sa maman est morte pendant la guerre en 1918 et il m’a dit que son père avait trouvé auprès des soldats allemands des piqûres de morphine pour la soulager tellement elle souffrait. Mon arrière grand père Joseph est mort en 1940 à l’âge de 80 ans il n’était pas aller beaucoup à l’école mais lisait beaucoup surtout des livres sur l’histoire. Le fils d’Edmond à repris la ferme, pourtant il n’aimait pas ce métier qui ne laissait pas souvent la place aux loisirs. J’ai connu cette ferme en activité moi la petite citadine je n’étais guère costaude pour aider alors que mes cousines levait les bottes de paille à la saison des moissons. Que de beaux souvenirs de cette ferme familial, mon grand père aimait dire qu’il était né à la Belle Étoile, il ne disait pas que c’était la bonne époque comme beaucoup, il me disait qu’appuyer sur un bouton pour avoir le chauffage que c’était confortable, il est mort à l’âge de 97 ans devenant de’plus vieux de ses frères et soeurs. On ne cite pas qu’un autre de ses frères nommé aussi Gaston était mort en bas âge ainsi qu’une autre petite fille nommée Hélène. Achille si ma mémoire est bonne n’était pas le fis de Joseph mais mon arrière grand père l’a accepté comme son fils et s’est marié avec une fille mère comme on’les appelait, ce qui à l’époque devait être rare !

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    • Bonjour

      Merci pour ce morceau d’histoire familiale, moi je n’ai pas connu mon grand-père Charles, car il est mort en 1954 d’un cancer. Il a eu 8 enfants qui sont excepté ma mère tous décédés. La descendance est fort nombreuse et je dois dire que sur mon arbre il en manque la moitiée. Je suis vraiment intéressé par ce que vous me racontez, car ma mère me parlait de façon assez diffuse de tous ces personnages de sa jeunesse, je pense même que sur quelques photos de mariage, des personnes non identifiées par moi pourraient correspondre à de la famille Perrin. Je vais vous les numériser. Avez vous un arbre généalogique en ligne, moi je suis sur généanet ( tramcha ). C’est assez bizarre ce que vous me dite dur Achille, car voyez vous, la première fille de mon grand père Charles n’est pas de lui et par dessus le marché la mère de sa femme mon arrière grand mère était aussi fille mère. Le moeurs étaient assez libre sur les rives du Morin ( je plaisante ). Vous souvenez vous d’avoir été en relation avec les descendants de Charles?

      J’attends avec impatience la suite de votre histoire Pascal

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      • Bonjour Pascal, en ce qui concerne Charles je ne connais rien de son histoire mais mon grand père invitait souvent un neveu qu’on appelait Marcel le flic est-ce un fils à Charles ? J’ai une photo de lui lors d’un repas familial. Vous parlez de mon arrière grand-mère et donc la votre si je comprends bien, la femme de Joseph dont j’ai une photo ainsi que de Joseph. D’où tenez vous le témoignage de notre arrière grand-mère morte si jeune. Je me trompe peut être pour Achille il était peut être seulement né hors mariage (régularisé par la suite) Je vous ai envoyé un message également par le biais de messenger. J’ai aussi quelques documents d’état civil de Joseph Perrin. Des cousins sont encore à Sablonnieres que je connais des petits enfants d’Edmond et de Germaine PERRIN enfants de Joseph. Cette vie à la Belle Étoile je l’ai connue dans les années 60 à 7O j’y passais mes vacances ! Je reste à votre disposition si vous avez des questions à me poser par le biais de messenger. Cordialement Dominique

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      • Votre grand père donc si je comprends bien qui était mon grand oncle est mort en 1954 ! Votre grand oncle Gaston, mon grand père est mort en 2001 il y avait un grand écart entre les frères ! Mais j’ai eu de la chance de voir mon grand père vieillir j’avais 45 ans quand il est décédé je l’aimais tant. Peu avant sa mort il était dans ses pensées et je lui ai demandé à quoi il pensait, il m’a répondu : à ma mère ( il avait 14 ans qd elle est morte)
        Dominique PERRIN

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