UNE VIE PAYSANNE, ÉPISODE 64, la belle étoile

commune de Bellot hameau de Saincy

1899

Cela faisait quelques mois que nous avions enterré ma belle mère, elle était partie entourée de tous mais était-elle partie aimée de tous je n’en savais rien. Moi c’était ma tante et ma belle mère, cela ne me fit ni chaud ni froid, j’avais d’autres préoccupations, notamment l’achat d’une petite ferme à Sablonnières. Ma femme avait un peu de peine, le moment était difficile d’autant qu’elle avait beaucoup d’inquiétude pour notre dernier né, Pierre Paul, il avait une tête bizarre et nous paraissait pas bien vaillant.

J’étais en pleine discussion quand je vis le garde champêtre,le père Joyeux approcher, il vint à moi et se présenta. Immédiatement je sus ce qu’il allait me dire. Mon vieux avait cassé sa pipe, comme cela sans rien dire dans son sommeil, je trouvais que c’était une belle mort, mais tout de même quelle surprise, je l’avais vu la semaine précédente et c’est tout juste si il ne faisait pas de projet d’avenir. Il n’aura pas vu le nouveau siècle et Dieu sait si il le désirait, car toutes les nouvelles innovations le passionnaient.

Je pris la route avec mes aînés et je revis mes frères que ne n’avais pas vus depuis mon mariage.

C’est toujours aux enterrements qu’on se rencontre.

Lorsque je suis arrivé le père avait été préparé et reposait tranquille sur son lit.

On lui avait passé son beau costume lui qui en avait horreur. Ses mains était jointes et je voyais luire un chapelet de nacre. J’étais un peu interloqué car mon vieux berger de père avait en détestation toutes les bondieuseries. Mais le poids des traditions, nos coutumes chrétiennes après tout, rendaient comme une sorte d’hommage au défunt. On allait pas l’enterrer comme un chien, alors un peu de décorum et une belle messe ne feraient pas de mal.

Après l’inhumation on mangea un morceau et on évoqua les formalités pour hériter des biens du père.

Il fallait pas s’imaginer que nous aurions grand chose, mais finalement le bas de laine était assez fourni. Cela allait faire basculer mon destin. Enfin j’allais concrétiser mon rêve la ferme de la Belle étoile serait à moi.

L’affaire fut bientôt conclue et je devins propriétaire.

Ces quelques arpents de terre se trouvaient sur la commune de Sablonnières et l’on déménagea. Je dois le dire j’étais bien le seul à me réjouir, le restant de la famille qui avait pris ses aises sur Bellot était assez réticent.

Mon intention première était de cultiver les quelques arpents de mon petit domaine mais finalement je me fis équarrisseur.

Ce n’était pas que j’aimais tuer et dépecer des bêtes mais bon il fallait bien que quelqu’un le fasse et il y avait l’opportunité de gagner un peu d’argent. On nous les amenait ces haridelles finissantes, ces vieilles juments autrefois fières porteuses, ces chevaux de labours travailleurs, solides et obéissants qui d’un pas lourds sentaient qu’ils allaient mourir. Leurs yeux semblaient pleurer et imploraient la pitié,certains dans un hennissement pleurnichard faisait penser à des êtres humains qui souffraient et geignaient. Non je n’aimais pas cela mais il fallait s’endurcir. Le sang, les excréments et les boyaux devenaient mon quotidien. On m’amenait les bêtes mais évidemment je me déplaçais aussi lorsque la bête était morte sur place ou qu’elle ne pouvait plus arquer.

Je fis le travail seul puis mon fils Albert me donna la main tant il y avait du travail. Parfois les durs paysans pleuraient aussi de voir partir leur compagnon de labeur, on eut dit qu’ils perdaient un être proche.

Concernant le Achille il eut de la chance car il fut exempté de service militaire, cela m’arrangeait beaucoup à vrai dire. Le André lui commençait à travailler dans les fermes du coin, il était pas bien costaud avec sa petite taille mais comme le travail ne manquait pas il trouvait quand même à s’employer.

Louise aimée Groizier

Femme de Jules Joseph Perrin

Commune de sablonnières, ferme de la belle étoile .

1900

Nous étions dans un nouveau siècle et je dois dire qu’il se passait des choses bizarres, un jour on vit arriver au village un drôle d’engin qu’on appelait automobile, cela faisait un bruit effrayant, puait et pétaradait. Nous fumes intrigués et l’on se moqua du conducteur quand ce qu’on nommait un moteur arrêta de fonctionner, il n’avait plus d’essence et devant la population hilare il dut repartir dans une carriole tirée avec un bon canasson pour rechercher du précieux liquide à la ville.

Le Jules il était pas près d’avoir ce genre de chose, moi ce que j’aurais aimé dans la marche du progrès c’était que nous les femmes nous puissions ne plus avoir des trallés de gosses. Mais là le progrès n’était pas arrivé jusqu’à nos ventres. Il existait bien ce que les femmes les plus délurées du village nommaient des capotes . On en rigolait comme des folles et toutes ont imaginé nos maris avec ce bout de latex sur le sexe. Bien peu l’avait essayé mais celles qui avaient été domestiques à Paris disaient que c’était très employé et vendu dans les bureaux de tabac.

Tout cela pour dire que j’avais déjà huit enfants à trente huit ans et que je commençais à en avoir marre, du cycle gros ventre, accouchement, allaitement.

Je voulais maintenant en finir mais vous vous doutez bien que le Jules était des plus vigoureux et pas disposé à me laissé tranquille. Avouons tout de même que parfois j’éprouvais un peu de plaisir mais que de simplement l’évoquer cela me fait monter le rouge aux joues.

Si Achille n’était guère conséquent, André était malingre et Charles était épileptique il me semblait que mon dernier le petit Pierre n’aurait rien à leur envier en déficience. A trois ans il ne marchait toujours pas et semblait complètement attardé. Jules ne voulait pas en entendre parlé et moi je dois dire que j’en avais un peu honte. Un vieille du village me cracha même au village que ce n’était que le fruit de notre honteuse copulation entre cousins . J’ai préféré ne pas répondre, baissant la tête et poursuivant mon chemin. Heureusement René, Edmond, Jules étaient de beaux petits garçons et ma Germaine promettait d’être une bien jolie fille .

Lorsque le temps le permettait j’allais rendre visite à mon père à Pilfroid, le pauvre commençait à dépérir, il avait dépassé les soixante dix ans et toutes ces années à travailler dur l’avaient complètement miné de l’intérieur. Je ne savais si nos visites lui faisaient plaisir tant il était renfrogné. Il n’y avait guère que la Germaine qui le faisait sourire. Elle lui montait dessus lui tortillait la moustache, mettait sa casquette et lui faisait des bises dans le cou, toutes ses choses qu’il n’aurait pas supportées en son jeune age avec nous. Sa petite fille en faisait ce qu’elle voulait, cela s’égaillait et c’était le principal. Un jour je lui ai demandé si il voulait venir chez nous, il a refusé, heureusement car je n’en avais pas parlé à Jules. Il voulait crever à Pilfroid là où il avait toujours vécu, bien c’était son choix, mais il arrivait bien un moment où il ne pourrait plus rester seul.

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