Marie Louise Augustine Perrin femme Groizier
Commune de Verdelot, département de Seine et Marne
Année 1885
Enfin tout s’éclaircissait, la situation compliquée de ma fille et de notre famille allait s’arranger. Dans quelques heures ma fille serait unie à son séducteur.
Je la regardais là en train de faire téter son petit bâtard. Bientôt il ne le serait plus et porterait le nom de son père. Mon cœur se pinçait, car enfin ce petit Achille je l’avais un peu élevé, alors le voir partir me serrait la poitrine.
Mon frère Joseph était venu de La Saulsotte le village qu’il habitait dans l’aube, lui aussi avait eu rude à faire avec sa dernière fille Joséphine qui je crois s’était mise dans le même cas que Louise.
Il était prématurément vieilli ce berger, est-ce ses turpitudes avec l’une de mes nièces que l’on m’avait contées.
Il y avait aussi mes neveux que sûrement je n’aurais pas reconnus. Les noces c’est comme les enterrements, on revoit tout le monde. On se fait la promesse de se revoir, mais jamais on ne tient parole.
Le Jules, il était là à parader je le savais qu’il voyait encore ma fille en cachette, comment en aurait-il pu être autrement. Heureusement le fait d’allaiter à permis qu’elle ne retombe pas enceinte. Le fait d’être de la même famille réduisait le coût de la noce et comme nous n’étions pas particulièrement fiers nous n’avons pas invité le ban et l’arrière ban de nos familles.
La noce fut vive et gaie rien ne nous empêchait de nous amuser après tout. Ma fille était mariée, le gosse avait un père, ils n’avaient plus qu’à s’installer.
Il nous restait encore le problème de ma deuxième fille, Marie pour tout dire avait le feu au cul, après son avortement de justesse elle n’arrêta pas ses libéralités. Est-ce avec le même garçon ou bien avec un autre, elle retomba enceinte et la garce encore une fois s’était bien gardée de me le dire.
Comme cette fois je ne m’en étais pas aperçue, la période passa et bientôt le bruit se répandit qu’une fille Groizier avait ouvert ses cuisses. Elle accoucha au mois de mars et c’est pour cela qu’il y a un braillard au fond de la pièce. Là aussi le père nous est connu et une régularisation se ferra quand les finances de celui ci pourront pourvoir à la noce.
De mon temps quand il n’y avait rien dans le bas de laine on gardait nos fesses au chaud. Maintenant tout va trop vite, les jeunes veulent tout, l’amour, des terres, et des machines du diable pour faire la besogne à leur place.
Heureusement mes garçons étaient plus sage, l’aîné avait une fiancé et les noces étaient prévues pour l’année prochaine. Le plus jeune ma foi, parait-il qu’avec sa gueule d’enfant, il faisait les yeux doux à une gamine du village nommée Louise Spément. Je connaissais les parents et des accordailles seraient sûrement possible si les deux petits poursuivaient dans le même chemin.
La vie de parents n’était guère facile, comme notre vie en général d’ailleurs, bien que l’on commençait à voir une amélioration. Plus personne ne mourait de faim, les épidémies s’éloignaient et il y avait du travail pour tout le monde, enfin pour ceux qu’étaient pas feignants.
Louise Aimée Groizier
Femme de Jules Joseph Perrin
Commune de Verdelot, hameau de Pilfroid.
1886
Dans les premier temps de notre mariage il fut convenu que nous garderions mon beau père, celui si ne semblait pas vouloir retourner dans l’Aube. Il faut convenir toutefois que le vieux avait cumulé quelques biens et qu’il nous aida beaucoup.
Mon mari voulait devenir patron et posséder quelques terres. J’étais sûr qu’à force d’opiniâtreté il réussirait dans son entreprise.
J’étais un ventre terriblement fertile et quelques mois après mon mariage j’étais de nouveau enceinte, cela ne me déplaisais pas et à Jules non plus, il naquit le 14 août 1886 et on le nomma André c’était un beau bébé qui était venu sans problème.
Le vieux partit un peu après, je respirais et j’allais pouvoir vivre normalement. Je me sentais épiée avec lui et d’ailleurs le vieux cochon ne se gênait pas pour me reluquer. Cela me coinçait dans la satisfaction de mes besoins naturels, je ne faisais que lorsqu’il partait boire sa chopine au village. C’était pareil lorsque nous faisions l’amour, je le savais tapis dans l’ombre à nous entendre , le Jules cela ne lui faisait rien mais moi le lendemain je devinais à son air goguenard qu’il avait tout entendu.
Certes cela nous fit une rentrée d’argent en moins mais tant pis. Pour pouvoir travailler je donnais mes enfants à garder à ma mère. Je m’arrangeais pour donner le sein au dernier, nous les femmes nous étions bien coincées avec cela. Comment obtenir un bon travail avec nos absences, nous ne pouvions qu’être de la main d’œuvre de seconde main. Il paraît qu’un inventeur à créé une espèce de bouteille en verre avec une tétine qu’on appelle biberon , cela se nomme des Robert du nom du bonhomme. Quand j’ai parlé de cela à ma mère elle m’a regardé comme si j’étais une sorcière ou une mauvaise mère.
Mon frère s’est marié à Meaux le 8 mars 1886 avec Berthe Hardy, là aussi cétait un mariage entre cousins, c’est assez compliqué c’est le méli-mélo du hameau de Pilfroid. Nous y sommes tous allés, j’ai apprécié de sortir un peu de chez moi, c’est une grande ville où nous n’allons guère .
J’ai quand même attendu un peu avant d’avoir mon troisième, trois ans c’est long, nous pensions que nous n’en aurions pas d’autres.
L’accouchement fut difficile cette fois, j’avais calculé qu’il viendrait juste après Noël mais en fait il ne vint que le 6 janvier 1889, on le nomma Charles c’était un enfant un peu malingre et nous pensions qu’il allait passer, Jules lui fit couler de l’eau de vie de poires sur ses lèvres, il a hurlé et moi aussi. Les hommes peuvent parfois être complètement idiots.
Il paraît qu’à Paris on a construit une tour en fer, on a vu des photographies dans le journal,. C’est pour l’exposition universelle de Paris et ils vont la détruire juste après , quand on pense que certains n’ont pas à manger. Plusieurs personnes du village ont fait le déplacement, il faut dire que Paris s’est rapproché de chez nous avec le chemin de fer. Certains disent qu’on pourra bientôt aller partout en France. Je me demande bien pour quoi faire, qui va soigner nos bêtes si l’on va je ne sais où. C’est encore une affaire pour ceux qui n’ont rien à s’occuper.
On nous rétorque que nous sommes des illettrés, des attardés et des bouseux mais en attendant c’est bien grâce à notre sueur que ces messieurs et dames de Paris se gobergent.
Pour nous les innovation des journaux c’est bien lointain, je me casse toujours les reins à tirer de l’eau, je m’épuise au lavoir et derrière le cul des vaches. Mon mari revient lui le dos brisé d’avoir fait les labours, d’avoir coupé du bois ou faucher un champs. Le soir nous n’avions pas cette fée électricité qu’on venait d’inventer, nous nous couchions dans le noir et nous nous levions de même. C’était des histoires de gens des villes, nous les paysans sans le sou on continuerait pour longtemps m’est d’avis, à vivre de la même façon.
Mais Jules disait que j’étais une femelle idiote et que je n’y comprenais rien.
Toujours un régal à lire….
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