Marie Louise Perrin
Commune de Verdelot, département de Seine et Marne
Année 1851.
Lentement je me rhabillais, ou pour être plus exact je me rajustais. Je l’avais fait, enfin fait.
Je n’étais pas spécialement comblée, cela n’avait guère été agréable, douloureux même je dirais.
Mais comme toutes je l’avais fait, je n’étais plus la petite fille à sa Maman, j’étais une femme.
Pourquoi est- ce que je m’étais laissée faire, pourquoi l’avais-je laissé me remonter ma jupe?
Par dépit, par provocation ou bien simplement par envie, certainement le tout à la fois mais je l’avoue la vue de cet homme provoquait en moi des choses bizarres. Des choses que je ne maîtrisais pas , j’aurais fait n’importe quoi , j’étais prête.
Alors quand je me suis laissée guider dans cette grange, je savais comment cela se terminerait. Me suis je donnée, comment interpréter la fusion de deux êtres, comment expliquer ces corps mélangés, comment comprendre ce mélange des odeurs. Quelle est cette alchimie bizarre, qui nous fait nous lier à un inconnu.
Je n’ai pas de réponse mais je le regarde pendant qu’il remonte son pantalon et je sais que je l’aime.
Cela n’a pas été simple, je l’ai aimé puis haï puis de nouveau aimé. Non cela n’a pas été simple je l’ai désiré, je l’ai repoussé puis de nouveau désiré.
C’était Médéric Groizier mon amoureux de toujours, ma mère ne savait toujours pas que je l’avais revu. Elle allait être furieuse, mais je m’en foutais, je jubilais de la provoquer , de voir sa réaction qui serait sans nul doute négative.
J’avais 25 ans maintenant je faisais ce que je voulais, je donnais mon corps à qui je voulais et je me marierai avec qui je voudrai et c’était bien le fils Groizier que je voulais. Maintenant qu’il m’avait prise , qu’il m’avait déflorée je lui appartenais, nous allions régulariser et je devais de ce pas l’annoncer à Maman.
Ce fut une belle bataille, une rude joute, elle ne voulut rien savoir, pas Groizier me disait-elle. C’était une fin de non recevoir, mais je ne cédais pas et en hurlant je remontais mes jupons comme pour lui affirmer que j’étais à lui. Ses bras lui en tombèrent, nous avions osé commettre ce crime de lèse parental.
Elle ne m’adressa plus la parole mais je sus que j’avais gagné. Le lendemain Médéric accompagné de son père firent leur apparition et ils demandèrent ma main officiellement. Isidore et Maman discutèrent un long moment ensemble. Ils s’étaient mis d’accord , nous allions pouvoir nous unir.
La date du mariage fut fixée finalement au 8 décembre 1851.
Clémentine Amélie Patoux, femme Perrin
Gault département de la Marne
1852.
J’étais pleine et j’étais pleine d’espérance pour l’année qui allait venir, je ne savais pas pourquoi. C’était une impression bizarre mais bon il fallait déjà que je mette au monde le fruit que j’avais dans le ventre. Je m’activais assez pour qu’il tombe avant noël, j’eus de la chance car ma petite Joséphine vint au monde le 21 décembre 1852. Cela n’a pas été tout seul, le travail a duré toute la nuit et la petite n’est venue qu’à sept heures du matin. J’ai souffert comme pas possible et j’ai eu une hémorragie qu’on a eu beaucoup de mal à juguler.
C’est Joseph qui est allé déclarer l’enfant en compagnie de cet idiot de Louis Déhu le berger qui travaillait avec lui et de Alexis Malinot notre voisin du hameau de Perthuis.
C’est le maire monsieur Thuillot qui a pris la déclaration. On a invité la famille proche pour la baptême , je n’irais pas à la cérémonie car nous les femmes qui venons d’accoucher nous ne sommes pas les bienvenues à l’église. Mon mari a raison de dire qu’il y a des choses bizarres dans les us et les coutumes de l’église catholique.
Noël est arrivé et évidemment je n’ai pas eu l’autorisation d’aller à la messe de minuit.
La veillée a eu lieu chez mes parents, vu mon état de faiblesse cela m’arrangeait d’être à coté de chez moi.
Les hommes mirent une grosse bûche de bois fruitier dans la cheminée, il fallait qu’elle se consume lentement ,on en prélèverait les cendres pour qu’elles nous portent bonheur toute l’année.
On mangea quelques noix en discutant, François Richard le berger et sa femme Marie Louise vinrent nous rejoindre. Quand ce fut l’heure tous partirent à la messe. J’eus un pincement au cœur de les voir s’éloigner vers le village, des colonnes se formaient avec en tête les hommes qui portaient les torches, on eut dit un long serpent. Je retournais à la maison où j’avais laissé ma petite endormie. Je n’étais pas seule mon garçon Joseph âgé d’à peine deux ans et qui ne savait pas marcher braillait dans son petit lit. Ma Clémentine notre aînée était allée courageusement à la messe portée dans les bras par les adultes.
Je fis une prière à notre Seigneur mais je finis par m’assoupir en attendant le retour de mon homme.
Quand ils revinrent tous,on fit un petit repas, Joseph qui était adroit de ses mains avait sculpté une petite catin dans un bout de bois et il l’offrit à Clémentine. Elle fut émerveillée par ce premier cadeau et se coucha avec. Elle ne lâcha plus sa poupée pendant un bon moment.
Mon mari aurait bien voulu fêter Noël plus intimement mais avec les souffrances des jours précédant il n’en était pas question de si tôt.
Joseph n’était plus berger mais manouvrier, je ne doutais pas qu’il revienne à ses premiers amours d’ici peu.
Mon père à force d’économie avait acheté une petite maison avec quelques arpents de terre, rien de bien grand mais en se louant ailleurs il pouvait se dire qu’il avait obtenu une petite aisance.
Aisance de pauvre bien évidemment, mais qui enorgueillissait notre famille, il n’y avait pas beaucoup de Patoux propriétaires de quoi que ce soit.